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L’enquête

Formation : OPCA : dernière collecte avant la réforme

L’enquête | publié le : 17.10.2017 | Laurent Gérard

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Formation : OPCA : dernière collecte avant la réforme

Crédit photo Laurent Gérard

Remontée du plan après l’effondrement de l’année dernière, confirmation de la domination des fonds libres, politiques conventionnelles très différenciées… La collecte des fonds de la formation professionnelle par les Opca révèle un mieux dans un paysage totalement modifié.

C’est la seconde ! La seconde collecte des fonds de la formation professionnelle par les Opca auprès des entreprises, avec la nouvelle architecture financière née de la réforme de mars 2014. Les énormes changements notés l’année dernière sont confirmés, mais avec une bonne nouvelle : l’ensemble de fonds plan (légaux + conventionnels + libres) enregistre une augmentation de 7 %, après un effondrement de – 34 % l’année précédente.

Tous les chiffres présentés dans ce dossier ont été collectés directement par Entreprise & carrières auprès de chaque acteur, les traitements et analyses sont les nôtres. Les constats majeurs de cette deuxième année de nouveau fonctionnement sont détaillés en points. Une bonne compréhension de ces flux financiers reste un enjeu majeur pour les DRH et les responsables formation (RF), mais aussi pour les prestataires de formation et tous les acteurs de ce marché (régions, État…)

Point éminemment important : ces chiffres de collecte 2017 sur les masses salariales 2016 sont présentés alors qu’une prochaine réforme de la formation est en préparation dans les cartons du gouvernement. Les négociations entre État et partenaires sociaux devraient commencer le 15 novembre et une loi est attendue pour le printemps 2018. Parmi les pistes de changement évoquées voilà déjà plusieurs mois par les représentants de celui qui n’était encore que le candidat Macron, apparaissaient la disparition du Congé individuel de formation (CIF) au profit du Compte personnel de formation (CPF), la concentration des collectes via les Urssaf et non les Opca, l’ouverture du Conseil en évolution professionnelle (CEP) a des intervenants privés, la réorientation des fonds de l’apprentissage pour ne financer que du contrat d’alternance…

Questions techniques et politiques

Toutes ces pistes posent évidemment de délicates questions techniques et politiques. Comment les fonds redescendraient-ils vers les entreprises, puisque la gestion serait administrée nationalement ? Que deviendra le travail de terrain, de conseil et de proximité fait aujourd’hui par les conseillers d’Opca ? Comment les cinq opérateurs “historiques” du CEP apprécieraient la concurrence de nouveaux venus ? Des débuts de réponses bientôt, peut-être.

L. G.

1. De nombreuses collectes sont réalisées pour le compte d’autrui

Attention ! La collecte globale totale de près de 9,4 milliards d’euros (formation professionnelle + taxe d’apprentissage) cache des biais, qui impliquent de regarder ce total avec beaucoup de précautions. En effet, une grande partie des fonds est collectée pour le compte d’autrui. Les fonds CIF seront reversés au Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP) qui les ventile sur les divers Fongecif. La contribution FPSPP lui sera également reversée aussi vite que possible. Enfin, la contribution CPF est certes gardée par l’Opca, mais les branches et les entreprises ne peuvent pas l’utiliser directement en tant que telle, puisque le CPF est à déclenchement individuel du salarié-citoyen. Les branches et entreprises peuvent, en revanche, construire des politiques d’abondement du CPF via leur plan, pour motiver les salariés à “apporter” leur compte personnel de formation dans un effort de formation partagé. Mais ce principe n’en est encore qu’à ses débuts.

Si on écarte les collectes pour autrui, la taxe d’apprentissage et les reversements, il ne reste véritablement à disposition des politiques de branches et d’entreprises que les collectes plan (légal, conventionnel et libre) et professionnalisation. Et, en ces domaines, les stratégies sont très différentes (lire p. 16).

2. La collecte de la taxe d’apprentissage ne fait que transiter par les OPCA

La collecte d’une partie de la taxe d’apprentissage est une nouveauté depuis deux exercices pour nombre d’Organismes paritaires collecteurs agréés (Opca) devenus Organismes de collecte de la taxe d’apprentissage (Octa) l’année précédente, alors que certains Opca la collectaient déjà. L’effet de masse de cette collecte est vraiment important cette année, atteignant 2,2 milliards d’euros. C’est en partie une augmentation mécanique, du fait de l’évolution de la masse salariale.

Mais ces fonds ne font que transiter par les Opca, car ils doivent être réorientés vers les centres de formation d’apprentis (CFA) et utilisateurs de la taxe d’apprentissage. Les branches professionnelles qui pilotent et gèrent les Opca ont cependant une marge de manœuvre pour penser et créer une politique d’apprentissage à leur main, plus ou moins en lien avec la politique de contrat de professionnalisation. C’est un point que les branches et les entreprises ont tout intérêt à investir. Mais ce sera certainement aussi un des premiers champs de restructuration de la réforme annoncée par le gouvernement.

3. La collecte formation « pure » est en hausse

La collecte “formation professionnelle continue” (hors taxe d’apprentissage) passe de 6,8 milliards d’euros à 7,1 milliards d’euros, selon nos chiffres. L’année précédente, l’augmentation était surtout due à un effet mécanique de la réforme : les obligations légales de financement avaient baissé de 1,6 % à 1 % de la masse salariale (pour les entreprises de plus de 10 salariés), mais le 0,9 % pour plan de formation était souvent gardé en interne par les grandes entreprises. L’obligation de verser 1 % de la masse salariale des entreprises aux Opca a abouti à un montant finalement supérieur à ce qui était versé avant la réforme : + 13 %. Cette année, l’augmentation est partiellement due à l’évolution de la masse salariale, mais aussi à des nouveaux choix des entreprises sur les fonds plan de formation au sens large.

4. Le financement “plan de formation” retrouve de la vigueur

C’est la bonne nouvelle de cette année : après un effondrement de – 34 % en 2016, l’ensemble des fonds “plan” (légal, conventionnel et libre) enregistre une hausse de + 7 %. Et toutes les natures de contribution sont concernées par cette tendance : + 1,41 % pour le légal, + 6,66 % pour le conventionnel, et surtout + 10,59 % pour les contributions volontaires libres (lire ci-dessous). En supprimant la fameuse contribution 0,9 % pour plan de formation, la réforme de 2014 avait provoqué un choc négatif. Elle a fait disparaître les versements des entreprises de plus de 300 salariés et fait s’écrouler ceux des autres entreprises qui ne gardent encore que de petites obligations légales sur le plan (0,2 % et 0,1 % de la masse salariale). Ce choc négatif est partiellement gommé cette année, du fait de l’explosion confirmée des versements volontaires faits par les entreprises aux Opca.

5. Les versements libres et volontaires confirment leur poids

C’est l’autre grand constat de la collecte 2017. Non seulement la moitié des fonds “plan” enregistrés par les Opca (1,3 milliard d’euros sur 2,4 milliards) sont désormais des versements librement consentis par les sociétés. Mais ce sont de plus ceux qui connaissent le plus fort taux de progression : + 10,59 %.

C’est un changement fondamental, qui traduit une nouvelle orientation des relations entre entreprises et collecteurs : les contrats et relations de gré à gré se multiplient, les Opca cultivent la qualité de leurs services divers (aides à la gestion des fonds, à la construction du plan, à la sélection des prestataires…), tout en se défendant de prendre la place des prestataires du marché, notamment celle des cabinets-conseils.

Avant la réforme de 2014, les très grandes entreprises ne versaient que rarement leur plan à leur Opca, ou alors sous la forme d’un aller-retour pour bénéficier de fonds mutualisés sur la professionnalisation. Avec ce deuxième exercice post-réforme, ces entreprises confirment tout l’intérêt de faire des versements libres à leur Opca afin de bénéficier de services spécifiques et de facilités financières. La nouveauté vient du fait aussi que de nombreuses petites et moyennes entreprises signent désormais ce genre de contrat de gré à gré avec leur collecteur (lire le bilan de la “garantie formation” d’Agefos PME p. 18).

Cette tendance lourde est également facilitée par le fait que ces versements libres peuvent, par définition, être fait n’importe quand dans l’année, et pour des durées d’utilisation qui peuvent varier de l’année à trois ans, selon l’accord signé avec le collecteur. La souplesse apportée ne peut que séduire.

Très clairement, décider de faire ou pas un versement libre à son collecteur pour bénéficier de fonds mutualisés et de services spécifiques en retour devient un élément constituant majeur du poste de DRH et de responsable formation (RF). La pression mise par les directions et les directeur administratif et financier (DAF) a été forte pour réduire les dépenses formation à la suite de la fin de l’obligation légale du 0,9 % plan. Aujourd’hui, la capacité à convaincre sa direction de l’intérêt d’un versement libre est devenue un élément central de jugement de la qualité d’un RF : une grande partie de la justification du poste se joue dans cette réflexion financière.

Ces versements volontaires sont parfois qualifiés de “plan libre”. L’expression est discutable, mais permet de fixer l’idée de fonds utilisables directement pour les besoins de l’entreprise. Les partenaires sociaux, gestionnaires des Opca, préfèrent ne pas utiliser cette expression, afin d’éviter une confusion avec la notion juridique de plan.

Parallèlement à cette explosion des versements libres, on note la faiblesse des contributions conventionnelles, bien que celles-ci soient également en augmentation. Lors de la réforme de 2014, il n’était pas dans la stratégie du Medef de développer le conventionnel. Reste des exceptions : le champ de l’intérim (FAF.TT + FPE-TT) ; et, hors des champs d’adhésion au Medef, à la CPME et à l’UPA, les branches de l’économie sociale au sens large, réunies dans les Opca Unifaf et Uniformation, et celles des secteurs du spectacle vivant et des médias, réunies à l’Afdas, qui ont également davantage développé le conventionnel.

Auteur

  • Laurent Gérard