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Denis Monneuse : Du côté de la recherche

Tendance | publié le : 10.10.2017 | Denis Monneuse

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Denis Monneuse : Du côté de la recherche

Crédit photo Denis Monneuse

Qui promeut le mieux la diversité ?

Promouvoir la diversité en entreprise est une chose facile à faire, mais difficile à réaliser. Les dirigeants disent souvent que la diversification de la main-d’œuvre (en termes de sexe, âge, origines ethniques…) est une affaire de temps car ils s’accrochent à la théorie de l’onde (ou du développement viral) : une goutte d’eau dans une mare se propage progressivement, lentement mais sûrement. Cette théorie suppose l’existence d’une solidarité entre les membres des groupes minoritaires ou défavorisés. Elle prévoit que si une entreprise recrute plus de femmes et de minorités visibles, ces représentants de la diversité vont eux-mêmes recruter et promouvoir par la suite plus de femmes et de gens de couleur dans leurs équipes, si bien que la diversité va s’accroître d’elle-même une fois que l’élan est lancé.

Cette théorie de l’onde est pourtant peu vérifiée dans les faits. Une cheffe d’équipe noire ne va pas nécessairement recruter ou promouvoir des femmes et des salariés noirs. Au contraire, on observe plutôt le phénomène contraire. Les salariés minoritaires sont parfois accusés d’être des gardiens de l’ordre établi. Ils peuvent être tentés non seulement de ne pas donner de coup de main, mais aussi de discriminer les autres salariés minoritaires. Pourquoi ? Parce que cela peut être valorisant d’être le seul à avoir réussi à briser le plafond de verre et parce que si l’on a souffert pour se faire une place, on n’a pas nécessairement envie que d’autres parviennent à la même position hiérarchique sans souffrir ; ça s’appelle le bizutage social. Par conséquent, les femmes et les non-blancs qui ont réussi à briser le plafond de verre sont parfois accusés d’égoïsme.

Mais s’agit-il vraiment d’égoïsme ou d’une façon de se protéger du soupçon de favoritisme envers ses semblables ? C’est la question que s’est posée un groupe de chercheurs emmené par David Hekman, de l’université du Colorado(1). Si une femme manager promeut plus de femmes que d’hommes dans son équipe, elle pourrait être soupçonnée de privilégier la gent féminine en faisant de la discrimination positive. Cette femme peut donc être tentée de privilégier les hommes pour se mettre à l’abri d’un tel soupçon. Il en va de même pour les minorités visibles.

Pour tester cette hypothèse, nos chercheurs ont recruté 350 cadres en demandant à leur patron et à trois de leurs pairs d’évaluer leurs compétences et leur performance, mais aussi dans quelle mesure ils promouvaient la diversité. Il en ressort que les managers blancs qui sont perçus comme les plus grands défenseurs de la diversité sont aussi ceux jugés les plus performants. En revanche, les femmes et les non-blancs perçus comme les plus grands défenseurs de la diversité sont jugés les moins performants. Une deuxième expérience menée auprès de 300 participants chargés d’évaluer les choix de recrutement de managers va dans le même sens. Les participants jugent négativement les femmes et les non-blancs qui recrutent des candidats en arguant que cela fera progresser la diversité, alors qu’ils ne jugent pas négativement les hommes blancs qui emploient le même argument.

Les membres issus de la diversité sont donc accusés soit d’en faire trop pour la diversité, soit pas assez. Seuls les hommes blancs peuvent promouvoir la diversité sans prendre de coup au passage. Ils n’ont donc aucune excuse pour rester les bras croisés !

(1) Hekman, D. R., Johnson, S. K., Foo, M. D., & Yang, W. (2017). Does Diversity-Valuing Behavior Result in Diminished Performance Ratings for Non-White and Female Leaders ?. Academy of Management Journal, 60 (2), 771-797.

Auteur

  • Denis Monneuse