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Danièle Chanal : La chronique juridique d’avosial

Tendance | publié le : 03.10.2017 | Danièle Chanal

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Danièle Chanal : La chronique juridique d’avosial

Crédit photo Danièle Chanal

Le dangereux féminisme “à la papa” de la cour de cassation

Par un arrêt du 12 juillet 2017, la Cour de cassation a validé un accord collectif octroyant « au seul bénéfice des salariés de sexe féminin une demi-journée de repos à l’occasion de la Journée internationale pour les droits des femmes, dès lors que cette mesure vise à établir l’égalité des chances entre les hommes et les femmes en remédiant aux inégalités de fait qui affectent les chances des femmes… ».

Elle a manifestement cru apporter ainsi sa pierre à l’édifice de l’égalité entre les hommes et les femmes, puisque cet arrêt est doté d’une cotation “PBRI”, réservée aux décisions de principe.

Sans doute peu convaincue de son propre raisonnement et soucieuse d’éventuelles critiques, la Cour livre, en accompagnement, une longue note visant à se justifier et rappelant les « luttes féministes » qui ont accouché de la journée du 8 mars.

Ni l’arrêt ni ladite note, qui s’en tient aux trois articles admettant des dérogations, ne font toutefois référence à l’article L 1142-3 du Code du travail, pourtant limpide, qui répute nulle « toute clause d’une convention ou d’un accord collectif de travail […] qui réserve le bénéfice d’une mesure quelconque à un ou des salariés en considération du sexe ».

Au regard du principe, l’exception doit toujours être considérée avec prudence et évaluée avec rigueur ; or la “lumière” de l’article 157 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, appelée à la rescousse par la chambre sociale, éclaire peu : en dérogation au principe d’égalité, il ne fait guère qu’autoriser des avantages « destinés à faciliter l’exercice d’une activité professionnelle par le sexe sous-représenté ou […] compenser des désavantages dans la carrière professionnelle ».

La règle est reprise en droit français par l’article L 1142-4 qui autorise des « mesures temporaires » [...] « visant à établir l’égalité des chances entre les femmes et les hommes, en particulier en remédiant aux inégalités de fait qui affectent les chances des femmes » ; celles-ci, dit le texte, résultent notamment du « plan pour l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ». Il est dommage qu’au terme de sa si longue exégèse la Cour n’ait pas estimé utile à la validation de son raisonnement, la simple lecture de l’article L 2242-8 qui régit la négociation annuelle sur l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes ; car il mentionne les domaines pertinents sur lesquels les objectifs et les mesures doivent être arrêtés : suppression des écarts de rémunération, accès à l’emploi, déroulement de carrière notamment.

Il aurait aussi été judicieux de se souvenir que le plan d’action, invoqué dans la note explicative de l’arrêt, et en lien direct avec cette thématique de négociation, doit être « fondé sur des critères clairs, précis et opérationnels » pour déterminer des « objectifs de progression », avant de considérer qu’une demi-journée de repos puisse, de près ou de loin, entrer dans une telle définition.

Si loin des textes censés la fonder, la décision de la chambre sociale sera donc vue, au mieux, comme une touche folklorique qui distraira des exactions, en hausse constante, dont les femmes sont victimes à travers le monde ; elle sera, au pire, considérée comme une marque de favoritisme débile par tous ceux qui ne sont pas d’éminents juristes, c’est-à-dire la quasi-totalité des collègues de ces dames. Dans les deux cas, on retiendra que les femmes sont mieux traitées que les hommes.

Les esprits plus avertis, accessibles au message subliminal, en déduiront que seules les femmes sont admises à se préoccuper de la situation des femmes, ce qui demeure un postulat audacieux quand on prétend favoriser le principe d’égalité.

Pendant ce temps, une jeune femme de trente ans est devenue le plus jeune commandant de bord au monde d’un Boeing 777… Miss Anny Divya est née et travaille en Inde, le berceau des castes devenu un pays moderne.

Auteur

  • Danièle Chanal