logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

L’enquête

Rémunération globale : Vent favorable pour les dispositifs de retraite

L’enquête | publié le : 03.10.2017 | Hélène Truffaut

Image

Rémunération globale : Vent favorable pour les dispositifs de retraite

Crédit photo Hélène Truffaut

Réforme systémique en vue, création des FRPS, ANI Agirc-Arrco… : la problématique retraite se hisse doucement en haut de la pile des dossiers RH. Les salariés sont demandeurs. Et les deux outils phares, Perco et article 83 sont en bonne forme. L’occasion, pour certains employeurs de revisiter leur offre en la matière.

Le top départ a été donné le 12 septembre, avec la publication au Journal officiel d’un décret instituant un haut-commissaire à la réforme des retraites. Une fonction confiée à l’ancien ministre Jean-Paul Delevoye, qui aura donc la charge de piloter la réforme systémique des retraites promise par Emmanuel Macron. Objectif : mettre en place un système en comptes notionnels (où les droits sont comptabilisés en points) pour « faire en sorte qu’un euro cotisé donne les mêmes droits » à chacun.

Le chantier est sensible. D’autant que les dernières projections du Conseil d’orientation des retraites (COR) de juin dernier – revues et corrigées avec notamment les nouvelles hypothèses démographiques de l’Insee – ont jeté un froid, prévoyant un retour à l’équilibre des régimes non plus au milieu des années 2020, mais au mieux au début des années 2040.

En attendant de savoir à quelle sauce, cette fois, ils seront mangés, les salariés ont bien du mal à se projeter financièrement dans leur vie post-travail. Selon une étude Amundi-Audirep menée auprès de 14 000 épargnants(1) publiée en septembre 2016, seuls 38 % des 45 ans et plus connaissent le montant de leurs revenus de retraite issus des régimes obligatoires. Mais les deux tiers de tous les répondants (65 %) estiment que leur future pension sera trop juste pour vivre confortablement.

Ils sont du reste autant à déclarer mettre de l’agent de côté à cette fin : 82 % des 45 ans et plus et, tout même, 40 % des moins de 35 ans. D’abord aiguillonnés par les informations délivrées par leur entreprise (à 51 %), devant les conseils de leur entourage, ces épargnants plébiscitent les solutions de retraite collective d’entreprise (Perco, article 83). Et l’enquête d’Amundi d’enfoncer le clou : les trois quarts des sondés estiment que l’entreprise est dans son rôle en proposant ce type de dispositif, 68 % jugeant même que cela devrait être obligatoire…

Une influence sur la mobilité

Une autre enquête(2), menée cette fois par le cabinet Adding, confirme l’intérêt que portent les quelque 2 000 salariés interrogés en février dernier à ce coup de pouce de l’employeur. De fait, moins d’un sondé sur deux (47 %) déclare disposer d’une épargne retraite, qui, pour près de sept salariés concernés sur dix, est logée dans un dispositif d’entreprise. À rémunération identique (salaire + primes), le contrat de retraite supplémentaire figure sur le podium des avantages pouvant influer sur une mobilité interentreprise. En 3e position avec 13 % des réponses – certes, très loin derrière l’épargne salariale (PEE, intéressement et participation) citée à 44 % et les RTT (17 %) – la retraite supplémentaire prend la 4e place en cumul des premier et deuxième choix (37 %), juste après la prime d’ancienneté. Un score très honorable pour un à-côté dont il n’est pas facile de quantifier les bénéfices Et qui appâte, c’est vrai, davantage les salariés seniors.

Cela fait en tout cas un bon moment que les professionnels du conseil et de l’épargne salariale, gestionnaires de fonds et autres assureurs se tiennent en embuscade. Le revirement du COR et la hausse prévue de 1,7 point de la CSG au 1er janvier prochain qui lésera les retraités les plus aisés leur donnent du grain à moudre pour prôner le développement accru d’une retraite par capitalisation dans l’entreprise. Le Perco et le plan d’épargne retraite d’entreprise (PERE), ex-article 83 – et encore largement appelé ainsi – en étant les produits phares.

De là à imaginer un système d’auto-enrolment(3) tel que mis en place par les Britanniques, il y a un gouffre. Que la CFDT, pour ne citer qu’elle, n’est pas prête à franchir. « La seule capitalisation pour la protection retraite est hors de question », appuie Frédéric Sève, secrétaire national CFDT en charge des questions retraite. D’une part, « nous sommes très attachés au système par répartition et ne retenir que le périmètre de l’entreprise ne nous semble pas pertinent au regard de l’évolution actuelle du monde du travail ».

D’autre part, sans nier l’intérêt des dispositifs d’entreprise, Frédéric Sève s’interroge sur la façon dont ils sont présentés aux principaux intéressés. Et met en garde contre les vases communicants : « Nous n’avons rien contre un “plus”. Encore faut-il être certain que celui-ci ne se substitue pas à de la rémunération salariale… »

Il n’empêche. Même si la retraite supplémentaire facultative (individuelle et collective) ne représente encore, tous systèmes confondus qu’une infime partie de l’ensemble des prestations de retraite versées en France(4), l’épargne salariale dans son ensemble et les dispositifs de retraite en particulier sont en bonne forme. Il faut dire que les entreprises ont repris du poil de la bête. Selon la dernière étude de la Dares, elles ont distribué l’année dernière au titre de 2015, près de 16,9 milliards d’euros bruts en participation, intéressement, abondement sur les PEE et les Perco, dont 16,4 milliards pour les seules structures de 10 salariés ou plus. Soit une hausse de 7,4 % par rapport à 2014 (contre + 0,7 % l’année précédente). Sept millions de salariés en ont profité.

Hausse des encours

Au 31 décembre 2016, les encours d’épargne salariale s’établissaient, selon l’Association française de la gestion financière (AFG) à 122,5 milliards d’euros (+ 4,3 % sur un an). Les seuls Perco affichant 14 milliards d’euros d’encours (+ 13 %) et 2,2 millions d’adhérents (+ 9 %). Beau temps aussi pour les régimes de retraite à cotisations définies avec, en 2016, une hausse des cotisations et des encours – qui atteignent 54,3 milliards d’euros – de, respectivement, 6 % et 4 %, selon les derniers chiffres de la Fédération française de l’assurance (FFA) publiés en avril dernier.

Dans sa dernière étude annuelle sur les pratiques des entreprises en matière d’avantages sociaux (publiée en février), Aon Hewitt pointait également la progression du 83. Un régime mis en place dans une entreprise interrogée sur deux (+ 10 % par rapport à l’année dernière). Et qui, dans la moitié des cas, concerne désormais l’ensemble du personnel. « Ce n’est pas un mouvement galopant, mais la montée du 83 est inéluctable, tant du fait de la baisse des taux de remplacement que parce que les cotisations et encours de ces contrats croissent mécaniquement avec les augmentations de salaires », estime Marc Salameh, responsable de l’activité avantages sociaux du cabinet de conseil en RH. Qui n’entend surtout pas forcer la main aux entreprises.

« Dès lors qu’elles souhaitent s’occuper de la retraite de leurs salariés, les entreprises hexagonales ont la chance de disposer d’outils différents et complémentaires, poursuit-il. Elles peuvent commencer par un Perco, moins engageant financièrement pour l’employeur, et laisser le 83 pour plus tard. Mais il faut regarder les avantages sociaux dans leur globalité, tempère-t-il. Si l’employeur est très généreux en termes d’épargne salariale, participation et intéressement, s’il propose une complémentaire santé intéressante, un compte épargne-temps, etc., c’est déjà très bien. »

En attendant la réforme à venir, les contextes législatif et financier incitent les DRH et Comp & Ben à réfléchir aux systèmes qu’ils ont mis en place. La loi Macron du 6 août 2015 a déjà permis de toiletter l’épargne salariale, à commencer par les Perco (forfait social minoré à 16 %, moyennant la gestion pilotée par défaut et l’introduction de titres PEA-PME).

Des entreprises déstabilisées

Mais l’ANI relatif aux retraites complémentaires du 30 octobre 2015 (qui instaure un coefficient de solidarité temporaire à partir de 2019 pour la génération 1957, lire Entreprise & Carrières n° 1277), a jeté un nouveau pavé dans la mare. « Si tous les grands comptes pour lesquels nous intervenons sont des cas particuliers, on peut tout de même dire que l’ANI Agirc-Arrco a, dans l’ensemble, déstabilisé les entreprises, confirme François Lusson, actuaire associé au cabinet de conseil en protection sociale et actuariat Actense. Elles ont découvert qu’il pouvait y avoir un abattement de la rente pendant trois ans et se demandent comment réagir. »

Autre grand point de vigilance pour les employeurs : la baisse de rendement des fonds euros (pour le PERE) et monétaires (à laquelle répond la gestion pilotée du Perco +). Dans ce domaine, certaines entreprises, telles Schlumberger (lire ci-dessus) et Vinci (lire p. 23), sont déjà passées à l’action. La récente création des fonds de retraite professionnelle supplémentaire (FRPS, lire p. 20) devrait également permettre aux assureurs d’offrir aux salariés un meilleur rendement de leurs actifs retraite. Siaci Saint Honoré a réalisé, en juillet dernier, une enquête flash auprès d’une cinquantaine d’entreprises sur leurs priorités RH 2017-2018. Elle montre que si la maîtrise du budget, la flexibilité du travail et la digitalisation de la fonction RH sont en tête des préoccupations, l’amélioration de la communication autour des dispositifs de retraite est aussi dans la ligne de mire des DRH. Une bonne occasion de parler aussi aux collaborateurs de critères d’investissements environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG).

Rétention des talents

Dernièrement occultée par la santé et la prévoyance, la problématique retraite a en tout cas de bonnes chances de figurer à l’agenda social 2018 des clients de Galea & Associés, considère Norbert Gautron, président du cabinet d’actuaires. « Avec la perspective de la réforme des régimes obligatoires et l’arrivée des FRPS, les entreprises sont davantage sensibilisées au sujet. Les astres semblent bien alignés ! »

L’enjeu ? La rétention des talents, bien sûr. Notamment des cadres, pour lesquels les taux de remplacement seront d’autant plus bas que leurs niveaux de rémunération sont élevés. Mais pas seulement. Selon Marc Salameh, la question relève aussi de la responsabilité sociétale des entreprises : « Sans partir en croisade, nous savons que nous allons avoir des problèmes dans ce domaine, alors essayons tous de faire quelque chose. »

H. T.

Les FRPS prêts à décoller

Fin 2015, Emmanuel Macron, alors ministre de l’Économie, avait annoncé des « fonds de pension à la française ». Ce sont finalement des « fonds de retraite professionnelle supplémentaire » (FRPS), qui ont vu le jour via l’ordonnance n° 2017-484 du 6 avril dernier, complétée par trois décrets en date du 18 juillet et un arrêté du 14 août.

Objectif : desserrer les contraintes pesant sur les assureurs – qui gèrent notamment les articles 83, 39, 82 et les indemnités de départ à la retraite –, et qui sont soumis à de strictes règles prudentielles (Solvabilité 2) peu adaptées à l’horizon retraite.

Cette mesure n’introduit pas de grand chambardement, mais la possibilité, pour les assureurs, d’avoir une gestion plus dynamique de ces dispositifs dans le cadre d’un véhicule dédié. « On peut espérer qu’ils reviennent à 30 % d’actions dans leurs actifs, explique Norbert Gautron, président de Galea & Associés. Le FRPS offre donc un cadre plus adapté aux régimes de retraite – avec d’importantes garanties juridiques –, et promet une meilleure revalorisation des rentes sur le long terme. » À ce jour, les sociétés d’assurance disposent de toute la réglementation technique. Cependant, rares sont celles qui ont sauté le pas : « Il n’y a ni ruée, ni rejet : la plupart sont encore en phase de réflexion et auront certainement, le moment venu, une démarche proactive à l’égard de leurs clients. Mais il y a déjà des appels d’offres émanant de très grandes entreprises. Ces dernières ont, en tout cas, intérêt à challenger leur assureur sur le sujet. »

(1) Enquête Amundi-Audirep : « La retraite, êtes-vous prêts », menée en février 2016 auprès de 14 000 épargnants disposant d’un accès à l’espace sécurisé du site Amundi salariale et retraite, interrogés en ligne

(2) Enquête Benefits vague 3 Adding-BVA, réalisée en février 2017 auprès d’un échantillon représentatif de 2003 salariés d’entreprises privées de 500 salariés et plus.

(3) Obligation, pour les employeurs, d’inscrire automatiquement leurs salariés à des régimes d’entreprise (la cotisation étant répartie entre l’entreprise, le salarié et l’État).

(4) La retraite supplémentaire facultative (dispositifs d’entreprise ou produits retraite individuels) ne représente que 2 % de l’ensemble des prestations retraite versées (Drees, Les retraités et les retraites, mai 2017).

Auteur

  • Hélène Truffaut