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L’enquête

Air France : Pourquoi l’Unac a renoncé à consulter les salariés

L’enquête | publié le : 26.09.2017 | E. F.

Le syndicat Unac (CFE-CGC) a finalement abandonné l’idée de recourir à un référendum pour valider un accord minoritaire portant notamment sur le temps de travail. Un texte légèrement amendé a finalement été paraphé par trois syndicats.

L’usage du référendum pour valider un accord est délicat. En mars 2017, Air France aurait pu être la troisième entreprise (après Novo Nordisk et RTE, lire p. 19 et p. 20), à recourir à cette procédure instaurée par la loi Travail d’août 2016. Le symbole aurait été fort eu égard à la taille et à la notoriété du transporteur aérien, et à l’identité de son DRH, Gilles Gateau, en responsabilité au cabinet du Premier ministre au moment de l’élaboration de cette loi. Finalement, la direction d’Air France n’a pas convoqué de référendum pour valider cet accord régissant le temps et les conditions de travail de ses 13 500 personnels navigants commerciaux (PNC : hôtesses et stewards). Un autre texte, pratiquement identique, a finalement été paraphé au mois de juillet par trois syndicats majoritaires, ce qui est plus classique.

Que s’est-il passé pour que les partenaires sociaux d’Air France renoncent à un accord rendu possible par les nouvelles règles de validation issues de la loi Travail ? Depuis janvier 2017, il est en effet possible de faire valider par référendum des salariés un accord sur le temps de travail signé par des syndicats minoritaires (représentant entre 30 % et 50 % des suffrages).

Au mois de mars, donc, et après de longues négociations, la direction d’Air France et l’Unac (CFE-CGC), qui représente 31 % des suffrages aux élections des PNC, s’entendent sur un projet d’accord portant sur de multiples aspects du travail des hôtesses et des stewards, dont leur temps de travail. Celui-ci prévoit notamment 500 recrutements en CDI, garantit une augmentation de la masse salariale de 2,5 % par an, et change les règles d’élaboration des plannings des PNC. Par exemple, sur les longs courriers, le nombre de jours d’astreintes passe de 12 jours maximum par mois à 7 jours. Par ailleurs, le nombre maximum d’heures de vol est déplafonné mais le seuil de déclenchement des heures supplémentaires reste le même. Un texte « équilibré », selon Joachim Coursimault, délégué syndical Unac.

Stabilisation des coûts

« L’accord PNC du mois de juillet, comme le projet d’accord du mois de mars, permet de stabiliser les coûts PNC, dont la masse salariale progresse spontanément de plus de 2 % par an sur la durée de l’accord ; cette stabilisation est obtenue sans toucher au système de rémunération, par des gains d’efficacité et de productivité », explique Gilles Gateau, DGRH d’Air France.

Le texte est mis à la signature. Il ne recueille que celle de l’Unac, qui peut donc demander à la direction d’organiser une consultation des salariés.

Une question juridique se pose toutefois. Gilles Gateau : « Le projet d’accord concernait le temps de travail mais aussi d’autres dispositions, qui ne relevaient pas des nouvelles règles de validation issues de la loi Travail d’août 2016. Dès lors, devions-nous signer deux accords différents, l’un avec les règles de validation classiques (majorité à 30 %), l’autre avec les règles nouvelles (majorité à 50 % ou référendum si les syndicats signataires représentent entre 30 % et 49 %) ? Ni la direction, ni le syndicat signataire ne souhaitaient compartimenter l’accord. Nous avons donc décidé, après avoir consulté la Direction générale du travail, d’appliquer à cet accord la règle de validité la plus stricte. Dès lors, l’accord aurait pu être validé par référendum. »

Oppositions

Mais les syndicats opposants, majoritaires, menaçaient d’aller en justice. « Nous aurions pu demander un référendum, cela aurait été l’une des premières fois que cette disposition était utilisée, explique Joachim Coursimault. Mais il y avait un risque de contentieux. En outre, nous ne voulions pas faire complètement abstraction des autres syndicats représentatifs, quand bien même nous leur reprochions de n’avoir pas joué leur rôle de représentation en n’assistant pas aux réunions de négociation. Enfin, notre confédération avait combattu la loi Travail. »

Autre élément à prendre en compte : dans le même temps que l’accord d’Air France était mis à la signature, l’entreprise Réseau Transport d’Électricité (RTE) (lire p. 20) échouait à faire valider un accord par référendum (70 % d’opposition). « L’exemple de RTE a dû refroidir certains partisans du référendum : il illustre le risque que les salariés se prononcent sur une autre question que celle qui est posée dans le cadre du référendum. C’est d’ailleurs un classique des référendums… », analyse Gilles Gateau.

Sécuriser les statuts

Le risque existait également à Air France que les PNC se prononcent non pas sur l’accord temps de travail mais pour ou contre la création de la compagnie Joon. Voulue par la direction et par les pilotes, cette filiale d’Air France emploiera des hôtesses et stewards à des conditions beaucoup moins avantageuses que la compagnie mère. Les syndicats de PNC étaient évidemment opposés à la création de cette compagnie, mais, mis devant le fait accompli, certains se disaient qu’il valait mieux sécuriser les statuts des PNC d’Air France (enjeu du projet de texte du mois de mars) et limiter le nombre d’avions que Joon pourra faire voler – c’est l’objet d’un autre accord signé au mois de juillet.

Après l’échec du mois de mars, la négociation revient à un schéma plus classique : la direction menace d’appliquer des dispositions unilatérales, les deux syndicats opposants appellent à la grève en avril, la direction revient avec un projet d’accord légèrement amendé, les trois syndicats des PNC le signent après consultation de leurs adhérents.

Repères

Activité

Transport aérien.

Effectifs

4 400 pilotes, 13 500 personnels navigants commerciaux (PNC).

Chiffre d’affaires 2015 Air France-KLM

20,54 milliards d’euros.

Auteur

  • E. F.