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Sur le terrain

Retour sur… Le mentorat croisé interentreprises chez Danone

Sur le terrain | publié le : 12.09.2017 | Florence Pinaud

DEPUIS 2012, le géant de l’agroalimentaire a enrichi son programme intergénérationnel Octave de sessions de mentorat ciblé. En binôme, les volontaires ayant suivi ce séminaire se coachent mutuellement avec des « Octaviens » issus d’autres groupes.

Désamorcer un conflit avec son chef, faire évoluer ses compétences en fonction de ses projets, préparer une mobilité interne, renégocier un contrat… Les situations qui suscitent l’envie de se faire coacher à tout âge sont diverses. Chez Danone, les participants au programme Octave peuvent creuser ce sillon avec du cross mentoring, c’est-à-dire du mentoring interentreprises. Lancé en 2012 par la multinationale, Octave est un séminaire de leadership dont les partenaires sont Société générale, Orange, Engie et Bristol Myers Squibb (lire Entreprise & Carrières n° 1222 du 6 janvier 2015). L’idée : faciliter la compréhension entre les jeunes et les plus âgés. Pendant deux jours et demi, le programme accueille des jeunes à haut potentiel et des cadres managers et experts, sélectionnés, du côté de Danone, par la DRH, sachant que le groupe compte 22,8 % de moins de 30 ans et 12,3 % de plus de 50 ans dans ses effectifs. « Rapidement, nous avons compris que le sujet n’était pas tant les générations que les nouvelles technologies, souligne Anne Thévenet-Abitbol, directrice prospective et nouveaux concepts chez Danone, à l’origine du projet. Le numérique change la façon de communiquer, le rapport au temps et à la hiérarchie, il impacte les modes de management. »

Sur ce choc technologique, le transfert des savoir-faire est vite devenu évident et, pour le mettre en œuvre, Octave a étoffé son offre d’une démarche de reverse mentoring. Soit des jeunes qui initient les seniors sur des pratiques qu’ils connaissent par cœur : calibrage d’un profil et maniement des réseaux sociaux, gestion de l’e-réputation… Cela les valorise en les positionnant comme ressource, mais cela conduit aussi les seniors à apprécier leurs aptitudes et à comprendre leurs pratiques. « Aujourd’hui, au-delà de la génération Y, c’est une véritable culture Y qui fait tache d’huile et dont nous devons tous nous doter, estime Anne Thévenet-Abitbol. Cela permet aux anciens de mieux maîtriser les transformations. »

Mise en relation

Pour ces sessions post-séminaire, les Octaviens volontaires s’inscrivent sur la plateforme d’e-mentoring Unatti. Ils indiquent leurs compétences et leurs attentes, un profil à partir duquel l’algorithme propose une mise en relation avec un collaborateur d’une entreprise partenaire. Unatti les sensibilise au principe du mentorat et, à l’issue du premier contact, les deux participants décident de se lancer ou demandent une autre mise en relation si le courant ne passe pas. En principe, la démarche prévoit six sessions d’une heure sur un semestre, en face-à-face ou par visioconférence. Mais, à l’usage, les échanges durent plutôt 1 h 30 et certains binômes restent en contact au-delà du semestre. Pour Bérangère Golliet, responsable développement des organisations chez Danone, le côté cross a beaucoup d’avantages. « Il induit un espace de dialogue très libre et sans pression. En plaçant l’échange sur le domaine du savoir-être, il permet aux gens de s’aligner avec leurs propres valeurs. Il donne aussi un point de vue enrichissant sur la façon de travailler dans d’autres groupes. » Quant aux rencontres, elles restent informelles et se déroulent suivant le choix des participants. « Cette souplesse répond à l’horizontalité et aux pratiques managériales de notre époque. »

Après les premières sessions de reverse, les jeunes Octaviens ont demandé à être, eux aussi, accompagnés par des cadres confirmés, par exemple pour des situations professionnelles délicates ou des conseils de carrière. Ainsi, la plateforme Unatti offre désormais aux candidats l’opportunité de mentionner s’ils souhaitent être mentor, mentoré(e) ou les deux à la fois. C’est le cas d’Adélaïde Grémont, 29 ans, responsable affaires publiques qui est passée du profil de mentorée à celui de mentor, dans les deux échanges qu’elle a menés. En sept ans chez Danone, elle a déjà occupé quatre postes, du commercial au digital puis aux relations presse, avant de trouver sa place aux affaires publiques. Son premier mentor était un cadre senior d’Orange, qu’elle a sollicité quand elle préparait un changement de poste : elle voulait formuler ses envies et identifier quels leviers actionner en vue de les réaliser. Deux ans plus tard, elle a été mentorée pour sa prise de poste aux affaires publiques par une cadre d’Engie au département légal. À chaque fois, Adélaïde Grémont a su prendre le rôle de mentor, quand l’occasion se présentait. « Cela s’est fait de façon très naturelle : au fur et à mesure de nos échanges, mes mentors ont découvert que j’avais occupé un poste digital et que j’étais familière avec les réseaux sociaux, la gestion du flux d’information. La demande n’était pas directe au départ, ça a pris la forme de conseils, des quick tips que je leur donnais. »

Pour la jeune femme, l’expérience est concluante. « Le mentoring est puissant par son pragmatisme : les conseils que l’on reçoit ont été expérimentés, vécus. Et l’inversion des rôles renforce la relation, elle l’ancre dans une confiance et une réciprocité accrues. C’est également une façon de prendre du recul sur ses propres pratiques : les questions de mes mentors n’étaient pas forcément celles que je me posais. » Selon Bérangère Golliet, ces mentorats favorisent l’esprit de collaboration et la capacité à créer un réseau. Ils accélèrent le développement de soft skills comme la bienveillance et l’écoute active. Ils permettent aussi d’être confronté à d’autres réalités d’entreprise et de se nourrir via le partage d’expériences et de bonnes pratiques (bring outside in). Chaque année, sur la trentaine d’Octaviens Danone, environ un tiers décide d’engager la démarche mentorat.

Auteur

  • Florence Pinaud