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L’enquête

Areva : Un outil d’aide à la conduite du changement

L’enquête | publié le : 12.09.2017 | Violette Queuniet

Chez Areva, toute réorganisation importante donne lieu à une analyse de son impact humain et à un plan d’action. Intégrée dans l’accord QVT, la grille d’analyse est surtout un outil d’aide à la conduite du changement destiné aux managers.

Dans l’accord Qualité de vie au travail d’Areva signé en mai 2012 avec la CFDT, FO et l’Unsa SPAEN, un chapitre est dédié à « la prise en compte de l’évolution des organisations ». Un outil y est proposé : une grille d’analyse pour évaluer l’impact humain des évolutions, dès lors qu’un projet implique « un aménagement important et significatif des conditions de travail des salariés ».

Le principe : le chef de projet porteur du changement remplit une grille avec une équipe pluridisciplinaire (RH, préventeur, médecin du travail, le cas échéant consultant-écoutant). Vingt facteurs de risques sont examinés tels que la clarté des rôles, la justice organisationnelle, la latitude décisionnelle, le souci du bien-être, le contrôle et la prévisibilité de la charge, la conciliation vie personnelle-vie professionnelle, le soutien des supérieurs, etc. Un code couleur est attribué à chacun de ces facteurs. Vert : pas de risque identifié. Orange : risque identifié nécessitant un plan d’action sans empêcher la mise en place du projet de changement. Rouge : risque important qui nécessite un plan d’action avant d’engager le changement.

Exemple : lorsque les salariés changent d’unité, voire de métier, l’item “clarté des rôles” est souvent orange ou rouge car ne pas savoir ce qu’on va faire demain est facteur de stress. Le plan d’action consiste donc à repositionner chaque salarié dans la case de l’organisation de demain avec, pour cette case, une définition de fonction clairement établie. « Tant que chacun ne connaît pas sa place et sa fonction dans la future organisation, le chef de projet ne doit pas mettre en œuvre sa nouvelle organisation », résume Philippe Thurat, directeur stratégie sociale et diversité à Areva, en charge de la QVT.

Entre 2012 et 2015, environ 120 grilles ont été appliquées : pour un changement de périmètre d’une activité, lors de la fermeture d’établissement avec transfert d’activité, lors de déménagements, etc.

Accord à durée indéterminée

En 2015, un avenant à l’accord QVT de 2012 a transformé celui-ci en accord à durée indéterminée. À cette occasion, le rôle de ces grilles a été renforcé. Elles s’appliquent désormais aussi lors des plans de départs volontaires (PDV) qui s’accompagnent de réorganisations internes. Areva en a connu six depuis deux ans. Contrairement au dispositif dans sa version initiale, les CHSCT sont cette fois systématiquement consultés. Sur 90 grilles appliquées depuis 2015 dans le cadre de PDV, 14 l’ont d’ailleurs été à leur initiative. Ils sont aussi à l’origine de nombreuses modifications : facteurs de risques passant du vert au orange, améliorations des plans d’action.

La DRH d’Areva, de son côté, a introduit trois éléments à examiner autour de la charge de travail, nécessairement impactée par les baisses d’effectifs : impact sur les compétences et les missions ; adéquation entre besoins et ressources ; réexamen des processus internes et externes et des interfaces.

Peu de retours d’expérience

Quel bilan avec cinq ans de recul ? Les managers doivent en principe appliquer une grille REX (comme retour d’expérience) entre 6 à 18 mois après la mise en place de la nouvelle réorganisation. L’occasion de vérifier l’effectivité du plan d’action, de mener éventuellement des actions complémentaires, voire – exceptionnellement – d’amender la nouvelle organisation. Mais les responsables RH siège, malgré leurs demandes, ont peu de retours de ces grilles REX.

Par ailleurs, pour évaluer l’impact du changement, chaque entité a recours aux indicateurs sociaux classiques : absentéisme, taux de démission, taux de consultation du consultant-écoutant… Mais, là encore, il n’y a pas de remontée à la DRH centrale.

Pour Philippe Launay, secrétaire du syndicat Force ouvrière de l’établissement de La Hague et ancien secrétaire du CHSCT, l’usage de la grille peut être aisément biaisé. « Les indicateurs peuvent être au vert – par exemple la charge de travail – en cas de réduction d’effectifs car la direction considère que certaines tâches ne sont plus indispensables. Mais cela peut nuire à la sécurité, comme c’est le cas dans notre service sécurité au travail, passé de 14 à 4 salariés ». Cet outil, rappelle-t-il, a été conçu « en urgence » et expérimenté dans son établissement à la suite d’un suicide en 2010 avant d’être généralisé dans l’accord QVT. La grille lui semble en tout cas peu efficace pour limiter le stress des salariés en cette période de restructuration massive : le PDV en cours à La Hague fera passer les effectifs de 3 000 à 2 500 salariés. Ceux-ci sont de plus en plus nombreux à consulter le médecin et la psychologue du travail : 95 pour le seul semestre 2017 (dont 12 identifiés en burn-out ou hyperstress professionnel) contre 49 pour toute l’année 2015.

Un outil adapté aux managers

Mais pour Philippe Thurat, ce qui compte, c’est que les grilles et les plans d’action associés soient appliqués. Leur ressemblance avec les outils industriels (le lean management, par exemple), n’est pas due au hasard. « Avant d’être un outil RH, c’est d’abord un outil de conduite du changement, assure-t-il. Il a d’ailleurs été conçu comme un outil adapté aux managers afin qu’ils se l’approprient. Sans cela, il n’aurait pas été aussi bien accepté et aurait été considéré comme un gadget RH ».

Repères

Activité

Énergie.

Effectifs

18 000 salariés.

Chiffre d’affaires

4 milliards d’euros.

Auteur

  • Violette Queuniet