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Emploi : Difficultés de recrutement : France stratégie démonte les idées reçues

La semaine | publié le : 05.09.2017 | Marie-Madeleine Sève

Les plans massifs de formation pour faire reculer le chômage et combler les pénuries de compétences font un flop. Beaucoup se joue sur la qualité de la GRH en entreprise, avance l’institution rattachée au Premier ministre.

Dans son rapport publié au cœur de l’été, et intitulé « Renforcer la capacité stratégique à recruter », France Stratégie démonte deux idées reçues : l’entreprise peinerait à trouver des candidats, et les formations seraient le remède efficace.

Certes, les tensions sur le marché de l’emploi sont bien réelles, comme le montre la dernière publication du Credoc (lire l’encadré). Toutefois, l’enquête 2016-2017 de Manpower Group révèle que les employeurs en France sont seulement 23 % à avoir du mal à pourvoir leurs postes vacants, contre 40 % en moyenne dans le monde, 49 % en Allemagne, 46 % aux États-Unis, rappellent les auteurs. Quant aux offres d’emploi non pourvues, elles se montent à 191 000 selon les derniers chiffres disponibles de Pôle emploi. « Ce n’est pas si important, face aux 3,5 millions de demandeurs d’emploi », observe Morad Ben Mezian, rapporteur de l’étude réalisée dans le cadre du Réseau emploi compétences(1). D’autant plus que, selon la Dares, parmi ces offres en CDI, seules 31 % ne sont pas pourvues faute de candidats compétents ; 30 % ne le sont pas suite à un revirement (solutions internes, budget déficient) et 18 % suite à l’abandon du candidat.

Écarts de compétences.

Par ailleurs, la France se situe au plus bas du classement européen en termes de skills mismatch, l’écart entre les compétences exigées pour le poste et celles de l’individu, calculé par l’OCDE. 45 % des salariés ont un niveau de diplôme qui ne correspond pas à l’emploi : 31 % sont surqualifiés alors qu’un petit 14 % est sous-qualifié. De plus, 42 % ont un job qui ne coïncide pas avec leur spécialité de formation. Or la question du bon « appariement » entre l’offre et la demande d’emploi est devenue un enjeu quasi exclusif des politiques de l’emploi, avec une hausse du nombre de chômeurs formés, sans que leur taux d’accès à l’emploi durable soit probant.

La question n’est donc pas tant la formation, expliquent les auteurs, qu’une bonne GRH et la définition précise de leurs besoins par les employeurs. Surtout que moins de la moitié d’entre eux (46 %) font de la formation leur premier critère d’embauche, selon la Dares citée dans l’étude, contre 60 % qui plébiscitent l’expérience professionnelle, et 64 % les compétences transversales. « Si ce sont ces deux critères qui priment, former les individus à un savoir-faire pointu n’est pas la réponse la plus adaptée, explique Morad Ben Mezian. Mieux vaut aider les entreprises, PME et TPE, à bien cerner et exprimer ce qu’elles recherchent, pour monter des stages adaptés. »

Le RRH ne doit donc pas en rester à l’enveloppe du métier – soudeur, informaticien… mais aller très loin dans le type de compétences techniques (outils, langages, procédés..) et relationnelles attendues. Et creuser leur notion de « potentiel ».

La qualification des chômeurs décalée ?

C’est une réalité que l’étude du Crédoc publiée le 29 août* a nuancée en mettant en regard la structure des demandeurs d’emploi et celle des offres des entreprises en 2016. Soit la main-d’œuvre manque, comme pour les ingénieurs et cadres : 5,9 % de chômeurs mais 9,1 % des besoins, avec une tension très forte en île de France (respectivement 12,2 % et 21,4 %). Soit les projets d’embauche sont insuffisants, comme pour les ouvriers qualifiés : 22,4 % de chômeurs et 12,1 % des besoins. L’écart est plus ténu pour les techniciens et les professions intermédiaires (17,5 % de chômeurs 15,7 % de besoins), les ouvriers non qualifiés (12,2 % et 11,9 %) et les employés (38,4 % et 36,6 %).

1) Groupe de travail réunissant les observatoires de branche (OPMQ) et les observatoires régionaux (CARIF-OREF).

* « La qualification des chômeurs n’est pas toujours en phase avec les besoins de l’entreprise », étude n° 293, août 2017.

Auteur

  • Marie-Madeleine Sève