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La chronique juridique d’avosial

Tendance | publié le : 18.07.2017 | Stéphane Bloch, Fabien Crosnier

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La chronique juridique d’avosial

Crédit photo Stéphane Bloch, Fabien Crosnier

Motiver une lettre de licenciement : gare aux pièges !

Depuis 1989, l’employeur a l’obligation d’énoncer dans la lettre de licenciement les motifs de ce dernier et ce quelle que soit la nature du licenciement (économique ou personnel, disciplinaire ou non). Ce(s) motif(s) doi(ven)t être précis et objectifs c’est-à-dire matériellement vérifiables. Un motif subjectif ou trop vague (« manque de motivation », « comportement particulièrement déloyal », « problèmes qu’occasionne » le salarié, « inadaptation au poste de travail) équivaut à une absence de motif et rend le licenciement sans cause réelle et sérieuse. Peu importe que le salarié ait demandé à l’employeur de ne pas écrire les motifs de son licenciement, qu’il ait eu connaissance du motif par un autre biais ou qu’il ait reconnu les faits reprochés. La solution pourrait toutefois évoluer dans un proche avenir. Dans le cadre de la réforme du droit du travail qui s’annonce, le gouvernement appelle en effet de ses vœux la suppression de l’assimilation d’un vice de forme à une absence de cause réelle et sérieuse.

Le degré de précision exigé dans la rédaction de la lettre varie suivant la nature du motif.

Dans une entreprise in bonis, pour qu’un licenciement économique soit motivé, il suffit que l’employeur indique dans la lettre de licenciement quelle en est la cause économique (difficultés économiques, mutations technologiques, cessation d’activité ou réorganisation) et le sort de l’emploi (suppression ou transformation d’emploi ou modification refusée du contrat de travail). Concernant les entreprises en redressement ou en liquidation judiciaire, l’obligation de motivation est encore plus édulcorée puisque la lettre de rupture peut se contenter de viser l’ordonnance du juge-commissaire autorisant les licenciements.

En matière de licenciement pour motif personnel, la lettre de licenciement qui se borne à invoquer une insuffisance professionnelle est suffisamment motivée. En cas de contentieux, l’employeur devra toutefois prouver la réalité de l’insuffisance par des exemples circonstanciés.

Concernant le licenciement pour inaptitude, l’employeur ne peut pas se contenter de faire état dans la lettre d’une simple inaptitude physique. Il doit préciser que le reclassement du salarié est impossible.

Dans le cas d’un licenciement disciplinaire, si la lettre de licenciement doit viser le motif de la rupture c’est-à-dire le type de faits justifiant le licenciement (insubordination, abandon de poste, indélicatesses, etc.), l’employeur n’a pas à les dater ni, semble-t-il, à détailler tous les faits qui en fournissent l’illustration. Corrélativement, si l’employeur ne peut se prévaloir d’un motif non visé dans la lettre de licenciement, il pourrait en revanche invoquer lors d’un contentieux prud’homal des exemples factuels du motif reproché autres que ceux visés dans le courrier de rupture. En effet, « si la lettre de licenciement doit énoncer des motifs précis et matériellement vérifiables, l’employeur est en droit, en cas de contestation, d’invoquer toutes les circonstances de fait qui permettent de justifier ce motif ». Par exemple, s’il est uniquement reproché au salarié d’insulter ses collègues, l’employeur ne pourra pas justifier rétrospectivement le licenciement en lui reprochant une insuffisance professionnelle ou des faits de vol. Il pourrait en revanche faire ultérieurement état de propos non cités dans la lettre de rupture pour s’expliquer sur la réalité du motif (il s’agit alors d’un problème de preuve et non plus d’un problème de motivation du licenciement). L’employeur est toutefois encouragé à rédiger la lettre de licenciement de la façon la plus circonstanciée possible pour éviter tout débat sur le caractère suffisant ou non de sa motivation.

1. Cass. soc. 15 oct. 2013, n° 11-18 977

Auteur

  • Stéphane Bloch, Fabien Crosnier