Cette enquête fouillée s’intéresse à un sujet brûlant : jusqu’à quel point les DRH, syndicalistes et salariés ont-ils intégré le fatalisme des licenciements ? Retraçant vingt ans de législation française, la sociologue Mélanie Guyonvarc’h montre combien les politiques de flexisécurité ont changé les mentalités, témoignant de politiques de l’emploi « ayant renoncé à s’intéresser aux causes des restructurations des entreprises pour se focaliser sur l’accompagnement ». Les plans sociaux se sont donc banalisés, et la responsabilité se serait déplacée de l’entreprise vers l’individu. L’intérêt du livre est de donner la parole à une quinzaine de DRH, des cadres confrontés à des plans sociaux dans deux entreprises en bonne santé, ainsi qu’aux cabinets de placements mandatés lors de PSE. Et là surprise : du côté des DRH, les propos choquent souvent par leur cynisme face aux licenciements monnaie courante. Un DRH survalorise l’idée de l’adaptation constante des salariés, « une question de survie face à la mondialisation », un autre n’hésite pas à dire qu’il bricole avec les critères d’ordre des licenciements, une jeune DRH affirme qu’il faut laisser l’humain de côté… L’image du métier en ressort écornée, « mais ce cynisme est aussi une protection face à leur manque de marge manœuvre », nuance la sociologue. Traversé par l’idée de la banalisation du mal d’Hannah Harendt, le livre est très sombre. Si Mélanie Guyonvarc’h invite à un certain réveil des consciences pour réfléchir aux causes de ce mal-être moderne, elle aura réussi son pari…