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Réforme : L’articulation des accords de branche et d’entreprise se précise

La semaine | publié le : 04.07.2017 | Frédéric Brillet

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Réforme : L’articulation des accords de branche et d’entreprise se précise

Crédit photo Frédéric Brillet

Inscrit dans le prolongement de la loi Travail d’août 2016, l’article 1 du projet de loi habilitant le gouvernement à réformer par ordonnances le droit du travail devrait concentrer toute l’attention des partenaires sociaux. Et les tensions aussi.

L’article 1 du projet de loi présenté le 28 juin par la ministre du Travail Muriel Pénicaud est aussi le plus sensible. Et pour cause, il entend revenir une nouvelle fois sur la place des accords de branche par rapport aux accords d’entreprise et sécuriser le champ de la négociation collective en recourant si besoin est à la consultation des salariés pour valider un accord. « L’articulation actuelle entre l’accord de branche et l’accord d’entreprise n’est pas claire et reste insécurisée dans une grande majorité de champs […]. L’articulation actuelle entre le contrat de travail et l’accord d’entreprise est complexe et insécurisée pour les salariés et les employeurs […]. La loi tient insuffisamment compte des spécificités économiques et sociales des secteurs d’activité, qui pourraient être mieux régulés par des accords de branche », diagnostique le ministère du Travail pour justifier la réforme à venir.

Garde-fous.

Le gouvernement entend élargir les prérogatives des accords d’entreprise mais en posant des garde-fous dès le départ puisque les domaines de négociation seraient divisés en trois blocs. Le premier bloc regroupe les minima conventionnels ; les classifications ; l’égalité professionnelle hommes-femmes ; la mutualisation des financements paritaires (formation, paritarisme, prévoyance, complémentaires santé, compléments d’indemnités journalières) ; la gestion et la qualité de l’emploi, incluant la durée minimale du temps partiel et les compléments d’heures, la régulation des contrats courts (CDD et CTT) et les conditions de recours au CDI de chantier. Pour ce premier bloc, les accords de branche continueront de primer de manière impérative sur les accords d’entreprise. Et, en l’absence d’accord de branche, c’est la loi qui s’appliquera.

Pénibilité.

Le deuxième bloc couvre les conditions et les moyens d’exercice d’un mandat syndical ainsi que la reconnaissance des compétences acquises pendant ce mandat et les évolutions de carrière ; le handicap ; la prévention des risques professionnels et de la pénibilité. Dans ces domaines, il reviendra à la branche de décider de faire primer ou non son accord sur les accords d’entreprise. Dans ce projet de loi d’habilitation, la pénibilité sortirait du domaine réservé à la branche, à moins que cette dernière n’adopte de clause de verrouillage sur ce thème.

Pour le troisième bloc, qui intègre les domaines non listés dans les deux précédents, la primauté sera donnée à l’accord d’entreprise. Muriel Pénicaud cite en exemple « le montant des frais de déplacement » et « le format des entretiens annuels ».

Cette architecture générale laisse en suspens bien des questions. Par exemple, les blocs 1 et 2 ne mentionnent pas directement la santé, l’hygiène et la sécurité dans leurs domaines de compétences respectifs. Doit-on en conclure que ces points relèvent du troisième bloc ? « Je doute qu’on laisse les accords d’entreprises décider quoi que ce soit sur ces questions, analyse Stéphane Béal, avocat spécialiste du droit du travail au cabinet Fidal. En revanche on peut imaginer avec la future loi que des accords d’entreprise dérogent aux accords de branche et décident du montant des primes d’ancienneté et de vacances. »

Minimas légaux.

Le troisième bloc pourrait ouvrir la voie à des accords d’entreprise moins favorables portant sur les périodes d’essai, les durées de préavis et les indemnités de rupture suite à un licenciement. En effet, dans certaines branches comme la métallurgie et la banque, les accords de branches sont plus généreux que ce que prévoit le Code du travail. On peut donc imaginer que des employeurs, notamment des TPE et PME, soient tentés de signer des accords d’entreprise se rapprochant des minimas légaux pour gagner en compétitivité ou en flexibilité.

Le projet de loi évoque également les « contraintes particulières » des petites entreprises justifiant que les branches les autorisent, « dans des domaines limitativement énumérés », à ne pas appliquer l’accord sectoriel. « Cette partie invite la branche à déterminer dans quelle mesure les petites entreprises pourront échapper partiellement ou totalement aux obligations de leurs accords, compte tenu de critères de taille, qui restent à déterminer par les partenaires sociaux », décrypte Stéphane Béal.

Autre point sensible : les conditions de contestation d’un accord d’entreprise. L’évocation de l’aménagement des délais de contestation d’un accord collectif vise implicitement les à encadrer. « L’idée est de mettre fin à l’épée de Damoclès qui pèse sur ces accords qui pouvaient être contestés par des salariés ou des syndicats non signataires des années après leur signature », explique Stéphane Béal. L’idée de permettre « au juge de moduler, dans le cadre d’un litige relatif à un accord collectif, les effets dans le temps de ses décisions » s’inscrit dans la même logique en limitant la portée rétroactive d’une décision de justice indemnisant un salarié qui aurait contesté avec succès un accord d’entreprise.

Enfin le projet de loi entend « favoriser les conditions de mise en œuvre de la négociation collective en « facilitant […] les modalités de négociation et de conclusion d’un accord ». Cette partie vise « manifestement à apporter des correctifs à la marge dans les modes de négociation mais ne devrait rien changer sur le fonds », estime Stéphane Béal.

Trois cycles de concertation menés tambour battant

« Il n’y aura pas un Code du travail par entreprise », affirmait Muriel Pénicaud le 28 juin à l’Hôtel du Châtelet en présentant le premier thème du projet de loi d’habilitation, adopté le matin même par le Conseil des ministres. Pas question non plus d’inversion de hiérarchie des normes. « La loi est au-dessus de tout, des branches et de l’entreprise. » Elle a par ailleurs ajouté qu’il s’agissait de « premières pistes de travail » et que les annonces n’étaient donc pas « définitives ». Celles-ci ont été retenues à la suite du 1er cycle de concertation des partenaires sociaux, lors de réunions bilatérales qui se sont tenues du 9 au 23 juin. Le 2e cycle, du 26 juin au 7 juillet, aborde le dialogue économique et social et la fusion des IRP. Le 3e cycle, du 10 au 21 juillet, se penchera sur la « sécurisation des relations de travail », soit les PSE, les licenciements économiques et la barémisation des indemnités. « Un processus itératif » sur trois mois, qui s’effectuera en parallèle du travail législatif puisque, dès le 4 juillet, la commission des affaires sociales commencera à examiner le texte et que l’Assemblée s’en saisira du 10 au 13 juillet. Toutefois, « les partenaires sociaux auront la primeur fin août, des ordonnances elles-mêmes »,a déclaré la ministre. À temps pour réagir ?

MARIE-MADELEINE SÈVE

Auteur

  • Frédéric Brillet