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Sur le terrain

Retour sur… La signature d’un accord contesté sur les conditions de travail à La Poste

Sur le terrain | publié le : 27.06.2017 | Adeline Farge

En février 2017, La Poste a adopté un accord sur les conditions de travail et l’évolution des métiers des facteurs. Si quatre organisations syndicales ont signé ce texte, SUD dénonce un passage en force. SUD et la CGT, majoritaires dans la branche service-courrier-colis, n’ont pu faire valoir leur droit d’opposition, à la suite de la décision de la direction d’élargir le périmètre d’application de l’accord.

« Aggravation de la pénibilité physique », « suicides au travail », « dégradation de l’état de santé des agents »… Dans une lettre ouverte du 13 octobre 2016 au PDG, Philippe Wahl, huit cabinets d’expertise indépendants tirent la sonnette d’alarme sur le malaise social à La Poste.

« Avec la baisse structurelle du courrier, des coupes dans la masse salariale ont été effectuées. Ces réorganisations permanentes ont dégradé les conditions de travail des agents. La charge de travail augmente sans arrêt, les tournées deviennent intenables », estime Valérie Mannevy, membre du bureau fédéral de la Fapt-CGT.

Sous le feu des projecteurs, la direction précipite l’ouverture des négociations de son accord sur « l’amélioration des conditions de travail et sur l’évolution des métiers de la distribution et des services des facteurs et de leurs encadrants de proximité ». Engagés dans le plan stratégique « Ambition 2020 », qui vise à conquérir le marché des services, les dirigeants comptent sur ce texte pour accompagner les 70 000 postiers de la branche services-courrier-colis dans les transformations de leurs activités.

Des conditions préalables

C’est dans ce climat d’urgence que débutent, le 26 octobre, les discussions entre Philippe Dorge, directeur général adjoint en charge de la branche services-courrier-colis, Sylvie François, DRH du groupe, et les organisations syndicales. Avant de venir à la table des négociations, les partenaires sociaux avaient posé leurs conditions à un éventuel accord : limitation de la sécabilité (élargissement des tournées des facteurs en cas de besoin), création d’emplois, calcul de la charge de travail… « Les organisations syndicales attendaient des engagements forts de la direction, raconte Christophe Nieradzik, secrétaire fédéral CFDT-F3C. Depuis dix ans, aucun accord n’avait été signé dans la branche. Il a fallu renouer la confiance. »

Au terme des réunions plénières et bilatérales, les organisations syndicales réussissent à arracher quelques avancées. « Lors de la dernière plénière, le 12 janvier, la direction a consenti à l’embauche de 3 000 CDI en 2017, soit le double de ce qui avait été annoncé, et à la promotion de plus de 30 000 postiers », constate Martine Buty, responsable nationale FO-Com pour la branche Courrier-colis. Fin janvier, la version finale du texte convainc quatre organisations syndicales (CFDT, FO-Com, CFTC, CGC). « Le texte prévoit des promotions, des parcours qualifiants, un cadrage de la sécabilité à trente jours par agent et par an, fait valoir Paul Dworkin, DRH de la branche services-courrier-colis. Ce sont des avancées majeures pour les conditions de travail des postiers et la valorisation de leur métier. » À elles quatre, ces organisations dépassent le seuil des 30 % imposé par la loi postale pour valider un accord.

Si FO-Com finit par rejoindre les signataires, la première force syndicale du groupe, la CGT, qui avait déjà dénoncé « l’absence de négociations loyales », rejette ce texte. « Les propositions étaient insuffisantes, regrette Valérie Mannevy. Les recrutements ne comblent pas les pertes de postes. L’accord vise à adapter l’organisation du travail au nouveau schéma industriel. Il va accentuer la crise sociale et dénaturer le métier de facteur. »

Changement de périmètre

La CGT et SUD informent alors la direction qu’ils font valoir leur droit d’opposition. Dans la mesure où elles sont majoritaires dans la branche courrier, où elles représentent à elles deux plus de 50 % des personnels, leur veto aurait dû invalider ce texte. Mais coup de théâtre ! Lors d’une réunion qui s’est tenue le 31 janvier, la direction de La Poste décide d’étendre le périmètre d’application de l’accord, signé par la DRH du groupe, à l’ensemble de l’entreprise. « Nous avons été obligés d’élargir le périmètre pour embarquer dans l’accord les agents de la Corse et des départements d’Outre-mer, justifie Paul Dworkin. Ils relèvent de la branche réseau et non du courrier. Quel que soit leur rattachement, les facteurs et leurs encadrants doivent bénéficier de l’ensemble des mesures. » Résultat, les deux syndicats deviennent minoritaires en ne comptabilisant que 46,71 % des voix. Une représentation syndicale qui ne leur permet plus d’exercer leur droit d’opposition. L’accord signé le 7 février est donc validé pour quatre ans.

SUD étudie actuellement avec ses avocats les recours juridiques possibles pour contester cette décision de modifier le périmètre de représentativité. « La Poste avait annoncé qu’il s’agissait d’un accord réservé aux personnels de la branche, mais finalement le périmètre retenu est plus large. C’est une manœuvre pour changer les règles de calcul du poids des organisations syndicales et faire passer ce texte en force. Les juridictions compétentes détermineront s’il s’agit d’une déloyauté au dialogue social », prévient Eddy Talbot, secrétaire fédéral SUD-PTT.

Auteur

  • Adeline Farge