Montre-moi où tu travailles, je te dirai qui est ton patron… C’est l’esprit du livre de Philippe Salignac, médecin du travail dans l’industrie. Dans cet ouvrage sur la prévention, il analyse l’importance de la représentation des espaces de travail, investis sur le plan symbolique, affectif ou historique. Et s’intéresse surtout « au hiatus » entre la perception des dirigeants d’entreprise et celles des salariés. Selon l’auteur, si les projets d’aménagement ou même de sécurité au travail souhaités par la direction ne sont pas respectés par les ouvriers, c’est parce qu’ils rentrent en contradiction avec leur propre appropriation des lieux. Malgré une entrée en matière très théorique, ce livre vaut la lecture pour les nombreux cas d’entreprises (plutôt des usines, mais aussi quelques sociétés du tertiaire) où Philippe Salignac est intervenu. Il évoque ainsi des caissières dont les postes de travail ergonomiques génèrent finalement des TMS faute de pouvoir bouger, une usine “modèle” qui oublie le vacarme que subissent les ouvriers, une autre qui, n’arrivant pas à lutter contre les poussières de plomb, préfère interdire la cigarette sur le site, interdiction que les ouvriers contournent en fumant dans des zones dangereuses… L’ouvrage donne à méditer sur les stratégies de prévention de la santé au travail, qui oublient les pratiques et les besoins des salariés. Voire qui les nient : « La façon dont l’entreprise investit ou non dans les lieux de travail en dit long sur ses intentions », note le praticien. Une allusion directe aux économies de bureaux et « à l’exposition forcée » des salariés en open space.