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L’enquête

Didier Pitelet président de l’agence de communication onthemoon

L’enquête | L’interview | publié le : 30.05.2017 | Julie Le Bolzer

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Didier Pitelet président de l’agence de communication onthemoon

Crédit photo Julie Le Bolzer

« La marque employeur doit traduire, par l’humain, toutes les promesses de l’entreprise »

Il y a près de vingt ans, vous déposiez le concept de “marque employeur”…

En effet, en septembre 1998, alors que je dirigeais l’agence Guillaume Tell (groupe Publicis), je déposais le concept en ces termes : « Marque employeur : mise en cohérence de toutes les expressions employeur d’une entreprise, tant internes qu’externes, au nom de sa performance économique. » À l’époque, la communication RH était à son apogée. Des groupes comme Bouygues, Dassault ou Thomson investissaient des millions de francs. Aujourd’hui, à l’exception de l’Armée, les organisations ne lancent plus de vastes campagnes. La notion 360° de la marque employeur se heurte au manque d’ambition et d’engagement. Les budgets ont été divisés par dix. Et les canaux se sont multipliés. Lancer une campagne de communication RH globale signifierait avoir de la visibilité dans la presse, en affichage, dans les grandes écoles, tout en s’appuyant sur une stratégie digitale structurée afin d’être présent sur les réseaux sociaux. Et mener une vraie stratégie de mobilisation cohérente en interne. À l’inverse, les entreprises estiment en faire suffisamment dès lors qu’elles ont un site Internet et une vitrine sur un jobboard. Les DRH souhaitent tous une vraie marque employeur, mais ils n’ont pas les budgets ni, parfois, l’autorité pour la développer.

Qu’est-ce qui a changé avec le concept de marque employeur ?

Par le passé, la communication RH était considérée comme une sous-pub, via les PA notamment. La marque employeur, elle, a valorisé l’expertise emploi des équipes RH, sous toutes ses facettes. En outre, elle a introduit une posture marketing dans l’univers du recrutement, ce qui a permis d’industrialiser les process. Au départ, les DRH n’étaient pas favorables à cette collusion entre marketing et emploi, qui conduisait à un discours lénifiant, institutionnel, bricolant le vécu des salariés, pourtant le concept s’est développé très vite. Toutefois, la crise et la révolution numérique ont mis un terme à cette dynamique : les entreprises se sont tournées vers des solutions digitales moins chères et au retour sur investissement immédiat. Ce qui pose question car la marque employeur se bâtit sur la durée et la cohérence.

Les réseaux sociaux et les Glassdoor n’ont-ils pas changé la donne ?

Les Glassdoor introduisent la notion de TripAdvisor dans l’emploi mais, sortis du CAC 40 et du SBF 120, peu d’entreprises connaissent ces sites de notation. Les réseaux sociaux, eux, dépossèdent l’entreprise de la maîtrise de sa marque employeur. Alors que tout se partage, l’organisation n’a plus la main. Si elle veut prendre le virage, et ne pas passer à côté de ses publics, elle doit diffuser un contenu intelligent, partager le vécu de ses salariés, adopter et relayer une stratégie claire. La marque employeur ne peut en aucun cas véhiculer du “faux” : elle doit porter sur le projet réel de l’entreprise. Il est temps de faire passer le collaborateur du stade d’ambassadeur à celui d’influenceur, et d’utiliser les médias pour ce qu’ils sont : les job boards pour recruter, les réseaux sociaux pour partager. En outre, le sujet doit être positionné au comité de direction. Il s’agit de réimplanter en son sein, une vision humaine, et pas une stratégie RH. Le DRH doit devenir un leader d’opinion de cette ambition et former un ticket gagnant avec son directeur général. Ce rendez-vous stratégique avec la marque employeur peut lui permettre de décloisonner sa fonction, de sortir de l’ombre juridico-sociale. Aujourd’hui, on en est loin. Le jargon RH est copié-collé d’une entreprise à une autre. Alors que les messages doivent être la traduction, par l’humain, de toutes les promesses de l’entreprise.

On a le sentiment que ces messages s’adressent surtout aux jeunes…

Il s’agit pourtant d’un sujet intergénérationnel. Je parle souvent de « marque maillot » : dans une équipe, à 20 ou 50 ans, on porte le même maillot et on joue le match. Mais cela ne signifie pas que l’on cible tout le monde : une entreprise a le droit, et même le devoir, d’être culturellement discriminante. Une marque employeur est forte à deux conditions : lorsqu’elle ne rejette personne et quand elle est claire sur le fait que rejoindre l’entreprise consiste à adhérer à sa culture. Et celle-ci ne convient pas à tous. Et elle doit véhiculer un vrai récit culturel. On assiste d’ailleurs à l’instauration de rites. Par exemple, le manager lit son contrat au nouvel embauché, en lui exposant le « vivre ensemble » ce qui sacralise la signature ; le président peut envoyer un mail de bienvenue, une fois la période d’essai terminée. Il faut passer d’un management centré sur les compétences à un management culturel.

Peut-on mesurer un retour sur investissement ?

En 2015, selon l’institut de sondages Ipsos, 70 % des consommateurs âgés de 25 à 49 ans déclaraient que l’intérêt porté à ses salariés par une entreprise pouvait les motiver pour acheter ses produits ou ses services. La marque employeur est un contrat moral entre l’entreprise et toutes ses parties prenantes dont le retour sur investissement se calcule à l’aune de la fidélité de ses salariés, de son pouvoir d’attractivité (candidats et clients) et de son chiffre d’affaires. Autant de points sur lesquels le DRH sera désormais évalué.

Auteur

  • Julie Le Bolzer