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Réforme de la formation : Peu d’accords de branche ambitieux

La semaine | publié le : 23.05.2017 | Laurent Gérard

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Réforme de la formation : Peu d’accords de branche ambitieux

Crédit photo Laurent Gérard

40 % des accords de branche signés après la réforme ne prévoient pas de dispositions financières. Seuls 8 % font un lien avec la GPEC et aucun avec la RSE, constate une étude Fidal.

Quel a été le niveau de négociation des branches sur la formation professionnelle au lendemain de la réforme de 2014 ? Des dispositifs innovants en sont-ils nés ? Une équipe d’avocats et de juristes, spécialistes du droit du travail, du cabinet Fidal, a conduit une étude sur 112 accords de branche afin de répondre à ces questions. Une étude « en toute indépendance et objectivité et visant à l’exhaustivité », précisent Cyril Parlant, directeur associé, et Claire Van Campo, responsable de mission, qui ont rendu public leur travail la semaine dernière. Les accords de branche analysés sont ceux qui ont été signés et publiés au BOCC entre le 7 mars 2014 (date d’entrée en vigueur de la loi du 5 mars 2014) et le 30 juin 2016. Trois points majeurs ressortent.

Le CPF en tête

Le CPF, présent dans 92 accords sur les 112 étudiés, arrive en tête des dispositifs de formation les plus traités. « Ce n’est pas une surprise puisque c’est la mesure phare de la loi du 5 mars 2014 », commentent les auteurs*. Viennent ensuite les contrat et période de professionnalisation (74), l’entretien professionnel (68), le tutorat (62)…

« On peut reconnaître aux partenaires sociaux une approche pédagogique et exhaustive de la formation professionnelle : les dispositifs tels que la VAE, le bilan de compétences ou le CIF n’ont pas été profondément modifiés par la loi précitée et pourtant au moins un tiers des accords y font référence, preuve que les partenaires sociaux ont profité de cette réforme pour rédiger des accords qui appréhendent globalement la formation », juge Cyril Parlant.

40 % des accords ne prévoient pas de contribution conventionnelle.

Quand elles existent, les contributions conventionnelles varient entre 0,025 % (sociétés d’architecture) et 1,60 % de la masse salariale (sociétés d’assistance pour les entreprises de moins de 10 salariés). Parmi les accords qui prévoient une contribution conventionnelle, 70 % relèvent du secteur des services, ce qui peut être lié à l’importance du nombre d’accords conclus dans ce secteur. Dans 86 % des cas, la contribution conventionnelle n’est pas affectée à un dispositif particulier et, lorsqu’elle est fléchée, c’est à destination du plan de formation.

« Nous constatons que la moyenne des contributions conventionnelles ajoutée à la contribution légale – 1 % pour la plupart – avoisine le taux de collecte obligatoire en vigueur avant la loi du 5 mars 2014, constate Claire Van Campo. Il est trop tôt pour savoir s’il s’agit là d’un réflexe ou d’une mesure de sauvegarde, ou si la contribution conventionnelle est la marque d’une véritable politique de branche en matière de formation et de développement des compétences et de l’employabilité. La faible proportion de contributions fléchées peut s’expliquer par le fait que la contribution légale est, quant à elle, orientée vers des dispositifs particuliers, alors qu’il n’y a aucune obligation pour les négociateurs de la branche de le faire. »

Seulement 8 % des accords font un lien avec la GPEC et aucun avec la RSE

Une grande majorité des accords de branche ne traitent que des thèmes issus de la formation professionnelle : CPF, entretien professionnel, financement… « Ce score peu flatteur s’explique probablement par le fait que GPEC et RSE sont des thématiques qui s’expriment de manière plus pertinente au niveau de l’entreprise qu’à celui de la branche », avance Cyril Parlant.

Certains accords font un rappel didactique plus ou moins développé à destination des entreprises. Ainsi, l’accord conclu dans la branche mutualité rappelle que la formation professionnelle est un « outil fondamental de la GPEC », qui « doit trouver sa concrétisation dans les orientations de la politique de formation, tant au niveau de la branche qu’à celui des entreprises dans le cadre de la définition des orientations des plans de formation ». D’autres accords mettent l’accent sur la GPEC territoriale : papier-carton, imprimerie, propreté… « Mais, globalement, on peut regretter que les branches n’inscrivent pas la formation et le développement de l’employabilité des salariés dans une démarche de responsabilité sociale identifiée », observe le directeur associé de Fidal.

Dispositifs remarquables

Au-delà de ces constats, l’étude tente d’identifier dans chaque accord des « dispositifs remarquables », définis comme apportant une précision quantitative ou qualitative supplémentaire au simple recopiage de la loi. Sur le CPF, c’est le cas de 53 % des accords (abondement de branche, définition de publics prioritaires…). Et, sur la professionnalisation, c’est le cas de 77 % des accords (rémunération minimale, prime de fidélité, publics prioritaires…)

En revanche, il est étonnant de constater que 44 % des accords ne traitent pas des obligations de l’employeur dans le cadre du plan de formation et que, lorsque cela est fait, il s’agit uniquement d’une reprise des dispositions légales dans plus de la moitié des cas (55 %). « Ce travail permet de prendre la mesure de la valeur ajoutée du dialogue social en matière de formation professionnelle et d’employabilité », conclut Cyril Parlant.

Typologie des accords analysés

→ 70 % des accords ont été signés entre octobre 2014 et octobre 2015.

→ 55 % relèvent du secteur des services, 20 % de l’industrie.

→ La CFDT signe 87 % des accords, la CGT 32 %.

→ Trois accords sur quatre sont signés par au moins trois organisations syndicales.

→ 80 % des accords sont à durée indéterminée.

→ Les Opca les plus mentionnés sont Actalians, Uniformation, Opcalia, Agefos PME. Anfa et Fafih ne sont pas évoqués.

Chute de la collecte plan des Opca

L’analyse du cabinet Fidal, constatant que 40 % des accords de branche ne prévoient pas de contributions conventionnelles, éclaire notre dernière enquête sur la collecte des Opca (Entreprise & Carrières n° 1308 du 25 octobre 2016), démontrant que le financement plan de formation s’est effondré.

En supprimant la contribution 0,9 % pour plan de formation, la réforme de 2014 a fait disparaître les versements des entreprises de plus de 300 salariés et s’écrouler ceux des autres entreprises, qui ne gardent que de petites obligations légales sur le plan (0,2 % et 0,1 % de la masse salariale). Selon nos chiffres concernant la collecte sur la masse salariale de 2015, la perte de fonds « plan » (légal, conventionnel et libre) a été de 34 % (2,4 milliards d’euros contre 3,7 milliards). En revanche, les versements librement consentis par les entreprises représentent la moitié des fonds « plan » enregistrés par les Opca (1,2 milliard d’euros sur 2,4 milliards). C’est un changement fondamental des relations entre entreprises et collecteurs : les contrats et relations de gré à gré se multiplient, les Opca cultivent leur image d’apporteurs de services (aides à la gestion des fonds, à la construction du plan, à la sélection des prestataires…)

Parallèlement à cette explosion des versements libres, la faiblesse des contributions conventionnelles est patente : 582 millions d’euros, soit la moitié du montant des versements libres. Comme l’a toujours dit le Medef : « Maintenant qu’on n’a plus d’obligation légale, on ne va pas s’imposer des obligations conventionnelles ! » Des exceptions toutefois : le champ de l’intérim (FAF.TT-FPE-TT) et, hors des champs d’adhésion au Medef, à la CGPME et à l’UPA, les branches de l’économie sociale au sens large, réunies dans les Opca Unifaf et Uniformation, ont également davantage développé le conventionnel.

* D’autres analystes mettent plutôt en avant la fin du 0,9 % comme axe central de la réforme.

Auteur

  • Laurent Gérard