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La chronique juridique d’avosial

Tendance | publié le : 09.05.2017 | Laurent Moreuil, Stéphanie Ropars

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La chronique juridique d’avosial

Crédit photo Laurent Moreuil, Stéphanie Ropars

La réforme de l’inaptitude : une simplification complexe

Moins commentées que les modifications sur la durée du travail, les dispositions de la loi Travail du 8 août 2016, et du décret d’application du 27 décembre 2016 remanient significativement les règles applicables à la constatation, au reclassement et au licenciement d’un salarié déclaré inapte pour raisons médicales. On peut douter que les objectifs de simplification et de sécurisation juridique de l’employeur soient atteints.

Jusqu’à la réforme, un salarié ne pouvait être licencié immédiatement qu’en cas de danger grave pour sa santé, sans quoi deux visites médicales s’imposaient. Les préconisations médicales permettant d’éventuels aménagements du poste et reclassement, et les échanges avec le salarié et la médecine du travail, devaient intervenir entre ces deux visites, dans un délai très court de deux semaines. Le risque qu’il soit reproché à l’employeur de ne pas avoir correctement tenté de reclasser le salarié, ce qui s’imposait même quand le salarié était inapte définitivement et à tout poste, était très marqué.

Désormais le salarié peut être déclaré inapte à l’issue d’une seule visite. Les équipes de la médecine du travail (médecin, collaborateur médecin, interne, infirmier) doivent procéder préalablement à une étude de poste et des conditions de travail dans l’établissement, et échanger avec l’employeur et le salarié sur ces questions d’aménagement du poste et de reclassement. L’articulation entre les échanges préalables avec le salarié et l’employeur et cet examen unique ne paraît pas évidente.

Par ailleurs, si le médecin du travail estime qu’un second examen est nécessaire, il doit le réaliser dans un délai maximum de 15 jours après le premier examen, la notification de l’inaptitude intervenant au plus tard à cette date. Ce délai entre les deux éventuelles visites médicales risque quant à lui de nourrir un contentieux comparable à celui relatif au délai de deux semaines devant auparavant espacer les deux visites de reprises.

Autre modification très attendue, le médecin du travail peut désormais, même en cas d’inaptitude non professionnelle, dispenser l’employeur de toute recherche de reclassement, en mentionnant que « tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé » ou que « l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi ». C’est un progrès notable. Cependant le texte ne précise pas si cette dispense de rechercher un reclassement est applicable au périmètre du groupe, alors que l’étude des conditions de travail qui guide le constat de l’inaptitude, se limite à l’établissement où exerce le salarié. La prudence reste de mise dans les groupes de sociétés.

Les procédures de licenciement pour inaptitude sont par ailleurs uniformisées et alignées sur les inaptitudes d’origine professionnelle. L’employeur devra donc consulter dans tous les cas d’inaptitude les délégués du personnel sur les possibilités de reclassement. Les employeurs auront donc tout intérêt à être à jour de leurs obligations en matière de mise en place des délégués du personnel ou à pouvoir justifier d’un procès-verbal de carence. À défaut, tout licenciement pour inaptitude serait nécessairement dépourvu de cause réelle et sérieuse. L’employeur devra par ailleurs, le cas échéant, sous peine d’irrégularité de la procédure, informer par écrit le salarié, quelle que soit l’origine de l’inaptitude, des motifs qui s’opposent à son reclassement.

Enfin, le Code du travail prévoit que l’obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l’employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues à l’article L. 1226-2 du Code du travail, en prenant en compte l’avis et les indications du médecin du travail. Les contours de cette présomption de reclassement devront être plus précisément définis par la jurisprudence.

En synthèse, en dépit des objectifs du législateur, la simplification annoncée reste théorique, car ces dispositions nécessitent pour la plupart d’être précisées et risquent de continuer à nourrir un abondant contentieux tant sur la régularité de l’avis rendu par le médecin du travail – qui relève désormais de la compétence du conseil des prud’hommes – que sur la validité du licenciement prononcé sur le fondement de cet avis. Elles imposeront en tout cas à l’employeur d’adapter ses procédures RH.

Auteur

  • Laurent Moreuil, Stéphanie Ropars