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3 questions à… Yves Desjacques

Acteurs | publié le : 09.05.2017 | Marie-Madeleine Sève

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3 questions à… Yves Desjacques

Crédit photo Marie-Madeleine Sève

Le DRH du groupe Casino, vient de publier, avec le docteur Philippe Rodet, Le management bienveillant (Eyrolles, février 2017), après avoir lancé le sujet fin 2013, dans toutes les entités en France (75 000 salariés). Il veut prendre ainsi le contre-pied du management désincarné et mécaniste, qui fleurit en temps de crise.

Vous parlez de bienveillance au travail, un terme assez mal défini. Que mettez-vous derrière ce mot, et pourquoi vous êtes-vous emparé de ce sujet chez Casino ?

La bienveillance est un mot simple, qui englobe des notions complexes. Il s’agit d’aide gratuite envers autrui, de solidarité, de capacité d’attention. Des attitudes instinctives dans la vie courante, qu’on oublie sous la pression du travail au quotidien. Or, on voit bien que le niveau d’engagement s’effondre année après année, alors que le niveau de stress, lui, augmente : en dix ans, ce dernier est passé de 38 % à 61 %. Il n’y avait, a priori, pas de raison pour que l’entreprise Casino soit épargnée. Il faut donc agir. Je suis persuadé que le manager et le dirigeant, ensemble, peuvent faire du bien à leur entreprise. En outre, il y a, chez Casino, une tradition sociale très forte initiée par la famille Guichard. Et quand j’ai parlé de management bienveillant, il y a quatre ans, à la direction générale et à mes collègues du Comex, personne n’a pensé « c’est un truc de DRH ». L’idée consiste à faire baisser, par la bienveillance – qui ne signifie pas management mou – le niveau de stress chez les salariés et de rendre ainsi possible la motivation.

Comment agir concrètement sur le comportement des managers ?

Depuis 2008, nous avons intégré dans l’appréciation de la performance de l’encadrement – agents de maîtrise inclus – les attitudes et comportements managériaux : 30 % du bonus annuel en dépend. C’est le « comment » qui nous importe et pas seulement le « combien ». Pour aider les managers, nous avons élaboré une grille unique et très détaillée, sur la façon de tenir leur rôle : développer les collaborateurs, innover, faire preuve de leadership, etc. Cette grille a été déployée dans toutes les entités, y compris au Brésil et en Colombie. Le terrain est donc prêt pour faire évoluer les pratiques. Agir en vue de la bienveillance c’est former les managers, expliquer ce qu’on attend d’eux : remercier, reconnaître ses maladresses, accorder le droit à l’erreur, pardonner, être équitable, donner du sens, etc. Le médecin urgentiste, Philippe Rodet, en a déjà sensibilisé 4 200 en France (y compris le Comex), toutes enseignes confondues. En outre, nous les encourageons, en leur diffusant des lettres sur les bonnes pratiques du management bienveillant, identifiées, notamment, lors de tables rondes avec certains d’entre eux.

Vous avez également mis sur pied un réseau de « bienveilleurs ». C’est une particularité du groupe ?

Cette notion nous vient du Québec, où on parle de « personnalité sentinelle », un terme qui associe fraternité et sens. Il en existe déjà dans certaines structures hexagonales, en complément de l’assistance psychologique et des « numéros verts » qui ne résolvent pas tout. Chez nous, les « bienveilleurs » sont des salariés volontaires, en entrepôt, en magasin ou dans les services support, en dehors de toute position hiérarchique, et qui ont une empathie naturelle, le goût des autres. Leur mission consiste à détecter les gens en difficulté, à les écouter, à saisir en quoi ils ne vont pas bien et à les orienter selon leur problème, vers le service RH, le médecin traitant ou le médecin du travail. Ils constituent le maillon entre la personne qui peut dire, et celle qui ne peut pas demander de l’aide. Nous en comptons 800 en France. Ils ont tous été formés durant une demi-journée et ils échangent régulièrement avec le docteur Rodet. Une plate-forme fermée leur est par ailleurs dédiée, sur laquelle ils partagent leurs doutes, leurs solutions. De fait, nous cherchons à créer une communauté de bienveilleurs. Et sur la toile, elle est active !

Auteur

  • Marie-Madeleine Sève