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L’enquête

Élisabeth Laville, fondatrice du cabinet conseil utopies, expert en développement durable

L’enquête | L’interview | publié le : 25.04.2017 | M.-M. S.

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Élisabeth Laville, fondatrice du cabinet conseil utopies, expert en développement durable

Crédit photo M.-M. S.

« Les DRH doivent impulser par le haut les éco-initiatives, et laisser éclore celles qui viennent du terrain »

Certains acteurs tablent sur la révolution verte pour faire décoller l’emploi. Quel est votre regard ?

À mon sens, il ne faut pas compter sur le fait que la transition écologique et les normes environnementales plus strictes vont faire exploser l’emploi. La gestion de l’eau, des déchets, des parcs naturels… ces métiers verts sont historiques. Certes, de nouveaux jobs sont possibles autour de l’efficacité énergétique, du photovoltaïque, de l’isolation thermique. Mais ce qui va se passer, et qui est nécessaire, c’est que la plupart des métiers se colorent de vert, en particulier les métiers de consultant, d’architecte, de concepteur-designer, d’acheteur, de développeur, de logisticien… ou même de banquiers car ceux-ci doivent, désormais, être capables de parler des produits de financement écologique. De fait, je crois plus en l’impact des questions environnementales sur les fonctions existantes, qu’en la floraison d’emplois inédits. Les chiffres publiés sont d’ailleurs éloquents. (NDLR, lire l’article p. 18)

Dès lors, face à ce verdissement, quel rôle le DRH peut-il jouer ?

Je crois qu’il peut examiner en quoi cette évolution va transformer son propre métier, et celui des divers collaborateurs. Il ne peut plus se contenter, par exemple, d’être vigilant sur la sécurité des salariés, ou celle des salariés des sous-traitants de l’entreprise, conformément au « devoir de vigilance ». Il a intérêt à revoir son rôle sur deux autres aspects. D’abord, sur sa façon de recruter, en sondant la sensibilité des candidats aux questions écologique et sociale, d’autant plus que la génération Y vibre à ces thématiques. Et en vérifiant l’adéquation des profils à la stratégie de développement durable de l’entreprise. Si cette stratégie paraît obscure aux visiteurs, il contribuera à en augmenter la visibilité sur le site Web, les annonces de recrutement et les documents maison. Puis, en interne, il lui faut veiller à faire acquérir de bons réflexes aux acteurs du changement, à les outiller, via des stages ad hoc, pour initier, par exemple, les informaticiens au « green IT » (le numérique responsable), les créatifs au marketing vert, les acheteurs à l’éco-achat.

La formation continue doit prendre le relais de la formation initiale, car, en ces domaines, les savoirs évoluent très vite. D’ailleurs, au quotidien, certains salariés prennent d’eux-mêmes ce sujet à bras-le-corps.

Est-ce à dire que ces salariés agissent en « écolos », seuls dans leur coin ?

Précisément. C’est ce qu’on appelle le corporate hacking par lequel les salariés qui ont la fibre verte, et trouvent parfois l’engagement de leur entreprise trop timide sur ces sujets, s’investissent à leur poste ou sur les projets qu’ils ont à leur main. Car être respectueux de l’environnement, penser à l’avenir de la planète, donne du sens à leur travail. Certains se sont regroupés au sein de l’association Hacktivacteurs, dans laquelle ils échangent leurs préoccupations et bonnes pratiques sur le terrain. L’implication de la direction est déterminante, mais c’est du bas que peut aussi venir la révolution, et par capillarité, se diffuser ensuite dans les différents services de l’entreprise. Le sujet ne peut plus rester cantonné chez le directeur de l’environnement ou le responsable développement durable. C’est l’affaire de tout le monde. Au DRH d’accompagner, d’orchestrer le mouvement. La difficulté pour lui étant d’impulser en top down cette dynamique qui par essence est bottom up, tout en renonçant à mettre sous contrôle les initiatives pour les laisser éclore. Une position délicate mais stimulante.

Auteur

  • M.-M. S.