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Sur le terrain

Retour sur… L’actionnariat salarié chez Essilor

Sur le terrain | publié le : 18.04.2017 | Séverine Charon

DEPUIS SA CRÉATION EN 1972, l’actionnariat salarié est inscrit dans les gènes du verrier, dont 8,3 % du capital est détenu par des salariés et retraités du groupe. Aujourd’hui, Essilor veut aller plus loin, en permettant à la moitié de ses 61 000 collaborateurs d’accéder au dispositif.

Le 28 septembre dernier, le conseil d’administration du groupe Essilor a approuvé un plan visant à renforcer son actionnariat salarié à l’échelle internationale. Présent dans plus d’une centaine de pays, le verrier souhaite qu’à terme, un salarié sur deux détienne des titres Essilor, contre un sur cinq actuellement. « On mesure l’ambition de ce challenge lorsqu’on précise que les effectifs sont en forte croissance : nous étions 30 000 en 2006, et 61 000 en 2016. Cela signifie que le nombre de salariés actionnaires doit augmenter dans des proportions très significatives », souligne Frédéric Mathieu, le DRH.

L’objectif est impressionnant. Mais l’ouverture du capital aux salariés a une longue histoire, qui a débuté dès la fondation du champion du verre optique, en 1972. « L’actionnariat salarié fait partie des gènes d’Essilor, rappelle Frédéric Mathieu. Le groupe est né de la fusion de deux entreprises : Essel qui était à l’origine – en 1849 – une coopérative ouvrière, et Silor, une filiale du groupe Lissac. » Au moment de la naissance d’Essilor, les salariés d’Essel, soit en gros la moitié des effectifs, sont devenus actionnaires du nouvel ensemble. Dès le départ, ils se sont unis au sein de Valoptec, une structure qui leur a permis d’exercer leur pouvoir d’actionnaires. Depuis, ils ont toujours eu leur mot à dire.

Un vote de confiance

Aujourd’hui, trois membres du conseil d’administration de l’association Valoptec siègent au conseil d’administration du verrier. Outre les pouvoirs de ces trois mandataires, l’association est sollicitée sur la gouvernance : « Les résolutions de l’assemblée générale d’Essilor sont votées lors de chaque assemblée générale annuelle de Valoptec, à quoi s’ajoute un vote de confiance sur la stratégie et la politique RH, explique Frédéric Mathieu. Tout est fait pour qu’il y ait alignement entre les intérêts des collaborateurs et ceux du groupe. »

Pour faire vivre l’actionnariat salarié, Essilor organise des opérations régulières de souscriptions de titres, assorties d’attribution d’actions de performance. En accordant, par ailleurs, des distributions d’actions gratuites pour les seuls managers. Pierre angulaire du dispositif, un service d’actionnariat salarié, qui compte aujourd’hui neuf personnes, est en relation directe avec les salariés actionnaires et avec les DRH à travers le monde.

Aujourd’hui, 13 000 salariés (un sur cinq, contre un sur deux à l’origine) sont actionnaires. Et 17 000 retraités ont conservé des titres Essilor. La communauté des actifs et retraités d’Essilor est le premier actionnaire du groupe verrier, avec 8,3 % du capital et 14,3 % des droits de vote fin 2015. « Essilor est un cas unique, régulièrement primé par la FAS [Fédération française des associations d’actionnaires salariés et anciens salariés, NDLR], se réjouit Frédéric Mathieu. C’est la croissance du groupe – et la création de valeur associée – qui a, de fait, conduit à une dilution de la part de capital détenue par les salariés », insiste le DRH.

Rythme soutenu

L’intendance a aussi eu du mal à suivre le rythme parfois soutenu des opérations menées par l’entreprise. « Le groupe s’est beaucoup développé par croissance organique liée à l’innovation et par croissance externe via des partenariats avec des entreprises implantées partout dans le monde. La multiplication de ces opérations génère un effet retard : à chaque fois qu’une entité rejoint le groupe, il faut un peu de temps avant de pouvoir mettre en place un PEE ou son équivalent, et les salariés concernés ne peuvent pas devenir immédiatement actionnaires, détaille le DRH. Les plans d’actionnariat se déploient au rythme des pays et de nos partenaires locaux, avec les adaptations nécessaires pour respecter non seulement la législation, bien sûr, mais aussi la diversité des cultures. »

L’annonce du mois de septembre dernier n’est donc pas celle d’une révolution ou d’une rupture, mais plutôt celle d’un coup d’accélérateur au projet poursuivi depuis 45 ans. Essilor n’a pas donné de calendrier assorti d’échéances précises. Une première étape consisterait à atteindre une proportion d’un salarié actionnaire sur trois à l’horizon 2020, soit 20 000 collaborateurs, à effectifs constants.

Pour y parvenir, Essilor compte mettre en place des plans dans les pays et entités qui n’en disposent pas encore. Et prévoit également d’ouvrir les dispositifs à toutes les catégories de salariés, dans les pays où seul le management était concerné. Pour convaincre ses salariés, le groupe prévoit de s’appuyer sur des incitations comme l’abondement et le surabondement au prorata de l’investissement.

Une méga fusion qui éloigne de l’objectif

C’est une opération qui va amener Essilor à doubler de taille. Depuis son annonce sur l’actionnariat salarié en septembre dernier, le champion mondial du verre correcteur a annoncé son union avec Luxxotica, spécialiste des montures. Le groupe italien est de taille comparable, tant en chiffre d’affaires qu’en nombre de salariés. Mais il ne présente pas la même configuration ni les mêmes pratiques en termes d’actionnariat salarié : 60 % de son capital est détenu par son fondateur qui, pour son 80e anniversaire, a procédé à une distribution d’actions gratuites… au bénéfice des seuls salariés italiens.

Auteur

  • Séverine Charon