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Sur le terrain

Retour sur… La mise en place du droit à la déconnexion dans le groupe JLO

Sur le terrain | publié le : 04.04.2017 | Adeline Farge

DÈS 2015, soucieux de préserver la vie privée et la santé de ses collaborateurs, le groupe JLO, spécialiste des ressources humaines, a devancé la loi en s’attaquant au droit à la déconnexion. Désormais, les messageries sont coupées le soir à partir de 20 heures et tous les week-ends.

Avec l’essor des smartphones et des tablettes tactiles, difficile de résister à la tentation de consulter ses e-mails après la sortie du bureau. « Lorsqu’ils sont en intervention dans une entreprise, les consultants n’ont pas la possibilité de regarder leur messagerie. Ils profitent des soirées pour répondre aux demandes des clients. Les notions de réactivité et de disponibilité sont très importantes dans nos métiers », constate Clarisse Pugnot, déléguée du personnel et psychologue du travail.

Reste que ces pratiques représentent un danger autant pour l’équilibre entre les vies personnelle et professionnelle que pour la santé. Conscient des risques d’une hyperconnexion, le groupe JLO n’a pas attendu que la loi Travail impose aux entreprises, depuis le 1er janvier 2017, de négocier sur le droit à la déconnexion pour s’attaquer à ce sujet épineux. « Le cœur de notre activité est centré sur la qualité de vie au travail. Le cabinet ne peut pas préconiser des mesures à ses clients qu’il n’aurait ni testées ni appliquées en interne. Nous devons être exemplaires dans notre champ d’expertise », insiste Jean-Luc Odeyer, son président.

Depuis juin 2015, plus aucun courriel ne peut être envoyé ou reçu le soir en semaine à partir de 20 heures et jusqu’à 7 heures le lendemain ainsi que durant tout le week-end. Désormais, les personnes qui adressent des e-mails pendant ces plages horaires sont informées par un message glissé dans la signature automatique qu’« en lien avec sa démarche RSE, le groupe JLO bloque sa messagerie ». Un blocage qui concerne les 115 salariés du cabinet, y compris les membres du comité de direction. « Même si les consultants sont autonomes dans leur travail, ils ne doivent pas travailler tous les soirs jusqu’à 23 heures. Ces excès sont facteurs de risques psychosociaux, pouvant entraîner stress voire burn-out. Des garde-fous étaient nécessaires pour préserver la santé physique et mentale des collaborateurs », estime Eric Belbenoit, membre du CHSCT.

Rappel des bonnes pratiques

Avant de couper les serveurs, le cabinet n’en était pas à son coup d’essai. Depuis 2012, une charte interne sur le bon usage des outils de communication rappelait les bonnes pratiques en la matière. Parmi elles, éviter de multiplier les destinataires en copie et tenir compte des plages horaires avant de contacter un collaborateur. « Malgré des rappels, certains managers n’appliquaient pas ces consignes. Or, rien ne justifie que nos collaborateurs répondent aux sollicitations durant leurs temps de repos. Pour garantir un droit à la déconnexion à tous nos salariés, nous sommes allés plus loin en bloquant l’accès aux messageries. Les récalcitrants sont contraints de revoir leurs pratiques », souligne Jean-Luc Odeyer.

Réflexion préalable

Loin de ravir toute l’entreprise, cette mesure a suscité quelques inquiétudes. Premier challenge : convaincre le comité de direction puis les managers, qui craignaient des impacts sur les relations avec la clientèle et l’organisation des missions. Avant de voir le jour, cette coupure a fait l’objet dès 2014 de longues réflexions au sein du comité de direction. Des échanges auxquels les instances représentatives du personnel ont été associées, lors des réunions de la délégation unique du personnel (DUP) et du CHSCT.

« Couper les messageries ne se fait pas en un claquement de doigts. Nous avons dû gérer différentes contraintes techniques. Nous devions nous assurer que les mails reçus pendant l’interruption des serveurs sont bien retransmis à leurs destinataires le lendemain et que nos hotlines d’écoute et de soutien psychologique restent joignables 24 heures sur 24 », raconte Emilie Gasquet, secrétaire générale et directrice des ressources humaines chez JLO.

Une fois la décision validée par le comité de direction et les représentants du personnel, les salariés ont été informés des modalités du droit à la déconnexion lors des réunions d’agences et par une newsletter interne, JLO Flash. De leur côté, les nouveaux collaborateurs sont mis au parfum dès leur parcours d’intégration dans le cabinet. Une attention particulière a aussi été portée à la sensibilisation des managers. « Leur exemplarité est primordiale. S’ils inondent leurs collaborateurs de messages pendant les heures de blocage et que ces derniers reçoivent une avalanche d’e-mails en arrivant au bureau, le blocage des messageries n’a aucun intérêt. Ils ont un rôle capital à jouer », prévient Emilie Gasquet. Avec en tête l’idée d’accompagner les consultants dans une meilleure gestion de leur temps de travail et de veiller à la juste répartition des missions dans leurs équipes.

Chaque mois, ils reçoivent en individuel leurs collaborateurs pour échanger avec eux sur l’avancement de leurs missions et évoquer les prochaines à venir. En cas de surcharge d’activité, le dossier peut être délégué à un autre consultant ou à un prestataire extérieur. « Le droit à la déconnexion ne doit pas se limiter aux outils numériques. Pour ne pas rester dans l’affichage, il faut aussi questionner l’organisation du travail, explique Laurent Boissy, manager chez JLO. Si la charge de travail est mal régulée et les objectifs à atteindre irréalistes, les consultants continueront à travailler en dehors du bureau pour rattraper leur retard. » Après quelques ajustements dans les agendas, aucun collaborateur ne souhaiterait aujourd’hui faire marche arrière.

Auteur

  • Adeline Farge