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Leem : Les premiers accords types tardent à voir le jour

L’enquête | publié le : 21.03.2017 | E. F.

La branche de la pharmacie a négocié un accord de branche créant des accords types sur le temps de travail applicables unilatéralement dans les PME. L’extension de cet accord est compromise.

Comment mettre en place un forfait jours, ce qui suppose un accord, quand on est une PME dénuée de toute capacité de négociation ? Plus généralement, comment faire pour que les PME, qui n’ont pas forcément d’institutions représentatives du personnel ni de service RH, puissent néanmoins être couvertes par un accord sécurisé ? L’une des réponses de la loi Travail est l’« accord type ». Selon l’article L 2232-10-1, « un accord de branche étendu peut comporter, le cas échéant sous forme d’accord type indiquant les différents choix laissés à l’employeur, des stipulations spécifiques pour les entreprises de moins de cinquante salariés. […] L’employeur peut appliquer cet accord type au moyen d’un document unilatéral indiquant les choix qu’il a retenus […] ».

Suggérée par le rapport Combrexelle, cette disposition est l’une des plus novatrices de la loi du 8 août 2016. Ledit rapport constate qu’il est vain de chercher de nouveaux processus dérogatoires pour négocier des accords en l’absence de syndicats et qu’il vaut mieux proposer aux PME des accords clé en main négociés par les branches. Ces dernières justifiant ainsi un rôle de service aux adhérents. Jusqu’à la loi Travail, les PME sans délégué syndical qui voulaient être couvertes par un accord n’avaient d’autre choix que de le négocier avec un élu ou un salarié mandaté, mais aucune de ces solutions n’était vraiment satisfaisante (lire Entreprise & Carrières n° 1301 du 6/9/2016). Les praticiens des RH attendaient donc avec curiosité de voir fonctionner ces accords types d’application unilatérale. La seule obligation de l’employeur étant d’informer les salariés de sa décision.

Première branche à s’être lancée, la pharmacie essuie les plâtres. Le Leem (industries du médicament), la CFTC, l’Unsa et la CFE-CGC ont en effet signé, le 17 novembre 2016, un accord « sur le temps de travail dans les entreprises de moins de 50 salariés » ; 242 entreprises employant 3 600 salariés sont concernées. Mais au-delà, il pourrait servir de modèle aux entreprises de plus grande taille et aux autres branches.

Accord sécurisé

« Ce texte permettrait à davantage de petites entreprises d’accéder au forfait jours, plaide Pascal le Guyader, directeur des affaires sociales du Leem. C’est un accord sécurisé pour autant que les entreprises qui l’appliquent remplissent leurs obligations. » À savoir signer des avenants aux contrats de travail des salariés et contrôler leur charge de travail. Il rappelle également que le texte comporte des avancées par rapport au Code du travail (lire l’encadré).

Sauf que le texte risque de ne pas s’appliquer faute d’être étendu par le ministère du Travail. Il a bel et bien été signé par des syndicats représentant 41 % des suffrages (la majorité est à 30 % dans les branches) et il a bien été notifié aux syndicats et déposé à l’administration dans les temps. Juridiquement, il est donc valide ; politiquement, c’est plus compliqué. Car entre-temps, la CGT, FO et la CFDT ont fait savoir qu’ils étaient opposés à l’extension de l’accord. Ces trois syndicats, qui représentent 58 % des suffrages, auraient pu faire valoir leur droit d’opposition à la signature de l’accord mais ils ont trop tardé et se sont retrouvés hors délais. « Nous sommes favorables à la négociation d’entreprise mais les accords types ne sont pas négociés, fait valoir Yann Tran, en charge de la branche pharmacie à la fédération chimie énergie de la CFDT. En outre, l’accord type du Leem ne comporte aucune disposition plus avantageuse que le Code du travail, hormis sur le temps de repos. Enfin, il comporte des dispositions inquiétantes : les forfaits jours sont ouverts aux non-cadres, qui ne bénéficieront donc plus d’heures supplémentaires, et les employeurs pourront demander aux salariés de travailler le samedi « notamment », ce qui est beaucoup trop imprécis. On est loin de l’esprit des accords types ».

« Nous ne pouvons pas être signataire d’un accord qui ne propose que le minimum légal et étend le forfait jours aux non-cadres », déclare de son côté Manu Blanco, secrétaire fédéral à la fédération des industries chimiques de la CGT.

Coup de grâce

Mais le coup de grâce pourrait venir d’un syndicat signataire : CFE-CGC a décidé, début février, de retirer sa signature. Le paraphe de la négociatrice CFE-CGC figure bien en bas du texte, mais elle n’a pas demandé l’aval du bureau fédéral. « Il était prématuré de signer, déclare Sylvain Dido, délégué général de la CFE-CGC chimie. L’accord ne répond pas à certaines questions de fond comme celle de savoir s’il est possible de signer un accord dérogatoire dans les entreprises de moins de 50 salariés ou de signer un accord amendable de manière unilatérale sans négociation ».

Pascal le Guyader a répondu le 15 février à la CFE-CGC que le retrait de sa signature n’était juridiquement pas possible. Il n’en reconnaît pas moins que l’accord est « fragilisé ». La balle est maintenant dans le camp du ministère. « Il y a des entreprises qui attendent cet accord, plaide-t-il. Ne pas l’étendre serait un mauvais signal. »

Quelles modalités de temps de travail pour les accords types ?

L’accord type envisagé par les partenaires sociaux du médicament prévoit deux modalités d’aménagement du temps de travail. La première organise le temps de travail en heures (1 607 heures) sur l’année, en 47 semaines. Le temps de travail hebdomadaire peut varier de 36 heures à 39 heures ; de l’option choisie par le chef d’entreprise dépend le nombre de JRTT. Les heures accomplies au-delà de 1 607 heures sont comptées comme des heures supplémentaires et majorées de 25 % pour les huit premières, 50 % au-delà, comme prévu par l’accord de branche sur les majorations. « Si les accords type avaient dérogé à l’accord de branche sur ce point, jamais les syndicats n’auraient accepté de signer », analyse Pascal Le Guyader, directeur des affaires sociales du Leem.

L’accord type ouvre également la possibilité au chef d’entreprise de mettre en place des forfaits annuels en jours (218 jours au maximum) y compris pour les non-cadres, à condition qu’ils soient autonomes. L’accord définit ce qu’est l’autonomie et détaille le calcul des JRTT auxquelles le forfait jours donne droit. Il détaille également les modalités de contrôle des jours travaillés et du droit à la déconnexion.

À noter que le texte comporte deux avancées par rapport à la loi : il fixe à 13 heures le repos quotidien consécutif des salariés en forfait jours (11 heures selon la loi) et à 48 heures leur repos hebdomadaire (35 heures légalement).

Auteur

  • E. F.