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Compétences : Soft skills les détecter, les évaluer

L’enquête | publié le : 14.03.2017 | M.-M. S.

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Compétences : Soft skills les détecter, les évaluer

Crédit photo M.-M. S.

Empathie, coopération, capacité de jugement, souplesse cognitive, créativité… Les “compétences douces” sont en passe de détrôner, dans l’appréciation d’un CV ou d’une performance, les “compétences dures”, celles de la technique et de l’expertise. Une nécessité face à un environnement instable et à la digitalisation de l’économie. Reste à savoir les affiner et les échelonner.

« En fait, tu nous rajoutes un filtre ! », ont soupiré certains managers lorsqu’Anaïs Coquet leur a présenté, il y a trois ans, un test de personnalité à proposer aux candidats « short listés » sur des postes de juristes, d’auditeurs, de comptables ou de gestionnaires de paie. La responsable recrutement et développement RH du cabinet d’expertise comptable In Extenso (filiale de Deloitte, 4 700 collabirateurs, 220 agences) a bien senti arriver la vague des soft skills. C’est que même les métiers du chiffre sortent de la technicité pure et des points arides du droit et des normes pour s’humaniser. « Aujourd’hui, notre valeur ajoutée réside dans la qualité de la relation que nous nouons avec nos clients PME-TPE, et notre capacité à les conseiller sur divers sujets », explique-t-elle. D’autant que parmi ces professions, des algorithmes vont bientôt prendre en charge des tâches standard, comme la saisie.

Avec la tertiarisation galopante de l’économie, liée au sens du service, et la place accrue de l’intelligence artificielle dans les entreprises, les soft skills, ou compétences douces, désignant les habiletés comportementales, prennent le pas sur le socle de l’expertise, du savoir-faire et des connaissances (hard skills). Elles s’enrichissent même d’une catégorie émergente, les mad skills (compétences folles) centrées sur l’inventivité et la transgression, et que portent les profils atypiques et perturbateurs, dans un contexte donné (lire aussi l’interview p. 23). Des compétences, moins audacieuses certes, sont déjà valorisées par le classement 2017 Adzuna(1) des qualités les mieux payées sur les offres d’emploi : en tête la créativité, la force de proposition et la proactivité, détrônant le leadership qui sort des radars, même dans le champ des qualités les plus recherchées (cf. tableau).

Aujourd’hui, les entreprises se trouvent au milieu du gué. Sensibilisées à ces « aptitudes relationnelles, situationnelles, émotionnelles, indispensables pour souder son corps social », comme le rappelle d’Agathe Potel, professeur Leadership et développement personnel à EM Lyon Business School, elles les affinent dans leur grille des compétences, y ajoutant une pointe d’agilité et d’innovation, plutôt qu’elles ne les révolutionnent. Seules les start-up s’y risquent. Ainsi, le groupe d’ingénierie Altran, vient-il de revisiter ses soft skills socle, et l’énergéticien Engie, porte-t-il aux nues l’adaptabilité, désormais exigé de son management intermédiaire (p. 21). Le thème des compétences est un volet capital de la politique RH puisque ces grilles conditionnent les profils des recrues, le déroulement des carrières, et l’évaluation de la performance. « Les soft skills sont un complément pour décider d’une mobilité, affirme Pierre-Olivier Martin, DRH de Roche Diabetes Care (autodiagnostics pour les diabétiques) près de Grenoble. Nous ne ferons pas évoluer un cadre qui ne sait pas prendre du recul ou qui accepte mal les remarques de son supérieur sur ses marges de progrès ».

Évaluation du savoir-être

Les “compétences douces” ont par ailleurs été souvent le pré carré des commerciaux, des managers et des hauts potentiels. Les employeurs souhaitant, d’une part étoffer les capacités de négociation et de conviction d’une population génératrice de chiffre d’affaires, et d’autre part de donner les bons outils de communication et de cohésion, aux animateurs d’équipe, ou à de futurs leaders. En témoignent les programmes des universités d’entreprise. En 2017, bien d’autres métiers sont concernés, tels les juristes et comptables d’In Extenso. La véritable difficulté réside dans l’évaluation de ces formes de savoir-être, à cause de la subjectivité, forcément présente, dans leur appréciation. Sur le marché, fourmille une multitude de tests en ligne qui complètent les traditionnels tests psychométriques Papi, Sosie, 5D, Big 5, MBTI, etc. Ils donnent des indications, mais ne sont pas la panacée. Avec les produits new-look d’AssessFirst et de Monkey Tie, entre autres, s’installe le recrutement digital affinitaire, visant à mesurer la compatibilité entre les valeurs de l’entreprise et les envies du candidat. Certaines entreprises développent leurs propres outils, ou adaptent l’existant à leur main, avec des items logiquement pertinents pour elles. Par exemple, en septembre prochain, Bouygues Immobilier lancera un test d’évaluation des compétences “émotionnelles” de ses 80 chargés de relations clients qui renseignent les particuliers achetant un appartement sur plan. Un test bâti sur mesure avec un prestataire expert du sujet. « Face aux enjeux que cela représente pour les particuliers, qu’il faut parfois rassurer sur l’avancement des travaux, nous cherchons à évaluer ces collaborateurs, autrement que sur la base de leurs compétences métier, notamment sur leur optimisme et leur assertivité » explique Jacky Guilloteau, DRH du groupe de BTP. Si l’essai est concluant, le groupe envisage de l’étendre à tous ses managers.

“Réverbération professionnelle”

« Les entreprises confondent souvent test de personnalité et de compétences, alerte toutefois Sandra Enlart, DG d’Entreprise & Personnel. Selon moi, les soft skills doivent pouvoir être démontrées en situation, telles les capacités à gérer le flux d’information, à coopérer, s’autogérer, développer son influence, apprendre à apprendre, etc., qui sont fondamentales pour le futur. »(2). D’où l’intérêt des « assessment centers » qui mixent les approches. Et celui du questionnement en face-à-face, irremplaçable, comme en témoigne iAdvize (p. 20). Antoine Morgaut, patron du cabinet Robert Walters, et président de Syntec Conseil en recrutement, parle de « réverbération professionnelle », pour jauger un individu, sur sa faculté à interagir avec les autres et sur son niveau d’engagement. Rien de tel, à ses yeux, que le 360° qui avec le digital, retrouve une nouvelle jeunesse. « Pour être efficace, le document doit être détaillé et poser des questions pragmatiques sur la posture professionnelle de la personne, en excluant le registre des émotions ». Les réponses des salariés, pairs, clients et fournisseurs en seront d’autant plus objectives et intéressantes à discuter lors du débriefing incontournable. Au DRH de jouer !

Le moteur de recherche d’offres d’emploi sur internet a analysé 797 000 annonces disponibles sur Adzuna.fr en février 2017.

Sandra Enlart a publié avec Olivier Charbonnier, Quelles compétences pour demain ?, Dunod, 2014.

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  • M.-M. S.