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Sécurité : Manager dans un contexte à risques

Les clés | publié le : 28.02.2017 | Florence Roux

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Sécurité : Manager dans un contexte à risques

Crédit photo Florence Roux

Sur des sites sensibles ou dans des activités à risque, le manager veille au respect des consignes autant qu’à la santé de son équipe. Et il implique au maximum ce collectif, garant de la sécurité.

Site chimique, raffinerie, centrale nucléaire… : plus de 25 200 établissements en France sont soumis à une autorisation en raison d’émissions chroniques dangereuses ou de risques d’accidents « peu fréquents mais majeurs ». Chaque année, près de 250 000 pompiers effectuent 4,4 millions d’interventions. Quel management s’impose dans ces contextes à risques ?

« Je préfère parler de métier à haute fiabilité organisationnelle, note Marc Riedel, consultant (lire ci-contre). La notion de risques écarte des professions où le danger n’est pas direct pour les personnels, mais dont l’exercice ne laisse pas droit à l’erreur. Ainsi, les aiguilleurs du ciel ou les soignants ont “charge d’âme”. » Pour le consultant, cette fiabilité engage les personnels et les managers.

Quand les risques sont majeurs, la prévention commande le respect absolu des consignes. « C’est au chef d’équipe de s’assurer que les règles sont connues et appliquées », explique Marc-Olivier Guedon, responsable de l’unité de fabrication des gaz fluorés de l’usine d’Arkéma Pierre-Bénite, près de Lyon. Sur ce site classé Seveso seuil haut, sécurité et traçabilité imposent une culture de l’écrit. « Le manager, lui, est dans un rôle d’observation et d’animation, complète Marc-Olivier Guedon. Il est proche, en chef-d’orchestre. »

Même attention à la centrale nucléaire de Saint-Alban (38), où Jean-Pierre Dimon, chef du service logistique et prévention des risques, explique que « le manager de première ligne, qui gère une équipe de 20 personnes maximum, est dans une vraie proximité, sans copinage, pour s’assurer de l’application des règles, mais aussi connaître chacun, repérer les variations d’humeur. Il en sera d’autant plus légitime ».

Pour le capitaine Christophe Reniaud, adjoint au chef du centre des pompiers de Chalon-sur-Saône, « le manager doit percevoir ce que vivent ses collaborateurs, les émotions qu’ils ressentent, pour mieux prendre des décisions ». Le pompier, qui a été bénévole vingt ans avant d’être embauchés, prône aussi un management hybride qui tient compte des aspirations des pros (20 % des effectifs) comme de celles des volontaires.

« Le manager doit ménager les équipes, confirme Christophe Reniaud. Et le management doit être tenable, chercher le compromis entre la performance, voire la perfection, et la difficulté. » Pour le capitaine, il importe, par exemple, de ne pas épuiser les ressources des hommes avec trop de tâches administratives, d’équilibrer les temps de présence des uns et des autres.

Chez Arkema, selon Marc-Olivier Guedon, « le manager est également attentif à la santé physique et psychique de ses collaborateurs. La perception d’une fatigue vaut la peine d’engager la conversation. La personne a-t-elle besoin d’un aménagement de son poste de travail ? Pour les quarts de nuit, quelles sont les heures les moins propices à certaines tâches ? Il faut doser, écouter. Éventuellement, aussi, apaiser des conflits ».

Travail d’équipe

Pour Jean-Pierre Dimon, l’attention du manager se concentre beaucoup sur le travail d’équipe, capital dans des contextes sensibles : « Il existe une grande solidarité dans l’industrie, un esprit qui fait qu’on se serrera toujours les coudes en cas de difficulté. Et le manager doit l’entretenir. » Dans ces contextes sensibles, les réunions de prise de poste, puis de débriefing sont un passage obligé, comme les temps de réflexion en dehors du service. « Je fais en sorte de faire tourner les responsables, pour faire grandir tout le monde, poursuit le cadre d’EDF. J’instaure des référents, des compagnonnages, je mixe les primo-arrivants et les plus expérimentés. Sans oublier des petits challenges pour fixer des défis d’innovation ou d’amélioration ».

Marc-Olivier Guedon confirme : « Le cadre, en utilisant bien les réunions courtes, doit intéresser ses équipes aux atteintes des objectifs de fabrication et de sécurité. Et, pour que chacun se sente à sa place, il favorise aussi l’expression en organisant des temps d’échange informels, et plusieurs réunions dans l’année où on parle sécurité et amélioration du service. Il faut absolument pouvoir compter les uns sur les autres. » Que la parole et les idées circulent.

Au mythe du héros qui, seul, résoudrait tous les problèmes, les experts des risques opposent la fiabilité du collectif. « C’est au manager d’orienter son équipe vers la coopération plutôt que vers la compétition, explique Christophe Reniaud. Le retour d’expérience est toujours central, participatif, où le manager a un rôle d’animateur. Mais il faut aussi des espaces d’expression, structurés, à distance des événements. Et les récompenses sont collectives, plutôt qu’individuelles. »

Les conseils du coach

Marc Riedel

Consultant en management

–1– Conserver le contact avec le terrain

Qu’implique pour le manager la haute fiabilité organisationnelle ? Le management y est vu comme un service support du monde opérationnel, dont il fait aussi partie. Premier soutien social du personnel, le manager ne doit pas perdre le contact physique avec le terrain. Il peut ainsi redéfinir chemin faisant les objectifs avec son équipe pour s’adapter à un aléa. La prise de décision isolée et distante est simplificatrice et source d’échec. Le manager doit plutôt cultiver la complexité en multipliant les expériences et points de vue… Dans une posture classique, et seul, c’est difficile…

–2– Questionner en permanence l’organisation

La capacité à questionner l’organisation de manière suivie est fondamentale, mais elle est épuisante si les conditions ne sont pas réunies. Pour que son fonctionnement soit tenable, le maintien de la sécurité, de la qualité de vie et de la santé des agents et des managers deviennent donc une priorité qui conditionne la solidité de l’édifice. Le travail transversal permet alors d’augmenter le soutien social mutuel.

–3– Assurer une régulation collective

Il est nécessaire aussi de faire face en groupe à des situations plus complexes. Au-delà des causes immédiates, accessibles, on peut alors s’intéresser aux facteurs contextuels et stratégiques, aux conditions latentes liées à l’organisation ou à l’historique de la situation. Ceci permet aussi d’instaurer plus facilement des moments de régulation conjointe où l’on analyse les pratiques, confronte les opinions de manière apaisée et méthodique, et où l’on produit de nouvelles connaissances.

Auteur

  • Florence Roux