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Formation : Les nouveaux territoires du e-learning

L’enquête | publié le : 28.02.2017 | Laurent Gérard

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Formation : Les nouveaux territoires du e-learning

Crédit photo Laurent Gérard

L’intérêt que suscitent les formations digitalisées auprès des entreprises ne cesse de croître, tout comme leur usage. Mais la qualité de l’accompagnement et les possibilités de financement mutualisé demeurent des freins.

Les entreprises utilisent toujours davantage la formation digitalisée, et déclarent avoir de plus en plus l’intention de le faire. « La dynamique est forte en faveur de l’usage du numérique en formation depuis plusieurs années, même si le secteur du digital learning est toujours un marché très vif, innovant et en pleine mutation », affirme Raphaël Luttiau, responsable pédagogique à l’ISTF, anciennement Institut supérieur des technologies de la formation et rebaptisé Institut supérieur du blended learning. Selon l’enquête menée en 2016 par l’institut auprès de 400 structures (dont 46 % d’entreprises privées et 36 % de prestataires afin de croiser les réponses), davantage de structures proposent des plans de formation mixte à leurs collaborateurs : 58 % en 2016 contre 53 % en 2015. Cela laisse à penser que l’effet de mode est résolument dépassé et l’on peut parler d’une véritable restructuration profonde des parcours de formation pour mieux coller aux différentes problématiques des entreprises (besoins de réactivité, baisse des budgets, etc.). Smartphones, tablettes, vidéos, plates-formes collaboratives, réseaux sociaux… sont devenus des incontournables du quotidien et des facteurs de mobilité.

C’est le cas chez Astre, groupement de PME de transport, qui lance une académie de formation digitalisée sur tous les supports possibles : « Le groupement souhaite ainsi faire monter en puissance les compétences de l’ensemble des équipes et améliorer leurs performances, toutes fonctions confondues », explique Denis Baudouin, président d’Astre Coopérative.

Dans la même optique, la SNCF a ouvert Campus SI, il y a un an, sa plate-forme d’apprentissage digital bureautique, avec un grand souci de facilité d’usage : « La plate-forme permet aux correspondants formation de gérer intuitivement les inscriptions des apprenants de leur entité », justifie Isabelle Provillard, chef de projet ingénierie de formation au Campus SI.

Cet argument de confort d’utilisation se retrouve aussi chez Orange, qui développe une logique de modules d’e-formation très courts, plus courts encore que certains e-learning. « L’objectif est d’apporter, en 10 à 15 minutes chrono, l’essentiel des clés pour présenter un nouveau produit, quelque chose qui se situe entre la formation et l’information », précise Axelle Regreny, ingénieur de formation au sein de la Training Factory d’Orange, structure créée par l’opérateur pour produire des supports digitaux de formation.

Les sapeurs-pompiers recherchent également la facilité et l’efficacité en la matière. C’est pour cette raison qu’une dizaine de services départementaux d’incendies et de secours (SDIS) ont décidé de mutualiser leurs efforts et leurs dépenses en digital learning. « Avant, nous avions un guide national de référence par domaine avec une pédagogie par objectif, très détaillé et très séquencé, mais assez lourd, se souvient le commandant Sébastien Lacoste. Aujourd’hui, nous sommes passés à une approche par compétences et avec des référentiels par emplois et activités. »

Formations mixtes

Ces témoignages éclairent un autre point mis en avant par l’enquête ISTF : la réforme de la formation de 2014 a eu un impact, en incitant les entreprises à déployer ces types de formation mixtes. En effet, avant la réforme, assure l’ISTF, près de 40 % des entreprises ayant entre 500 et 5 000 collaborateurs faisaient uniquement du présentiel pour dispenser leurs formations. Cette part est aujourd’hui, selon lui, de seulement 26 %. Ce recul des formations dispensées uniquement en présentiel montre bien l’évolution digitale de la formation à tous les niveaux.

Réaliser des économies sur le budget formation est le premier facteur de motivation (43 % des réponses) des entreprises pour franchir le cap de la digitalisation. Mais les autres avantages sont nombreux : souplesse pour les apprenants, production collaborative pour les formateurs, etc. Mais seulement 2 % des sondés pensent que le digital est synonyme de la fin imminente du présentiel.

Accompagner le présentiel

En réalité, les entreprises ont bien intégré que le digital est là pour accompagner le présentiel et non pour le remplacer : pour 40 % des répondants, il s’agit surtout de « moderniser l’image de leur structure ». La réussite de la transformation digitale semble aujourd’hui passer par l’ajout de modalités distancielles, comme l’e-learning ou la classe virtuelle, à du présentiel, permettant la mise en place de dispositifs de formation mixte (ou blended learning). D’ailleurs, seuls 15 % des interrogés veulent passer au digital « pour suivre les tendances ».

C’est bien l’enjeu de l’efficacité qui est au cœur de ce mouvement. Et de ce point de vue, l’enquête témoigne d’un recul de 5 points cette année pour le présentiel au profit du e-learning et du blended learning.

Le constat se répète : les entreprises mixent de plus en plus les modalités au sein de parcours associant toutes les pédagogies et tous les outils. Ces formations multimodales ont l’avantage d’offrir un large éventail pédagogique pour les apprenants qui vont bénéficier d’une plus grande souplesse pour suivre leurs programmes de formation.

Bilan : « L’enquête note une réduction des écarts de l’efficacité des modalités, synonyme de la fin des croyances selon lesquelles il existerait des modalités magiques, analyse Raphaël Luttiau. Ce lissage progressif laisse entrevoir une prise de conscience de plus en plus forte sur le rôle et l’efficacité de l’ingénierie des parcours multimodaux. Viser l’efficacité pédagogique maximale revient à se donner les moyens d’utiliser l’ensemble des modalités disponibles aujourd’hui et surtout d’apprendre à s’en servir au bon moment. »

L’enjeu de l’efficacité est d’autant plus sensible que les principaux objectifs des responsables formation sont de « suivre le rythme opérationnel de l’évolution des compétences » (24 %), de « mieux évaluer les apprenants », et d’« optimiser le présentiel en termes d’efficacité pédagogique » (18 % chacun), assez loin devant le fait d’« assouplir le cadre de la formation ».

Attention quand même, tempère Michel Diaz, responsable du cabinet Féfaur, spécialisé dans le suivi de ce marché, tous les clignotants ne sont pas encore au vert. « L’État reste très soupçonneux en ce qui concerne ce type de formation – et la formation en général – et ne lâche pas les freins du contrôle. Le budget formation n’est pas encore un budget totalement libre ».

L. G.

Mooc ? Bof

Seuls 6 % des interrogés par l’étude ISTF ont mis en place un Mooc dans leur structure. Un chiffre qui est loin d’être en lien avec toute la médiatisation qui gravite autour du Mooc : la réalité terrain est bien différente de ce que l’on aurait pu penser. De plus, cette question n’a été posée qu’aux entreprises ayant mis en place le digital learning. Ce chiffre est encore plus faible si l’on prend l’ensemble des entreprises interrogées : il est inférieur à 3,5 %. Pourtant, en l’espace d’une seule année, le nombre de structures ayant mis en place un Mooc a augmenté de 4 points. Ce qui traduit un vrai intérêt pour ce phénomène. Au niveau de l’entreprise, le Spoc (Small Private Online Course) ou le Cooc (Corporate Open Online Course) est plus adapté car il offre des garanties de sécurité et de confidentialité.

Les apprenants veulent du fond

30 % des apprenants affirment que le premier facteur d’incitation à suivre une formation en ligne est son lien avec leurs problématiques métier ; 16 % sont, eux, motivés par la disponibilité de ces formations à chaque instant, en self-service. « C’est la qualité du contenu brut qui incite les apprenants à aller jusqu’au bout de leur formation et d’y revenir, juge Raphaël Luttiau. L’ergonomie, l’expérience utilisateur et le webdesign figurent parmi les facteurs les moins importants. Ce qui engage les apprenants est bien le fond et non la forme. Les apprenants veulent de plus en plus des parcours individualisés et pertinents et ont la volonté de se responsabiliser face à leurs formations pour pouvoir accéder quand ils le souhaitent à leurs ressources de formation ».

Auteur

  • Laurent Gérard