logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Zoom

Renault et PSA mettent le frein sur les fins de carrière

Zoom | publié le : 21.02.2017 | Mathieu Noyer

Image

Renault et PSA mettent le frein sur les fins de carrière

Crédit photo Mathieu Noyer

Les deux constructeurs ajustent leurs mesures de dispense d’activité pour les salariés parvenant à quelques années de la retraite, dans un contexte où ils n’ont plus besoin d’encourager les départs volontaires.

Marche arrière ! Pour la gestion des fins de carrière de Renault, l’accord de compétitivité signé en janvier par trois syndicats (CFE-CGC, CFDT, FO, lire Entreprise & Carrières n° 1320) revient peu ou prou aux mesures telles qu’elles existaient avant 2013. Car les temps ont changé. Il y a quatre ans, le premier accord de compétitivité s’était négocié dans un contexte où le constructeur devait réduire ses effectifs. Pour le faire en évitant les licenciements secs, il avait notamment mis en place un généreux dispositif de dispense d’activité pour ses salariés volontaires proches de la retraite. Aujourd’hui, l’entreprise s’est redressée, elle a atteint son objectif de diminution d’effectifs et l’énorme succès des dispenses d’activité y a largement contribué.

Aussi, sans renoncer à ces mesures, la nouvelle version de l’accord, Cap 2020, en restreint le champ d’application. Pour ce dispositif nommé DACS (dispense d’activité des carrières spécifiques), le texte de 2013 en ouvrait la possibilité à tout salarié se trouvant à moins de trois ans de son départ en retraite à taux plein, et quel que que soit son statut. Cap 2020 réintègre des conditions supplémentaires qui existaient par le passé : avoir travaillé en horaires décalés depuis plus de quinze ans ou justifier d’une incapacité partielle permanente (IPP) reconnue de plus de 10 %.

« Nous souhaitions des critères plus larges, à savoir dix ans de travail posté et l’éligibilité de tous les travailleurs handicapés sans condition de degré d’IPP. La direction ne les a pas retenus », relate Bruno Azière, délégué syndical central CFE-CGC. Par rapport à la situation d’avant 2013, Renault apporte toutefois des assouplissements : il n’y a plus de condition d’âge (58 ans auparavant) et le DACS est actionnable quel que soit le type de poste occupé au moment de la demande, alors qu’il était réservé historiquement aux postes « industriels ».

Ce qui rend par exemple éligible un salarié qui aurait réalisé une première partie de carrière en usine avant de passer au Technocentre de Guyancourt. « Cela restaure l’équité et répond à l’évolution des métiers du groupe », salue Bruno Azière, même si le représentant de la première organisation syndicale chez Renault reconnaît que ces parcours demeurent marginaux.

La marque au losange n’est pas la seule à revoir sa copie. Son concurrent PSA connaît le même contexte et il entérine aussi une baisse des fins de carrière aménagées, mais selon un scénario différent. Au contraire de Renault, rien n’a fondamentalement changé sur le papier, entre le premier accord de compétitivité de 2013 et celui qui a pris le relais l’été dernier, baptisé Nouvel élan pour la croissance (NEC).

Une éligibilité restreinte

D’un texte à l’autre, le « congé senior » (congé de maintien dans l’emploi des salariés âgés, selon sa terminologie officielle) reste ouvert sans restriction aux collaborateurs de PSA qui occupent un métier « sensible ». Il est également proposé aux métiers « à l’équilibre », sous certaines conditions et il est fermé aux métiers « en tension ». Mais d’un accord à l’autre, c’est la proportion entre ces trois catégories qui a bougé : les effectifs des métiers sensibles, correspondant à une situation de sureffectif, baissent, tandis que ceux en tension montent, restreignant donc de fait l’éligibilité au congé senior. « Celui-ci va tranquillement mourir de sa belle mort dans les prochaines années », prédit Christian Lafaye, délégué syndical central FO.

Ayant recouvré la santé, les deux constructeurs cherchent maintenant à maintenir un maximum de seniors dans l’emploi ou à remplacer ceux qui partent, même si « on est encore loin du compte », ne manquent jamais de rappeler les sections CGT. Or, dans l’hypothèse d’une dispense d’activité, le principe selon lequel un départ est (presque) compensé par une arrivée impose un double défi RH et financier. « Il faut trouver le bon profil de remplaçant, et l’entreprise paie, en plus d’un poste à taux plein, 75 % du salaire du senior. Dès lors, on comprend qu’elle n’ait pas forcément envie de voir les cas se multiplier », analyse Bruno Azière.

Double défi RH et financier

L’autre élément qui incite à refermer les vannes, c’est le grand engouement qu’a suscité la mesure. Certes, « les dispositifs de fin de carrière ont été un élément clé pour éviter tout PSE », souligne la direction de Renault. Mais, selon la CFE-CGC, le DACS a entraîné quelque 6 000 départs sur le total de 10 000 enregistrés durant les trois ans du dernier accord. « Un vrai problème de fuite de compétences commençait à se faire jour », confirme Franck Daoût, délégué syndical central CFDT au sein du groupe de Carlos Ghosn. Quant à PSA, il a enregistré 4 385 congés seniors sur le cumul des années 2014 et 2015, alors que la direction tablait sur 2 450, soit presque moitié moins.

Le rapport s’est cependant inversé dès l’an dernier chez PSA, avec environ 1 200 départs effectifs (estimation de FO sur la base du comptage officiel arrêté à fin août), contre une prévision de 1 600. Cette année, le groupe n’en envisage plus que 983. Chez Renault, les syndicats s’attendent à un net reflux et tablent sur un total de seulement 800 à 900 départs sur trois ans. On peut y voir l’impact du robinet qui se ferme, mais c’est tout autant la conséquence d’un vivier qui se tarit de façon « naturelle » : la plupart des salariés qui remplissaient les conditions pour partir l’ont fait entre 2013 et 2016.

Concernant les modalités financières, le nouveau DACS de Renault permet aux intéressés de toucher, comme précédemment, 75 % du salaire brut augmenté des primes et majorations. Avec un maintien des cotisations retraite à taux plein (l’employeur prend en charge la totalité de la part patronale et le solde de la part salariale). Le salarié peut également monétiser les jours épargnés sur son compte épargne-temps, de manière à reconstituer l’intégralité de sa rémunération.

Chez PSA, le congé senior est rémunéré à 70 % pendant trois ans. Le constructeur avait instauré des dérogations plus généreuses, mais elles se font désormais rares. Ainsi, les sites de Poissy et de Saint-Ouen qui en bénéficiaient sont en train de rejoindre le régime commun. Reste l’exception de Rennes. L’usine bretonne octroie une rémunération de 75 % pour les salaires inférieurs à 2 500 euros bruts et une durée de congé senior allant jusqu’à cinq ans.

Une fin de carrière solidaire

C’est une autre proposition de transition entre vie professionnelle et retraite qui est inscrite dans le récent accord de compétitivité de Renault : le texte crée le temps partiel de fin de carrière solidaire. Il permet aux volontaires de réduire progressivement leur activité dans l’entreprise en s’engageant, le reste du temps, dans une association reconnue d’utilité publique, qui « répond à l’un des domaines soutenus par la politique RSE du groupe ». Une liste nominative en est dressée par la direction et les organisations syndicales signataires de l’accord. La perte de salaire est compensée à hauteur de 40 %. La disposition reste ciblée sur les salariés âgés : « Elle ne préfigure pas d’une généralisation des congés solidaires dans l’entreprise. La façon dont elle se mettra en œuvre dans le cas des fins de carrière servira en quelque sorte de test », souligne la direction.

Auteur

  • Mathieu Noyer