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BNP entre dans le poste-modernisme

Zoom | publié le : 24.01.2017 | Emmanuel Franck

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BNP entre dans le poste-modernisme

Crédit photo Emmanuel Franck

L’une des plus vastes mises en œuvre de travail en flex office (bureaux non attitrés) en France se déroule depuis le mois de juillet 2016 chez BNP Paribas. Ce type d’organisation facilite surtout le travail en mode projet mais il est moins adapté aux métiers solitaires, selon un syndicat.

Depuis juillet 2016, les 2 600 salariés du site Levalloisien (92) de BNP Paribas personal finance (Cetelem, Cofinoga) n’ont plus de bureau. Plus exactement, ils n’ont plus de bureau attitré et s’installent à peu près où bon leur semble en fonction de leur besoin, moyennant le respect de quelques règles simples. Ils font partie des pionniers du travail en environnement dynamique, plus communément appelé flex office, desk sharing, free seating ou new way of working (NWOW). « Un an après le siège de Sanofi à Gentilly, il s’agit sans doute du projet de NWOW le plus abouti en France aujourd’hui de cette dimension », relève Dominique Losay, responsable des environnements de travail et du flex office chez BNP PF. Il cite également les cas de Microsoft, d’Atos, d’IBM, ou encore de Swiss life, eux aussi organisés en flex office ; une autre expérimentation a démarré début 2015 chez BNP Paribas qui concerne 600 salariés (lire Entreprise & Carrières n° 1314).

Les besoins d’un salarié pouvant évoluer, ce dernier changera donc d’espace de travail au fil de la journée. « Un gestionnaire de carrière qui aura besoin de s’entretenir avec un salarié réservera une salle de réunion ou s’installera dans une bulle, illustre Pascale Lorteaud, en charge de la conduite du changement à la DRH. S’il veut ensuite consulter sa messagerie, il pourra le faire depuis un bureau partagé qu’il aura réservé ou depuis n’importe où dans le bâtiment puisque tout le monde dispose d’ordinateurs portables et d’une connexion. Enfin, s’il a besoin de s’entretenir au téléphone sans être dérangé, il pourra s’installer dans une bulle ou une cabine téléphonique. »

Logique horizontale

Le bureau personnalisé avec les dessins du petit dernier accrochés au mur aurait-il fait son temps ? « Le flex office répond aux besoins de transformation de l’entreprise et du management, explique Dominique Losay. L’assignation à une place est de moins en moins acceptée par des collaborateurs en recherche de responsabilités et d’équilibre de leurs temps de vie. D’autre part, l’entreprise, digitalisée, fonctionne autour de projets regroupant des représentants de ses diverses composantes pendant un temps donné. Avec le flex office, on passe d’une logique verticale à une logique horizontale fondée sur la responsabilisation. »

Dans cet environnement flexible, les bureaux individuels ont pratiquement disparu : il y en avait 350 auparavant, seuls les 15 membres du comex en ont encore un ; les smartphones ont remplacé les téléphones fixes ; les 2 000 armoires ont été supprimées, 320 tonnes de papiers détruites, 4 millions de pages numérisées ; il y a 1 100 places en salle de réunion et 2 050 positions de travail pour 2 600 salariés, soit 8 positions pour 10 collaborateurs.

Calcul du Taux de présence

Chacun doit pourtant trouver sa place. Avant le passage en flex office, la direction a vérifié de visu qu’en moyenne sur deux semaines, moins de la moitié des salariés (45 %) étaient effectivement installés à leur bureau (les autres étaient vraisemblablement en vacances, en déplacement ou en arrêt maladie) et que 22 % y avaient laissé un « signe de présence » (ils étaient vraisemblablement en réunion). Le pic de présence (présence + signe de présence) était de 75 %.

Trois principes d’organisation

La vie dans le site de BNP de Levallois obéit à trois grands principes : 1– chaque salarié est rattaché à une zone ; 2– il y dispose d’un casier individuel et d’un bureau partagé réservable qu’il doit vider après usage ; 3– les salles de réunion sont réservables, les bulles sont en accès libre. Quels sont les avantages et les inconvénients de cette organisation ? Comment les salariés la vivent-ils ? En ce mardi matin du mois de novembre, le visiteur remarque l’ambiance studieuse ; le silence des open space où travaillent, penchés sur leur ordinateur, des salariés installés à des bureaux individuels séparés par des cloisons à mi-hauteur ou sur des banquettes comme au café ; les bulles dans lesquelles deux ou trois salariés discutent entre eux ou téléphonent ; les salles de réunion d’une douzaine de places (la plupart vides ce matin-là) ; un coin de cafétéria investi par un groupe de salariés manifestement en réunion. Luxe, calme et disruptivité.

Pascale Lorteaud estime que « le travail gagne en fluidité, que les salariés se connaissent mieux et peuvent ainsi mieux résoudre les problèmes ». Isabelle Comont, déléguée syndicale centrale du SNB CFE-CGC, constate qu’« à certains étages où les salariés occupent plutôt des postes fixes, comme à l’informatique ou aux finances, c’est un peu compliqué de trouver de la place ». Elle espère que le télétravail, qui sera prochainement mis en place, permettra de résoudre le problème. En charge des stagiaires et des alternants à la DRH, elle admet que cette organisation ne la gêne pas et qu’elle trouve les locaux agréables. Mais elle apprécierait de pouvoir s’installer à côté de ses collègues, ce qui suppose « d’arriver en même temps qu’eux ». Par ailleurs, elle comprend aussi qu’un manager « puisse être gêné de ne pas toujours disposer d’un espace de confidentialité ». Au final, elle estime qu’« il faut plutôt travailler en mode projet pour tirer tout le bénéfice du flex office ; pour les administratifs, c’est un peu plus compliqué ».

9 % des salariés français en flex office

BNP n’est pas la seule entreprise à se lancer dans le flex office. Citons notamment Danone, Sanofi, Société générale, Microsoft, Atos, Swiss life, AXA, Crédit agricole, Engie, Bouygues telecom, Siemens. Ces entreprises n’attribuent plus de bureau à une partie de leurs salariés (lire Entreprise & Carrières n° 1274). Selon le baromètre annuel d’Actineo/CSA publié fin 2015, 9 % de salariés ne disposent plus de bureau personnel.

La réduction des coûts immobiliers n’était pas une priorité

À plus de 400 euros annuels le mètre carré à Levallois, selon Nexity ; pas loin de 1 000 euros, taxé, chargé, selon Dominique Losay, responsable des environnements de travail et du flex office chez BNP PF, « cela fait cher la place inoccupée », remarque ce dernier. Pourtant, BNP se défend d’avoir cherché la bonne affaire. « L’immeuble de Levallois peut accueillir jusqu’à 2 700 salariés, explique Dominique Losay. Nous aurions pu attribuer des positions de travail à chacun d’entre eux, mais nous avons préféré faire du flex office, non pas pour réaliser des économies sur les mètres carrés mais pour améliorer l’organisation du travail. » Selon lui, l’opération a bien eu un intérêt financier, mais il résulte du rassemblement des salariés dans un seul bâtiment, alors qu’ils travaillaient jusque-là sur cinq sites. « C’est une vitrine pour l’organisation de BNP Paribas », estime Isabelle Comont, déléguée syndicale centrale du SNB CFE-CGC.

Auteur

  • Emmanuel Franck