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« Ce n’est pas l’amont qu’il faut renforcer, mais l’aval »

L’enquête | publié le : 24.01.2017 | L. G.

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« Ce n’est pas l’amont qu’il faut renforcer, mais l’aval »

Crédit photo L. G.

Vous estimez que le datadock et ses indicateurs ne sont pas la solution à la qualité de la formation. Pourquoi ?

Parce que ce sont des indicateurs pertinents mais anciens. Ils ressortent périodiquement, mais sont sans effet pour faire avancer la question de la qualité. Ces indicateurs s’appuient sur les démarches de la qualité industrielle, celle de la production de produits conçus en amont, réalisés sur la base d’un cahier des charges dans une logique de conformité. Ça ne peut pas être suffisant.

Tout cet appareillage réaffirme le vieux réflexe de méfiance a priori vis-à-vis des organismes de formation. Mais tous les grands prestataires qui réalisent la plus grande part du marché – rappelons que 4 % des prestataires font 40 % du marché – sont déjà sous assurance qualité qu’elle soit OPQF, ISO ou autres, et ce depuis longtemps. Ils vont bien sûr parfaitement remplir les cases du datadock, comment pourrait-on imaginer qu’il en soit autrement ? Toutes les garanties en amont sur les organismes de formation ne garantissent en rien la qualité opérationnelle de l’action de formation qui sera mise en œuvre.

Sur quoi alors construire un processus de qualité pertinent ?

En passant d’un contrôle a priori à un contrôle a posteriori, c’est-à-dire en travaillant sur l’analyse de besoin et sur l’intérêt à se former. Une analyse de besoin poussée et pertinente nécessite de renforcer le professionnalisme des acteurs de la formation et, en premier lieu, des directeurs et responsables de formation. L’ingénierie de formation et le pilotage d’une politique sont des expertises indispensables, délaissées au profit de l’ingénierie financière et de mutualisation. Les responsables formation et les entreprises doivent beaucoup plus se poser la question du “pourquoi” d’un besoin de formation, pour pouvoir mieux définir des éléments d’évaluation, et mieux juger de la contribution de la formation professionnelle à la situation de travail et la situation sociale.

Par ailleurs, l’adulte ne se forme que s’il a un intérêt intellectuel, statutaire, financier… à se former. Et sa volonté de se former est fondamentale dans la qualité du processus. En effet, la formation des adultes est une servuction, c’est-à-dire que l’apprenant participe à la production du service, il n’y est pas extérieur, la qualité de l’interaction entre l’apprenant et le formateur est déterminante pour la réussite de l’action. Considérer que demander aux Opca d’apprécier la pertinence et la qualité d’un prestataire de formation suffira à épuiser la question n’est pas la bonne porte d’entrée. Il y a une forme d’illusion dans cette vision. Ce n’est pas l’amont qu’il faut renforcer, mais l’aval, la sortie.

C’est-à-dire ?

La qualité de la formation doit s’appuyer sur des indicateurs négociés avec chaque apprenant et pour chaque action de formation. Cela implique un travail d’analyse précis, étoffé, personnalisé. Et ce n’est pas en faisant la confusion entre qualité des organismes de formation et qualité de l’action de formation qu’on y arrive.

Le monde de la formation, par habitude, cumule aujourd’hui deux problèmes : un déficit de connaissance des formateurs sur les besoins pédagogiques des apprenants ; et un déficit de pilotage et l’évaluation de la part des responsables formation. Ces derniers ont plutôt développé des services très qualifiés sur ingénierie financière et administrative. Et, à la question “A quoi ça sert”, les responsables formation ne savent pas répondre. RH et DG s’en désintéressent trop souvent, et les résultats sont médiocres. Ce qui laisse, depuis la réforme, les DAF trancher la question par la baisse de budget.

Mais en quoi la mise en place du système des critères par les Opca (surtout sur l’amont) empêcherait-elle de développer toutes les bonnes pratiques que vous évoquez (surtout sur l’aval) ? Les deux pourraient se cumuler ?

Je crains que l’appareillage autour des 21 indicateurs, du datadock, de l’entrée a priori… n’occupe tout le terrain et les esprits. Et que rien ne soit développé sur l’individu et son engagement.

La réflexion sur ces questions a besoin d’être renouvellée. Le Cnefop pourrait prendre l’initiative d’une action de formation de tous les acteurs – partenaires sociaux à tous niveaux, producteurs et acheteurs – pour que ceux-ci soient en mesure de négocier les conditions de la qualité de la formation.

Auteur

  • L. G.