« C’est un projet qui s’inscrit dans la philosophie de la RH business partner et qui va lui permettre d’être plus proactive », soutient Jean-Philippe Dauvergne, directeur de l’emploi et des opérations RH du groupe BPCE. L’idée du “Cockpit RH” a germé en avril 2015, à partir des réflexions des praticiens RH des entreprises du groupe, interrogés sur ce qui leur manquait au quotidien pour améliorer la gestion des ressources humaines.

Le constat était simple : « Nous avons un SIRH constitué de multiples applications best of breed pour gérer différents processus : rémunération, formation, entretiens… Il était donc difficile d’avoir une vision synthétique à 360 ° des salariés », explique Jean-Philippe Dauvergne, à l’époque DSI RH et communication de Natixis, banque internationale de financement, d’assurance, de gestion et de services financiers du groupe.

L’objectif était de créer une application permettant d’agréger les données RH pour offrir à toutes les parties prenantes : responsables RH, managers, collaborateurs et dirigeants la possibilité d’accéder directement et en mobilité (les RRH de Natixis sont équipés de Surfaces Pro) aux informations qui leur sont nécessaires. En portant un soin particulier à “l’expérience utilisateur”.

« Il nous a fallu du temps pour mûrir ce projet, convient-il. Comme rien n’existait sur le marché, nous avons opté pour une démarche de coconstruction avec Technomedia [éditeur canadien racheté par Cegid en 2015, NDLR], dont la solution de gestion des talents était largement déployée dans le groupe. » C’est donc une équipe projet multicompétences qui s’attelle, à l’automne 2015, à la conception d’un pilote en mode agile. Périmètre ciblé : la communauté RH de Natixis, entité équipée d’un outil de gestion administrative couvrant les 15 000 collaborateurs de la filiale de BPCE et présentant, de fait, des données homogènes.

Outre l’éditeur, l’équipe intègre le cabinet Initiative digitale et l’agence Limpide, chargés de plancher sur l’ergonomie, et embarque un groupe de huit représentants métiers, DRH ou RRH expérimentés. « Nous avions un cahier des charges avec seulement les grandes fonctionnalités attendues, et avons réalisé des spécifications détaillées uniquement pour créer les flux d’alimentation du cockpit à partir des applications de gestion. La maquette évoluait chaque semaine en fonction des réactions du groupe de RH, et était présentée une fois par mois au comité directeur RH de Natixis. Avec le souci constant d’obtenir un outil correspondant aux besoins des utilisateurs », raconte le directeur de l’emploi et des opérations RH.

Livrée en avril 2016, la “V1” a été déployée par vagues successives jusqu’à l’automne dernier auprès de la centaine de responsables RH de Natixis, avec l’appui des bêtatesteurs et primo-adoptants, devenus ambassadeurs de l’outil et coaches pour sa prise en main. Une version allégée est aujourd’hui à l’essai auprès d’un groupe pilote d’une dizaine de managers (responsables et managers de proximité).

« Le Cockpit ne remplace pas les applications existantes, précise Jean-Philippe Dauvergne. Il s’agit d’une surcouche permettant de capter et de restituer les données utiles sous une forme visuelle, avec un système d’authentification unique (SSO). » Vision à 360 ° des dossiers collaborateurs, KPI de suivi d’activité… Pour l’instant, une vingtaine d’indicateurs ont été développés pour la fonction RH. Une bibliothèque personnalisable, avec un système d’alertes, qui va continuer de s’enrichir.

Une fonctionnalité d’analyse prédictive doit être intégrée à l’outil début 2017 afin d’identifier – et diminuer – le risque de démission. « Nous avons travaillé sur le sujet avec Technomedia, qui s’est lui-même rapproché du Conseil national de recherche du Canada pour bâtir, sur la base de six ans de données internes anonymisées, un algorithme pouvant expliquer, à partir des trois premières années, ce qui se passait au cours des trois suivantes. Après plusieurs itérations, la marge d’erreur est maintenant inférieure à 10 % », affirme le directeur.

Un signal d’alarme pour les responsables RH, qui pourront alors simuler la meilleure option pour retenir les collaborateurs concernés. « C’est uniquement de l’aide à la décision, mais à partir d’informations dont les RH ne disposaient pas auparavant et qui leur permettront de tenir un discours plus pertinent auprès des managers. »

Cette application big data « maison » va être complétée, dans la prochaine version du Cockpit, d’une solution externe – en l’occurrence SmartSearch, développé par Multiposting (racheté à l’automne 2015 par SAP) – axée sur l’analyse des données du marché de l’emploi disponibles sur Internet, pour aider au recrutement (collecte d’informations sur les métiers en tensions, les salaires, amélioration du sourcing, etc.).

Selon Jean-Philippe Dauvergne, le Cockpit a certes mobilisé du monde, mais son coût final reste raisonnable et la solution promet un rapide retour sur investissement pour les entités qui l’adopteront (chacune étant libre de ses choix). « Les utilisateurs sont heureux d’avoir été associés au projet dès le départ, et les premiers avis sont très positifs, poursuit-il. Il s’agit d’une démarche innovante qui induit un changement de posture pour les RH. Cela aide aussi beaucoup les managers qui, en prise de poste, ont une visibilité immédiate sur leur équipe. » Ce projet spécifique (primé aux Trophées SIRH 2016) a donné naissance à PeopleVision, agrégateur de services RH “intelligent”, figurant au catalogue de solutions de Technomedia.

Activité

Deuxième groupe bancaire français (réseaux Banque populaire et Caisse d’épargne, entre autres).

Effectif

108 000 collaborateurs.

Produit net bancaire 2015

23,8 milliards d’euros.