logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

L’enquête

Thierry Le Goff directeur général de l’administration de la fonction publique (DGAFP)

L’enquête | L’interview | publié le : 10.01.2017 | Emmanuel Franck

Image

Thierry Le Goff directeur général de l’administration de la fonction publique (DGAFP)

Crédit photo Emmanuel Franck

« On ne peut pas dire que la fonction publique ne s’est pas emparée du dialogue social »

Une des ambitions de la loi de juillet 2010 relative à la rénovation du dialogue social dans la fonction publique était de dynamiser la négociation collective. En voyez-vous les effets ?

Les partenaires sociaux de la fonction publique jouent le jeu de la négociation depuis des années sans même avoir attendu le vote de la loi de 2010. Au niveau interministériel, plusieurs textes sont issus de la négociation collective : des accords ont été signés sur le handicap (2001), sur la santé et la sécurité au travail (2009), sur la sécurisation des parcours professionnels des agents contractuels (2011), sur l’égalité professionnelle hommes-femmes (2013) et sur la prévention des risques psychosociaux (2013).

Mais la qualité du dialogue social ne se limite pas à la signature d’accords majoritaires, tels que la loi de 2010 les a définis.

Par exemple, une longue concertation a eu lieu en 2015 sur les carrières et les rémunérations des agents ; le protocole qui en est issu n’a pas donné lieu à un accord majoritaire mais le Premier ministre a néanmoins décidé de le mettre en œuvre considérant son apport pour les carrières des fonctionnaires avec l’appui d’un certain nombre de syndicats. En revanche, le projet d’accord cadre sur la qualité de vie au travail ne sera pas mis en œuvre, faute d’avoir recueilli suffisamment d’approbations.

Par ailleurs, des accords ont été signés au sein des ministères et il existe de belles réalisations locales, comme on a pu le voir lors des assises du dialogue social dans la fonction publique, organisées en septembre 2016 par l’association Réalités du dialogue social, et dont la DGAFP était partenaire. La réforme territoriale, par exemple, a sollicité à la fois le dialogue social interministériel, ministériel et local et nous avons été très attentifs à la prise en compte des problématiques d’impact RH avant, pendant et après la mise en œuvre de la réforme.

Ne manque-t-il pas un bilan de la négociation dans la fonction publique recensant les accords signés aux différents niveaux, à l’instar de ce que fait la Direction générale du travail pour le secteur privé ?

Ce bilan a été fait dans le cadre de la concertation sur la qualité du dialogue social, menée en 2015, mais il n’a pas été diffusé : une enquête listant les négociations interministérielles et ministérielles avait été menée, mais nous ne sommes pas descendus jusqu’au niveau local.

Dans un rapport de mai 2016, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) estime que, dans la fonction publique, « la qualité du dialogue social n’est pas à la hauteur des enjeux », faute d’une culture de la négociation à tous les niveaux pertinents et même faute du respect des règles de représentativité. Êtes-vous d’accord ?

On ne peut pas dire que la fonction publique ne s’est pas emparée de “l’outil” qu’est le dialogue social pour penser et accompagner les réformes qui doivent l’être, même s’il est vrai qu’il nous reste encore des progrès à accomplir dans la déclinaison ou la prise en compte des accords dans les différents versants de la fonction publique, qui ont chacun leurs particularités, ou aux différents niveaux de la sphère publique. Il y a aussi un enjeu pour fixer le bon niveau de concertation : interministériel, ministériel, local, en précisant plus clairement aussi ce qui peut ou doit relever de chacun de ces niveaux, en termes de sujets à concerter ou à négocier.

Pour améliorer la culture de la négociation, ne faut-il pas former les fonctionnaires ?

Les cadres ont effectivement besoin de formation sur ce sujet. Il faut qu’ils maîtrisent les règles du dialogue social mais aussi qu’ils connaissent les partenaires sociaux et les marges de négociation dont ils disposent. Nous devons également davantage montrer aux cadres que le dialogue social est bénéfique même s’il prend du temps. Nous avons d’ailleurs mis en place, dans la fonction publique d’État, au mois de décembre 2016, une formation interministérielle au dialogue social à destination des chefs de service et des sous-directeurs des ministères.

Le statut des fonctionnaires laisse-t-il des marges de négociation ?

Oui. D’une part parce que les statuts traduisent ce que sont les fonctions, métiers, conditions de recrutement et de carrière des fonctionnaires et sont, à ce titre, le fruit des préoccupations de l’employeur mais aussi de celles des représentants des personnels que sont les syndicats. D’autre part parce qu’ils ne couvrent pas tous les champs. Sur la formation, la politique RH, l’organisation et les conditions de travail, il y a aussi matière à négocier. Et c’est encore plus vrai au niveau local. Autant il n’y a guère d’intérêt à discuter au niveau local des statuts qui sont élaborés aux niveaux interministériel ou ministériels, autant les questions liées à l’organisation du travail peuvent faire l’objet de concertations et même de négociations au plus près de ce que vivent les agents publics.

Auteur

  • Emmanuel Franck