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Sur le terrain

Retour sur… La reprise d’Arc International

Sur le terrain | publié le : 03.01.2017 | Stéphanie Maurice

DÉBUT 2015, PHP, un fonds d’investissement américain, reprenait le spécialiste du verre de table, en grande difficulté. Son projet n’était pas le préféré des ouvriers, qui auraient voulu partir dans le cadre d’un plan amiante. Toutefois, jusqu’ici, les promesses sont tenues.

Il y a 18 mois, Arc International licenciait pour la première fois de son histoire. Un vrai traumatisme pour ce groupe jusque-là familial, propriété de la famille Durand, numéro 1 mondial du verre, avec son siège installé à Arques, dans le Pas-de-Calais, depuis 1825. Le PSE, signé en février 2015, prévoyait la suppression de 556 postes, dont 200 départs contraints, principalement dans les fonctions support, pour un budget total de 26 millions d’euros. Seul un syndicat l’a refusé, l’Unsa. « On n’avait pas trop le choix, signale Élisabeth Jacques, déléguée centrale CFE-CGC. Sinon, l’offre de reprise tombait à l’eau. » Car le groupe, lourdement endetté, à hauteur de 450 millions d’euros pour un chiffre d’affaires d’un milliard, était en vente. Le fonds d’investissement américain PHP (Peaked Hill Partners), l’acheteur pressenti, demandait alors, un accord majoritaire sur son offre, et le PSE en faisait partie.

Celui-ci a un projet de relance pour le moins singulier : il veut garder la production en France en conservant un effectif à peu près stable. Il prévoit en effet d’équilibrer la baisse des cols blancs par une augmentation du nombre de postes à la chaîne, qu’il chiffre à 233. La CGT s’en réjouit : « Nous avons limité la casse », estime Frédéric Specque, délégué syndical. Car il y avait un autre plan de reprise sur la table, celui d’HIG Capital, que la famille Durand a finalement recalé, après être entrée en négociation exclusive avec lui. « Ce plan prévoyait une contraction du personnel plus importante et la fermeture de fours, explique Élisabeth Jacques. Mais nous n’en avons jamais su plus, car les syndicats n’étaient pas vraiment dans la boucle. » Pour la CGT, c’était clair : HIG Capital prévoyait à terme la délocalisation de l’usine d’Arques et la vente, filiale par filiale, du groupe.

Le feuilleton de la reprise commence en septembre 2013 : Patrick Puy, ancien pdg de Moulinex, et spécialiste des restructurations des entreprises en difficulté, est appelé à la rescousse par la famille, laquelle face à l’endettement colossal, a décidé de vendre ses parts. Il a pour mission de trouver un repreneur. Le groupe a déjà largement réduit la voilure : il est passé de 12 000 salariés en France dans les années 2000 à 5 700, sans plan social, mais avec, en quinze ans, une succession de trois accords de méthode qui fixent les règles des départs volontaires nécessaires. Mais pour Patrick Puy, il faut encore diminuer la masse salariale. Pour ce faire, il compte sur un plan amiante : ce serait le départ immédiat de 1843 personnes, financé de surcroît par l’État. Les négociations commencent avec les pouvoirs publics, qui ne sont pas enthousiastes. « L’exposition à l’amiante est limitée à 3 % dans l’usine », note Frédéric Specque, de la CGT. L’État craint le précédent : s’il accepte une société aussi faiblement touchée, combien vont demander la même chose ? Élisabeth Jacques confirme : « Mon syndicat à Paris m’a dit que le taux était trop faible. Mais les salariés y croyaient dur comme fer. Ils se voyaient partir à 56 ans. Il faut les comprendre, ils ont commencé à 16 ans un métier difficile. C’est de l’industrie lourde, à feu continu. » HIG Capital soutient cette demande de plan amiante. Au contraire de PHP, qui veut garder le savoir-faire en production, et augmenter les tonnages. À l’annonce du vainqueur, début 2015, la déception est lourde dans les rangs.

Un an et demi plus tard, PHP a tenu globalement ses engagements. Par exemple les créations de poste : « 230 alternants ont été en effet embauchés, dans le but de garder 80 % d’entre eux », souligne Élisabeth Jacques. Les départs contraints ont été limités à 130 personnes, la plupart dans les métiers intermédiaires, mais le souvenir reste douloureux. Ils ont refusé le reclassement en production qui leur était proposé : difficile à 40 ou 50 ans de se retrouver en horaires postés, quand on était commercial ou gestionnaire du parc voitures. Pour Élisabeth Jacques, il aurait été possible d’éviter ces licenciements, par exemple en élargissant la mesure d’âge, 56 ans au lieu de 58 ans avec maintien de 80 % du salaire net. Preuve de cette amertume, une vingtaine d’entre eux ont attaqué Arc international aux prud’hommes pour un problème de calcul de leurs indemnités de départ : six ont remporté le procès en première instance, mais l’entreprise a fait appel.

Une Productivité à améliorer

La production s’est accrue comme promis, de 210 000 à 270 000 tonnes, mais les marges restent faibles. Les syndicalistes partagent la même inquiétude : il faut désormais améliorer la productivité du site, grâce à de nouveaux investissements. Mais sur les 250 millions d’euros promis par un fonds souverain russe, seuls 50 millions d’euros sont arrivés. Ils ont profité de la visite de François Hollande, le 23 novembre dernier, qui a vanté le modèle industriel mis en place, pour demander le soutien de l’État dans cette affaire. La direction d’Arc (le nom de l’entreprise a été abrégé récemment) n’a pas donné suite à nos questions.

Auteur

  • Stéphanie Maurice