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Les attributions gratuites d’actions sur la sellette

Zoom | publié le : 20.12.2016 | Séverine Charon

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Les attributions gratuites d’actions sur la sellette

Crédit photo Séverine Charon

En dépit des assouplissements apportés par la loi Macron en 2015, les attributions gratuites d’actions concernent surtout les entreprises de croissance et sont souvent réservées au management. D’où la polémique actuelle autour de ce dispositif.

Coup de grisou sur les attributions gratuites d’actions (AGA). À la mi-octobre, la commission des finances de l’Assemblée nationale a décidé de tirer un trait sur les avantages octroyés un an plus tôt à cette composante de rémunération.

Tandis que le gouvernement affirmait ne pas vouloir remettre les nouvelles modalités en cause et cherchait à calmer les inquiétudes des grands groupes de l’Association française des entreprises privées (Afep), des entreprises de croissance et des professionnels de la gestion, tous vent debout, les députés PS emmenés par la rapporteure du budget, Valérie Rabault, ont tenu bon. Le 19 octobre, l’adoption de l’amendement des députés PS est venue effacer presque totalement les mesures prises en août 2015 dans le cadre de la loi Macron pour relancer les actions gratuites.

Avec l’allègement de la fiscalité tant du côté patronal que salarial, et un raccourcissement de la durée minimum de détention des titres, l’année 2016 devait sonner le retour en grâce de ce dispositif, qui a ses partisans. « La détention d’actions par les salariés crée une culture entrepreneuriale, explique Philippe Serceau, responsable conseil épargne salariale et retraite chez Amundi. Nous nous en rendons compte lorsque nous animons des réunions d’information avec les salariés. » Cependant, « le salarié n’a pas la même relation avec l’action selon qu’elle est obtenue gratuitement ou pas », nuance Jean-Philippe Debas, président d’Equalis Capital.

Reste qu’en 2016, les AGA destinées à tous les salariés sont souvent le fait d’entreprises de forte croissance, comme Criteo (publicité sur Internet), Showroomprive.com (site internet de ventes privées) ou DBV Technologies (biotech). Ces employeurs de la nouvelle économie ont pu, grâce à la loi Macron, aligner leurs pratiques de rémunération sur celles de leurs concurrents américains. C’est d’ailleurs l’association CroissancePlus, qui fédère les dirigeants d’entreprise en forte croissance et leurs partenaires, qui a le plus bataillé pour le retrait de l’amendement.

Actionnariat du management

Mais ce type d’opération est souvent lié à des événements importants dans la vie de l’entreprise. Ainsi, Showroomprive a accordé cet avantage à l’occasion de l’introduction de son titre sur le marché. Surtout, « l’AGA reste un instrument privilégié pour développer l’actionnariat du management » constate Jean-Philippe Debas.

Au nombre des rares attributions gratuites d’actions de l’« ancienne économie », celle d’Aéroports de Paris (ADP). Fin 2015, le contrat de régulation économique (CRE) – feuille de route de l’entreprise publique cotée pour les cinq années suivantes – est fixé. Dans ce cadre, ADP prévoit une opération exceptionnelle d’actionnariat salarié.

Dispositions Macron

Très opportunément, la loi Macron a permis à l’entreprise d’étoffer les propositions faites aux salariés : en plus d’une offre de souscription préférentielle de titres (20 % de décote et 20 % d’abondement) et de la possibilité d’utiliser l’épargne salariale 2016 avec un abondement de 120 %, douze actions ADP seront distribuées à tous les collaborateurs du groupe ayant plus de trois mois d’ancienneté. Ainsi, tous deviennent actionnaires, contre 61 % au niveau du groupe et 80 % dans la maison mère jusqu’alors.

En plus des dispositions Macron, la reprise d’une provision de 25 millions d’euros liée à la suppression d’un régime de retraite pour les dirigeants a permis de financer l’achat des titres achetés sur le marché et distribués aux salariés, explique Stéphane Gérard, directeur des ressources humaines de l’aéroport Paris-Charles de Gaulle et directeur des ressources humaines des opérations aéroportuaires

Mais globalement, combien d’opérations ont été suscitées par la loi Macron ? Difficile à dire, car les entreprises communiquent peu lorsqu’elles sont réservées à un groupe de salariés ou de dirigants. « Nous avons été régulièrement sollicités par de grands groupes du SBF 120, et de nombreuses résolutions ont été adoptées en assemblée générale pour rendre possible ces opérations, indique Franck Chéron, directeur chez Deloitte France. Celles qui ont été effectivement votées en 2016 ont été plus nombreuses qu’en 2015. »

Selon une étude du cabinet Altedia publiée mi-octobre, 24 % des 73 grandes entreprises interrogées avaient déjà eu recours au dispositif pour tous leurs salariés. Parmi elles, 38 % avait mené une telle opération cette année, contre 31 % un an plus tôt. Difficile de parler de raz de marée.

« Traditionnellement, les AGA sont des opérations élitistes, qui ne concernent qu’une part des salariés, les dirigeants le plus souvent. Mais elles peuvent théoriquement être adaptées à chaque cas, et c’est toujours un bon moyen propice de mettre un coup de projecteur sur la vie de l’entreprise », estime pourtant Philippe Serceau. Selon lui, l’AGA est même plus simple à mettre en œuvre qu’une opération internationale de partage des profits. Les problèmes de réglementation locale, comme en Chine, où il n’est pas possible pour les salariés de détenir des actions, se résolvent. Un dispositif financier comme la création d’actions fantômes (phantom shares) permet en effet aux salariés qui ne peuvent recevoir de titres de l’entreprise de bénéficier du même avantage financier aux mêmes conditions que les autres.

Actions de préférence

Plutôt que dans les grands groupes, c’est dans les entreprises sous LBO (rachat par effet de levier) que la loi Macron a suscité l’enthousiasme et relancé les AGA. Dans ce cas, elles restent réservées à une poignée de dirigeants et constituent un mode de rémunération très attractif, tant du point de vue de l’entreprise que de ceux qui en bénéficient. Grâce à la loi Macron, ces entreprises ont distribué gratuitement des actions dites de préférence qui donnent droit pour un titre à plus de plus-value qu’une action ordinaire. De quoi accorder aux intéressés une rémunération importante dans un cadre fiscal particulièrement attractif.

Certains députés PS ont jugé cet usage excessif, et sans doute trop éloigné des objectifs de la loi Macron, qui visait à développer l’actionnariat salarié, et pas seulement à étoffer les possibilités de rémunération des dirigeants d’entreprise de croissance. Il faudra attendre fin décembre et l’adoption définitive de la loi de finance 2017 pour connaître le sort définitif des actions gratuites.

Un dispositif chahuté

La loi Macron a amélioré le régime fiscal et social des actions gratuites. Elle abaisse la contribution patronale de 30 % à 20 %, supprime la contribution salariale de 10 % et aligne le traitement des plus-values constatées lors de la cession des titres sur celui des plus-values mobilières. Ces plus-values étaient auparavant considérées comme du salaire, et donc taxées comme telles.

Par ailleurs, la période d’acquisition des actions gratuites est réduite à un an (contre deux précédemment), et la durée cumulée de détention des actions gratuites est réduite à deux ans (contre quatre ans précédemment).

Enfin, si le salarié décide d’affecter ses actions gratuites à son PEE, le régime de l’épargne salariale entre en jeu.

L’amendement parlementaire au projet de loi de finances 2017, adopté en octobre en première lecture, revient sur la plupart de ces mesures. La plus-value d’acquisition est à nouveau traitée comme des traitements et salaires, sans abattement pour durée de détention, et la contribution patronale remonte à 30 %.

Seules les PME qui n’ont jamais distribué de dividendes sont dispensées de contribution patronale.

Auteur

  • Séverine Charon