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L’enquête

Vers des démarches de progrès

L’enquête | publié le : 13.12.2016 | V. L.

« La limite de la méthode “cahier des charges et audits de contrôle” utilisée depuis dix à quinze ans a été atteinte », constate Didier Livio, associé responsable de Deloitte Développement durable. Il suggère de passer à une logique de plan de progrès. « Le cahier des charges – sauf pour des questions de sécurité et de spécifications – n’est plus le principal outil de la relation, il faut construire une feuille de route commune inscrite dans un délai long, au minimum trois ans, mais plus généralement cinq ans voire plus », précise-t-il. Les audits servent alors à identifier et à suivre les progrès agréés par les donneurs d’ordre et les sous-traitants. « Ensuite, poursuit Didier Livio, il faut différencier des périmètres d’actions. Par exemple commencer par les fournisseurs qui représentent 60 % à 80 % du chiffre d’affaires et avec qui les relations sont récurrentes, puis passer à un autre cercle, etc. Mieux vaut adopter une logique de progrès dans des relations de confiance plutôt que de fixer des objectifs inatteignables. »

Un des intérêts majeurs de ce type de démarche réside dans le changement de la nature de la relation entre donneur d’ordre et fournisseur : « Il s’agit de construire un plan d’amélioration. Et si des besoins sont détectés par exemple pour mieux lutter contre le risque incendie ou pour intégrer des machines plus ergonomiques, le donneur d’ordre va co-investir avec le fournisseur. Dans le textile, le meuble, l’agro-alimentaire, nous avons constaté les effets positifs de ce type d’approche, adopté par exemple par Maisons du Monde, McDonald’s France et Agromousquetaires. » Marginale en volume pour le moment, cette démarche sera la tendance de l’avenir, selon l’expert.

L’Oréal s’est engagé dans une politique structurée et partenariale de ses relations avec ses fournisseurs et insiste sur le rôle fondamental de ses acheteurs (lire p. 23). Ikea fait respecter un code de conduite social et environnemental (lire p. 24) et accompagne ses fournisseurs. Remarquable pour une PME, qui plus est dans le textile, Armor Lux s’engage dans le même type d’approche (lire p. 25).

De son côté, Fouad Benseddik, directeur des méthodes et des relations institutionnelles de Vigeo Eiris (lire p. 26), souligne que certaines entreprises, allant au-delà de la prévention, « s’engagent dans l’accompagnement de leurs fournisseurs et de leurs sous-traitants dans des démarches de progrès social et environnemental et construisent des plans de progrès avec eux ».

Regroupement

Ces démarches étant coûteuses, un certain nombre de grandes entreprises internationales qui ont les mêmes fournisseurs tentent de se regrouper, par exemple autour de certains standards comme le BSCI (Business Social Compliance Initiative, initiative de conformité sociale des entreprises), explique Didier Livio. Le BSCI aide 1 700 détaillants, marques et importateurs à améliorer les conditions de travail dans des usines et exploitations agricoles du monde entier. Le BSCI et l’Initiative Clause Sociale (ICS), qui représente 20 distributeurs de France et de Belgique, fusionneront dès le 1er janvier 2017.

Originale dans son positionnement, l’ONG RHSF (Ressources humaines sans frontières) mène des actions de terrain auprès des donneurs d’ordre, des sous-traitants, des salariés, et des consommateurs, afin d’améliorer les conditions de travail. Son approche vise à comprendre les causes profondes des situations constatées, en matière de travail indécent, de travail forcé, et de travail des enfants. Exemple : dans les pays comme le Qatar qui imposent d’avoir recours à des agences de recrutement, celles-ci « sont la clé du problème, observe Martine Combemale, directrice fondatrice de RHSF*. Les sous-traitants ne comprennent pas pourquoi il faut les payer et les donneurs d’ordre sont éloignés de ce qui se passe. Mais on aura beau inscrire dans un code de conduite que les travailleurs ne doivent pas payer ces agences, elles font un travail, il faut donc savoir qui va les payer. »

* Propos recueillis lors de la conférence “Droits humains et chaîne d’approvisionnement : quelles pratiques”, organisée par RHSF et AEF Développement durable, le 1er décembre 2016.

Auteur

  • V. L.