logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

La chronique

L’entreprise sublimée ?

La chronique | publié le : 06.12.2016 |

Image

L’entreprise sublimée ?

Crédit photo

Philippe Détrie a créé en 2014 La Maison du Management, dont la raison sociale est de développer un management responsable et entraînant pour l’ensemble des acteurs de la vie économique.

Chacun sait que la matière existe

principalement sous trois états différents : solide, liquide et gazeux et que son état dépend de deux paramètres : la température et la pression. Osons un parallèle entre l’organisation et la matière et remplaçons les deux paramètres par le territoire et la pression du temps.

Les organisations étaient solides comme les menhirs de Carnac

Elles représentaient nos modèles des siècles derniers, ancrées dans leur territoire avec le long terme comme unité de temps. Des organisations structurées, terriennes et tayloriennes, bâties pour durer. Des process bienvenus pour capitaliser savoir et savoir-faire. De la qualité totale.

Le management apporte l’ordre, le travail est bien fait, le salarié est fier de son entreprise.

Les organisations deviennent liquides comme des réseaux d’eau

Au tournant de ce siècle, la mondialisation métamorphose notre société. La chute du mur de Berlin a supprimé les territoires et les frontières, le monde est devenu un village. Le philosophe Gilles Lipovetsky parle d’une « culture monde qui désigne le moment où le capitalisme s’est planétarisé et où le marché est devenu un modèle économique sans véritable alternative ». Le libéralisme coule à flots, tout devient mobile, fluide, horizontal. Le long terme n’existe plus, le mot étranger sort de notre lexique. Les organisations passent de l’état solide à l’état liquide. La grosse entreprise patapouf est condamnée. Les gros ne mangent plus les petits, ce sont les rapides qui mangent les lents.

C’est l’âge des flux qui se partagent, de l’écoute clients pour faire preuve de proximité et de souplesse, de l’intelligence dans l’application des procédures. Les entreprises écrasent leur verticalité et se déplacent vers leurs clients, elles célèbrent la flottille de vedettes agiles plutôt que le lourd paquebot, le banc de poissons plutôt que la baleine.

L’enjeu n’est plus le savoir, mais l’art de naviguer dans le savoir.

Le management apporte le mouvement, le client est satisfait, le salarié s’approprie son travail.

Les organisations seront aériennes comme les mobiles de Calder

Leur émergence est due grâce à l’extraordinaire révolution du numérique et à l’accélération. Après l’abolition de l’espace, celle du temps. Fondations et frontières sont gommées, histoire et géographie sont dépassées.

Un état gazeux se compose de particules désordonnées, espacées, agitées : la matière ne possède ni forme ni volume, elle se diffuse très rapidement et est totalement libre de ses déplacements… ces caractéristiques rappellent étrangement internet, n’est-ce pas ? N’allons tout de même pas jusqu’à léviter dans un état gazeux, même si bon nombre de start-up explosent en plein vol !

C’est bien un tsunami que nous vivons dans nos entreprises. Le virtuel est bien réel. L’instantanéité est reine, l’expansion sans limites, les innovations se multiplient et se copient partout dans le monde et à la vitesse de la lumière. Le marché dorénavant se segmente en deux types d’acteurs : ceux qui se créent ou se transforment à une vitesse ubersonique et les morts.

Le management apporte l’envie, l’organisation est citoyenne du monde, le salarié est un entrepreneur.

Sublime 21e siècle !

Lorsqu’un solide se transforme en gaz, le changement d’état s’appelle sublimation. Bon nombre d’entreprises encore prisonnières de leurs fondations ou ankylosées de leurs structures devraient se sublimer !

Heureuses celles qui rêvent la tête dans les nuages, le cloud leur appartient !

La Culture-monde : réponse à une société désorientée, Odile Jacob, 2008, avec Jean Serroy

Interview d’Henri de Castries, Pdg d’Axa, dans Les Échos du 23 avril 2014 : « Un banc de poissons possède une vraie homogénéité, une capacité à résister aux chocs et à se transformer, contrairement à une baleine, pour qui une seule erreur peut être fatale. »