Jouer entre le réel et la fiction s’imposait pour décrire la vie de ces cyberprolétaires. Ils tirent leur gloire de n’être même plus « branchés » (expression has been) mais « connectés » et presque transhumanisés. Leurs ressources sont cependant moins brillantes puisqu’elles proviennent de bricolages au jour le jour : éphémères directions de start-up, petits boulots sur le net comme fabricant de buzz, référencement d’entreprises, d’hôtels et promotion d’articles ou de vidéos via des commentaires calibrés, etc. Boulots payés à la pige voire au noir ou même au clic et invariablement effectués depuis un petit appartement d’un quartier cool de Paris. L’interlope travailleur du futur zappe d’un outil informatique à l’autre : ordinateur, téléphone, tablette… ; d’un moteur de recherche à tous les réseaux pro et perso possibles. Il se débrouille à l’aise en informatique, touche au marketing, bidonne à page que veux-tu tout ce qui peut se monétiser via le numérique. Bref, il effleure le monde et, bien qu’il se prenne souvent pour un Rastignac des temps modernes, ne le conquiert jamais vraiment. Yves Eudes, grand reporter au Monde, raconte une de ces vies de bric et de broc. Il raconte, dans la foulée, le monde de la netéconomie où l’info ou le service censé aller en direct du producteur au consommateur sont en fait médiés par une série d’acteurs, petits bidouilleurs et grands groupes. Ces derniers effectuant des fortunes en collectant de minuscules données et de petits pourcentages sur tout, partout, avec l’aide multiple, tentaculaire de ces petits collecteurs de trucs en tous genres que sont les premiers.