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Denis Monneuse : Du côté de la recherche

Chronique | publié le : 29.11.2016 | Denis Monneuse

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Denis Monneuse : Du côté de la recherche

Crédit photo Denis Monneuse

La vengeance des faibles

Alors que le harcèlement sexuel au travail a longtemps été un phénomène tabou que les entreprises cachaient et sous-estimaient en faisant la politique de l’autruche, il existe désormais une prise de conscience de la part des DRH : que ce sujet doit être abordé de front. Sous l’impulsion des risques psychosociaux (RPS) et des obligations légales, les entreprises se sont lancées ces dernières années dans des campagnes de prévention à destination principalement des managers ou bien de l’ensemble des salariés. On ne peut donc plus les accuser de fermer les yeux sur ce type de comportement quand il leur revient aux oreilles.

Mais prévenir ne passe pas uniquement par la sensibilisation. La prévention consiste aussi à identifier l’environnement propice au harcèlement sexuel ou, plus largement, à diverses formes de sexisme. C’est ici que la recherche sur le harcèlement sexuel prend tout son intérêt. D’un côté, on pourrait penser que le fait d’avoir du pouvoir augmenterait la probabilité de se livrer à un tel comportement. De nombreux travaux tendent à confirmer cette hypothèse. D’un autre côté, on note que les agressions sexuelles peuvent aussi résulter d’un aveu de faiblesse ou bien de la volonté de reprendre le pouvoir et le contrôle sur une personne. Ce type de situation est par exemple observé dans la violence conjugale.

Pour mieux comprendre le lien entre pouvoir et harcèlement sexuel, Melissa Williams, Deborah Gruenfeld et Lucia Guillory, chercheuses au sein des universités américaines d’Emory et de Stanford, se sont lancées dans plusieurs expériences consistant à placer des participants dans différentes situations de pouvoir et à observer leurs comportements. L’intérêt de leurs travaux est qu’ils mettent en avant le phénomène de gain de pouvoir, c’est-à-dire le comportement de ceux qui n’ont pas l’habitude d’avoir du pouvoir et qui, de manière nouvelle, jouissent d’une situation où ils en ont.

C’est précisément ce type de personnes qui est la plus à même de se comporter de manière sexiste, voire d’être tenté d’aller jusqu’au harcèlement sexuel. L’explication serait la suivante : le fait de manquer de pouvoir à l’accoutumée engendrerait chez eux de la honte et de la frustration. Par conséquent, quand ils accèdent à une position de pouvoir par rapport à des collègues, ils sont tentés d’en profiter ou plutôt d’en abuser, peut-être dans une sorte de vengeance plus ou moins consciente. On notera au passage que les hommes sont plus tentés par des comportements sexistes que les femmes en règle générale, mais que cette tendance d’abuser de son pouvoir quand on n’en disposait pas auparavant est commune aux deux sexes. L’étude fait ainsi écho à une autre recherche présentée dans cette chronique en octobre qui montrait qu’un accès rapide au pouvoir pouvait générer des comportements non éthiques.

Il ne s’agit pas de conclure que le harcèlement sexuel ne proviendrait que de salariés ayant bénéficié soudainement d’un surcroît de pouvoir. On voit par exemple dans le monde politique que l’habitude du pouvoir n’empêche pas des abus. Mais il est opportun de prendre en compte dans une démarche de prévention que l’accès au pouvoir accroît chez certains des tentations malsaines.

Melissa Williams, Deborah Gruenfeld et Lucia Guillory, “Sexual Aggression When Power Is New : Effects of Acute High Power on Chronically Low-Power Individuals”, Journal of Personality and Social Psychology, 2016.

Auteur

  • Denis Monneuse