Spécialité d’Airbus Defence and Space (environ 2 700 salariés), la production de satellites est caractérisée par des cycles relativement courts, allant jusqu’à 20 mois. Devant à la fois faire face « à un marché difficile et à une concurrence accrue » mais aussi à un niveau de commandes exceptionnel, la direction veut inciter ses cadres à travailler plus en complément d’embauches futures. Pour cela, elle a signé avec les syndicats, en juillet dernier, un accord portant sur un « dispositif temporaire d’augmentation du temps de travail des cadres ». L’objectif de ce texte est que les ingénieurs, qui forment la majorité des effectifs de l’entreprise, travaillent 8 jours de plus entre 2016 et 2019 en renonçant au nombre équivalent de jours en RTT. Le nombre de cadres s’étant portés volontaires n’a pas été officiellement annoncé aux syndicats. Selon nos informations, ils auraient été environ un peu plus de 40 % à adhérer.

Ce texte ne modifie pas l’accord sur le statut social signé en 2007, qui fixe à 212 le nombre de jours travaillés. En revanche, il met en place trois types d’incitations pour renoncer à 8 jours de RTT ces quatre prochaines années. Elles reposent toutes sur une majoration supplémentaire de 20 % maximum, en équivalent de salaire ou de jours de congés futurs. Trois options sont possibles : une rémunération dès l’année suivante, le placement de ces jours sur le sous-compte « congé de fin de carrière » du compte épargne temps ou dans un « fonds de modulation ». Ce dispositif, créé dans le cadre de l’accord, a pour effet de bloquer les jours non pris jusqu’en 2020. Il sera ensuite possible de les récupérer jusqu’en 2025, mais dans la limite de cinq jours par an. Autrement, ils seront versés sur le compte épargne temps.

Contactée, la direction n’a pas donné suite à nos demandes d’interview. Mais, selon Thierry Prefol de la CFE-CGC, l’enjeu de l’accord est « de donner un peu d’air » aux cadres de l’entreprise. Ils sont nombreux déjà à ne pas prendre la totalité de leurs jours à cause d’une charge de travail en hausse continue. Une pression qui a été aggravée par un plan social engagé en 2014 ayant abouti au départ de près de 500 personnes, selon les chiffres de la CGT. Le compte-épargne temps étant plafonné à 30 jours maximum, les jours non pris en attente s’accumulent. Selon un sondage interne mené par la CFDT, 48,8 % des cadres travaillent déjà au-delà de leur forfait-jours, en moyenne 6,7 jours de plus par an. Pour faire face au pic de charge actuel, mais aussi pour accueillir les futurs embauchés, il devient nécessaire d’augmenter le temps de travail des cadres déjà en poste, analyse Jean-Pierre Queille, délégué syndical central CFDT.

Contrairement à la CFDT, la CFE-CGC et FO, la CGT n’a pas signé. « Le carnet de commandes est en forte expansion, explique Laurent Vidalenc, délégué CGT sur le site de Toulouse. On ne va pas encourager les gens à ne pas prendre tous leurs jours. » Selon lui, la contrepartie des embauches constitue un trompe-l’œil. Les 150 recrutements prévus en 2018 et 2019, après les 400 embauches de 2016 suivies de 250 en 2017, correspondraient en fait au taux de turn-over naturel de l’entreprise.

La CFDT et la CFE-CGC ne sont pas du même avis. « On a eu une négociation dans laquelle la direction prenait des engagements fermes sur quatre ans, avec suffisamment de garanties sur le volontariat », explique Jean-Pierre Queille. À l’origine, « nous n’étions pas demandeurs », complète Thierry Prefol (CFE-CGC). Le syndicat a accepté de négocier pour obtenir d’autres engagements. L’accord prévoit ainsi l’interdiction d’arrêter les fermetures d’été des sites, de réviser à la hausse les objectifs, renégocier les accords télétravail, et ouvrir une « réflexion » sur la qualité de vie au travail.