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Un accompagnement participatif du changement à la CNAV

Zoom | publié le : 15.11.2016 | Violette Queuniet

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Un accompagnement participatif du changement à la CNAV

Crédit photo Violette Queuniet

Pour prévenir les risques humains liés à ses nombreux projets et réorganisations, la Caisse nationale d’assurance vieillesse a mis en place une démarche globale d’accompagnement du changement. Points forts : la participation des salariés et le dialogue avec les IRP.

Développement des services en ligne, fusion d’agences, mise en œuvre et gestion du compte pénibilité – dont les six derniers facteurs sont entrés en vigueur en juillet dernier… : comme dans beaucoup d’autres entreprises contraintes de se transformer face aux nouvelles attentes de leurs clients, les chantiers s’enchaînent à un rythme soutenu chez le premier organisme de retraite de France. Le tout dans un contexte à fort enjeu RH : renouvellement générationnel très important (chaque année, 300 personnes sont recrutées, soit un dixième des effectifs), objectifs de performance accrus.

Comment la Cnav fait-elle face ? Avec une démarche globale d’accompagnement du changement mis en place par la DRH. « Le rythme des transformations est tel que nous avons souhaité formaliser et asseoir une méthode de conduite du changement afin de garantir une certaine homogénéité, explique Jérôme Friteau, DRH de la Cnav. Nous le faisons aussi dans un objectif de prévention primaire des risques psychosociaux et d’animation de la qualité de vie au travail. Dans notre feuille de route RH, notre conviction repose sur le caractère indispensable de la performance sociale pour atteindre une performance économique. »

Depuis 2014, cette méthode a été appliquée à 15 projets de réorganisation, et la DRH veut la systématiser. En 2015, elle a publié à cet effet un “guide de référence pour l’accompagnement RH des projets” à l’intention des chefs de projet. La démarche consiste en une étude d’impact RH des projets de réorganisation les plus importants. Elle est menée en binôme, associant un représentant RH et un représentant métier (directeur de la structure qui mène une réorganisation, chef de projet…).

Pour chaque chantier à venir, plusieurs éléments sont passés au crible : nature du projet (changement technique, organisationnel, culturel…), durée prévisionnelle, motivation (améliorer la qualité de service, l’efficience, etc.), niveau de coordination, sites géographiques concernés, nombre d’emplois affectés, nombre de personnes par catégorie d’emploi, mobilités fonctionnelles et géographiques envisagées, etc. Cette analyse permet de mettre en place un plan RH approprié (redéploiement, transformations des métiers, etc.).

Des salariés associés

L’étude est menée très en amont afin de pouvoir associer les salariés au changement. Car un des points forts de la méthode est de systématiser les démarches participatives. Ainsi, un groupe de 100 personnes – sur 1 000 salariés franciliens – a été constitué lors de la restructuration de l’offre de service retraite en Île-de-France (le nombre d’agences est passé de 61 en 2011 à une trentaine en 2016). Il a été consulté sur les plans des nouveaux locaux, sur l’organisation de l’activité à l’accueil, etc. Son avis a notamment été pris en compte pour installer des banques d’accueil rehaussées et sécurisées pour prévenir les incivilités.

Le DRH souhaite élargir la participation à tous les salariés grâce au réseau social d’entreprise, lancé en 2015. L’idée est de créer des communautés dans lesquelles l’ensemble des collaborateurs émettront des propositions concrètes. En anticipant mieux les changements, l’étude d’impact RH permet de personnaliser l’accompagnement. Par exemple, avant le déménagement d’une plate-forme téléphonique en Île-de-France, un salarié aveugle a pu, en amont, habituer son chien à reconnaître le nouveau parcours. Du coup, ce projet de déménagement a reçu un avis favorable de l’ensemble des syndicats.

Autre chantier ayant bénéficié d’un accompagnement attentif : la mutualisation sur un seul site, à Marseille, de l’activité de “qualification de l’outil” (tests des nouveaux outils informatiques). Le centre francilien, où travaillaient 40 personnes, a fermé. Tous les collaborateurs concernés qui ne souhaitaient pas partir à Marseille, majoritaires, ont trouvé une solution en interne en se positionnant sur une autre activité.

Une démarche approuvée

Si les syndicats ont voté contre le projet, ils ont reconnu la qualité du soutien RH. « Nous ne pouvions pas approuver une suppression d’activité, mais il est vrai que l’accompagnement RH a favorisé le reclassement des équipes grâce aux échanges collectifs, aux entretiens individuels, aux formations », constate Corinne Marsella, déléguée syndicale centrale CFDT (31 % des voix aux élections de 2015, derrière la CGT à 32 %) et membre du CHSCT.

La déléguée syndicale approuve, par ailleurs, la démarche collaborative mise en place lors des projets de réorganisation. « C’est très constructif et particulièrement bien ressenti par les nouvelles générations de salariés. Nous souhaitons que cette démarche participative soit étendue à tous les projets entraînant des changements physiques et organisationnels. C’est essentiel pour prévenir les risques de démotivation des collègues confrontés à beaucoup de réorganisations et à des conditions de travail souvent stressantes. » Le travail d’accompagnement du changement nourrit en tout cas les réunions avec les IRP. « Cela nous permet d’engager véritablement un vrai dialogue social sur les conditions de travail avec les partenaires sociaux », indique le DRH. La méthode occupe d’ailleurs plusieurs pages du protocole d’accord en cours de négociation sur la qualité de vie au travail (QVT), que le DRH souhaite voir aboutir d’ici la fin de l’année.

Néanmoins, des progrès restent à faire sur la mise en œuvre de l’étude d’impact RH. Sur le papier, elle est censée se faire en copilotage RH-métier. En réalité, c’est encore rarement le cas. Le DRH souhaite systématiser ce partenariat, beaucoup plus efficace. Encore faut-il convaincre les directions métier du bien-fondé de la méthode et démontrer que « perdre un peu de temps dans l’analyse permet d’en gagner dans la mise en œuvre et l’acceptation du projet ». Pour lui, c’est aussi cela, une RH “business partner” : une fonction potentiellement intrusive, qui pose des questions précises aux directions métier, et ce faisant, l’oblige à clarifier ses projets.

Une approche à 360° de la fonction RH

La fonction RH de la Cnav, répartie sur deux sites, compte 90 collaborateurs (services de santé au travail et service social inclus). Pour mener l’accompagnement du changement, le DRH, Jérôme Friteau, ne l’a pas réorganisée, mais souhaite que ses collaborateurs des différents services (recrutement, mobilité, formation…) aient « un regard à 360° » sur les impacts RH. « Nous essayons vraiment de systématiser une approche pluridisciplinaire et collective dans l’analyse des transformations », indique-t-il.

Il a ainsi créé une fonction de responsable de la RSE/QVT, qui travaille sur la conceptualisation de la méthode d’analyse d’impact RH, suit les principaux projets et joue un rôle de relais auprès des experts RH de ces sujets.

Auteur

  • Violette Queuniet