logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

L’enquête

UIMM : Modulation sur trois ans : la métallurgie entrouvre la voie

L’enquête | publié le : 15.11.2016 | Élodie Sarfati

Pendant cinq ans, les entreprises de la métallurgie pourront négocier une modulation du temps de travail sur une période pouvant aller jusqu’à trois ans. Sous l’œil attentif des partenaires sociaux de branche qui devront décider, ensuite, de l’avenir de ce dispositif expérimental.

C’est à l’automne 2015 qu’ont démarré, au sein de la branche de la métallurgie, les négociations sur l’emploi. Avec deux objectifs, expose le délégué général de l’UIMM Hubert Mongon : « Revoir et clarifier les dispositifs relatifs à l’emploi accumulés au cours des années antérieures, et assouplir les modalités d’organisation du travail. » La modulation pluriannuelle du temps de travail était donc « dans le viseur des négociateurs » avant le vote de la loi Travail, une loi indispensable néanmoins pour valider juridiquement la mécanique.

Dans le détail, l’accord sur l’emploi, signé début octobre par quatre syndicats (CFDT, CFTC, CFE-CGC, FO) ouvre la possibilité aux entreprises de la branche de négocier une modulation du temps de travail supérieure à un an et au plus égale à trois ans, afin de mieux coller aux cycles longs de production. À charge pour chaque société d’en déterminer les contours, car l’accord de branche ne dit rien sur les limites hautes et basses de la durée hebdomadaire du travail, le lissage du salaire ou encore les modalités de versement des heures supplémentaires. « Ces questions doivent être débattues au plus près des besoins, d’où le champ libre laissé aux partenaires sociaux des entreprises », explique Hubert Mongon. Une liberté également assumée par Philippe Portier, secrétaire général de la CFDT Métallurgie : « J’ai toute confiance dans les équipes syndicales d’entreprises pour qu’elles négocient les contreparties nécessaires. »

Période d’expérimentation

De fait, abonde Frédéric Homez, secrétaire général de FO Métaux, « ces accords devront être majoritaires. De plus, l’accord de branche précise que les négociateurs en entreprise examineront “tout élément ou contrepartie de nature à faciliter un compromis entre l’intérêt de l’entreprise et celui des salariés”. Ce qui permettra notamment de discuter des créations d’emplois, de la rémunération ou encore des conditions de travail ». Surtout, insiste-t-il, cette nouvelle flexibilité n’est pas encore gravée dans le marbre. Car l’accord instaure une période d’expérimentation de cinq ans. Entre-temps, la branche passera en revue chaque année les accords d’entreprise, dont elle dressera un bilan « quantitatif et qualitatif », six mois avant l’échéance quinquennale. Et ensuite ? « Si les contreparties sont insuffisantes, nous ne renouvellerons pas ce système », prévient Frédéric Homez. Soulignant l’originalité de cette démarche expérimentale dans le paysage social français, Hubert Mongon pense pour sa part que cette modalité « a vocation à se développer ».

Outre les contreparties, la branche pourra aussi mesurer l’effet de cette modulation longue sur l’emploi. Avec le pari de « réduire le recours à l’intérim et donc la précarité de l’emploi », reprend Philippe Portier. « La modulation sur trois ans permettra de donner la priorité à l’emploi pérenne et de s’appuyer davantage sur les compétences internes des salariés », ajoute Hubert Mongon. Des effets vertueux auxquels ne croit pas David Meyer, responsable du secteur revendicatif de la CGT Métallurgie, non-signataire : « Il n’y a aucun engagement visant à réduire la précarité de l’emploi. Près de 9 % des effectifs (ETP) de la branche sont des intérimaires ; moduler davantage le temps de travail n’y changera rien. Quant à éviter le chômage partiel, il y a d’autres solutions, comme une meilleure organisation de la production avec un lissage sur l’année, et une meilleure collaboration entre donneurs d’ordres et sous-traitants. Enfin, quels seront les effets de ces rythmes sur les cadences, les conditions de travail, la rémunération, puisque l’accord de branche ne définit aucun verrou ? »

Reste à voir, avant cela, si les entreprises s’empareront ou pas de cet outil. Il pourrait peut-être trouver sa place dans l’automobile, l’aéronautique, la construction navale ou ferroviaire… « Il y a une véritable demande, affirme Hubert Mongon, même si le système nécessite beaucoup de réglages, parce qu’il faut adapter le temps de travail à chaque secteur de l’entreprise. » Frédéric Homez tempère : « Si l’activité de l’entreprise décline, et que les périodes hautes ne permettent pas de compenser les périodes basses, cela pourrait coûter cher à l’entreprise. » Entre la modulation annuelle, l’intérim et l’activité partielle, il est vrai que les outils de flexibilité, déjà, ne manquent pas.

AVANT LA LOI TRAVAIL

Le temps de travail pouvait être modulé par accord d’entreprise ou de branche sur une période maximale d’un an.

AUJOURD’HUI

Le temps de travail peut également être aménagé par accord d’entreprise sur une période supérieure à un an et de trois ans au plus, si un accord de branche l’autorise. [L3121-44].

Auteur

  • Élodie Sarfati