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Collaboratif : Manager dans une entreprise coopérative : qu’est-ce que ça change ?

Les clés | publié le : 08.11.2016 | Sabine Germain

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Collaboratif : Manager dans une entreprise coopérative : qu’est-ce que ça change ?

Crédit photo Sabine Germain

Paré de toutes les vertus économiques et sociales, le modèle coopératif n’est pas toujours facile à gérer pour les managers de terrain qui doivent apprendre à passer de l’autorité à l’animation d’un collectif.

Après quatre années difficiles qui auraient pu aboutir à un dépôt de bilan, Reprotechnique a connu une renaissance en adoptant le statut coopératif en juillet 2013 : les 45 salariés sont devenus actionnaires de cette PME de Colombes (92) spécialisée dans la reprographie. « Du jour au lendemain, tout a changé », se souvient Olivier Crus, son président-directeur général qui avoue avoir découvert le monde coopératif quand il s’est mis en quête de solutions pour sauver l’entreprise.

Il n’avait donc pas vraiment eu le temps d’idéaliser l’impact qu’aurait ce nouveau statut sur le management de ses équipes. Mais les faits sont là : « L’actionnariat 100 % salarié a suscité de nouvelles attitudes. Nous sommes dans un processus d’innovation permanente qui découle d’une plus forte implication de tous. Néanmoins, nous restons une entreprise dont le but est de gagner de l’argent, loin de l’image romantique que l’on peut avoir des communautés ouvrières. » De fait, les sociétés coopératives ne sont pas tout à fait des entreprises comme les autres : « La légitimité y est collective, explique Stéphane Jacquet, ingénieur en formation, chargé de la veille au Creg (centre de ressources en économie et gestion de l’Education nationale). Ce qui fonde l’autorité d’un manager, c’est que les autres ont voté pour qu’il le soit. »

Animateur d’équipe

Cela en fait-il un manager différent ? « Les fondamentaux restent les mêmes », tempère Jacques Cottereau, vice-président de la Confédération générale des Scop (Sociétés coopératives et participatives), en charge de la formation et de l’innovation sociale. Un manager reste un être humain, avec sa personnalité : « Il peut être plus ou moins empathique, plus ou moins participatif dans une Scop comme ailleurs !, poursuit Jacques Cottereau. Mais le fait qu’en moyenne 80 % des salariés soient aussi des associés change forcément la donne. Le manager doit passer d’une position d’autorité à celle d’animateur d’équipe. »

Paradoxe : le modèle coopératif est particulièrement développé dans une France où « la culture hiérarchique reste très forte », observe Stéphane Jacquet. Le passage d’un rapport de surbordination à une relation de coopération n’est pas toujours facile : « Le manager doit accepter de partager les décisions stratégiques », explique Jacques Cottereau. Mais il doit aussi savoir trancher, au risque de « perdre toute crédibilité s’il attend l’avis de son comité directeur avant de prendre une décision », sourit Stéphane Jacquet.

Si la dynamique collective ne se met pas en place, l’équipe fonce droit sur les deux écueils de l’économie sociale et solidaire : s’enliser dans des débats sans fin ou, au contraire, revenir vers une forme d’autoritarisme non assumé avec, en toile de fond, « la croyance que tout va bien puisqu’on est une coopérative », explique Stéphane Jacquet.

Projet d’entreprise

Pour éviter de tomber dans cette forme de pensée magique, Stéphane Jacquet conseille de revenir aux fondamentaux : « Quelle est la vocation de l’entreprise ? Pourquoi a-t-elle adopté le statut coopératif ? Les deux sont souvent liés et fondent le projet d’entreprise. Il ne faut donc pas hésiter à s’y référer et savoir célébrer ses réussites en rappelant en quoi elles sont liées aux valeurs coopératives. »

La démarche n’a rien d’inné : elle doit être pensée en amont, par la formation des managers. La Confédération générale des Scop a créé un Diplôme universitaire « Management coopératif » à Dauphine : « Nous avons ainsi formé et accompagné une centaine de managers dans leur prise de fonction », explique Jacques Cottereau.

L’acculturation de tous les collaborateurs au modèle coopératif est aussi nécessaire. Jacques Cottereau se souvient du cas d’un dirigeant désireux de transmettre l’entreprise de mécanique qu’il avait fondée à ses collaborateurs, « convaincu que ces derniers seraient enthousiastes ». Les premières réunions lui ont fait l’effet d’une douche froide : « Il a fallu faire mûrir la décision, aider les salariés à s’emparer du projet et à convaincre leur famille de son bien-fondé. Pour des ouvriers spécialisés, l’idée d’investir dans sa boîte n’est culturellement pas évident. »

Une fois ces barrières surmontées, l’histoire ne fait que commencer : l’enthousiasme des débuts peut vite retomber. A fortiori si l’entreprise a adopté, comme Reprotechnique, le statut coopératif après des années très difficiles : la mobilisation des premiers mois peut vite laisser place à de la fatigue ou de l’abattement, notamment si les résultats attendus ne sont pas au rendez-vous. Mais ce peut aussi être l’occasion de prouver concrètement les vertus du modèle coopératif : « En période de crise, les entreprises coopératives examinent plus volontiers des solutions alternatives (une baisse transitoire de salaire, par exemple) permettant d’éviter un plan social », observe Jacques Cottereau. C’est aussi l’occasion de faire la preuve concrète de leurs vertus.

Les conseils du coach

Guy Grochowski

Coach de dirigeants et d’équipes

–1– Revenir aux fondamentaux du management

Le leadership est un équilibre entre trois niveaux de confiance : le niveau de confiance que le manager a en lui-même et le niveau de confiance qu’il entretient avec son équipe et avec ses actionnaires. Dans une entreprise classique, l’équilibre se trouve au cœur de ce triangle. Mais dans une coopérative, le management, l’actionnariat et les salariés se confondent : l’équilibre repose donc plus qu’ailleurs sur le leadership, la compétence et l’exemplarité managériale.

–2– Jouer la carte du collectif

L’éventail salarial et hiérarchique étant plutôt moins ouvert que la moyenne, les leviers de la motivation sont moins nombreux. La légitimité du manager repose donc avant tout sur sa capacité à créer du collectif et à susciter de l’adhésion autour de projets communs.

–3– Clarifier les relations

Compte tenu de leur histoire, les relations interpersonnelles sont souvent plus informelles, voire amicales, que dans les entreprises classiques. Ce qui peut générer des biais relationnels. Pour éviter de tomber dans ce travers, il faut que les relations hiérarchiques et de travail soient extrêmement claires : un manager coopératif reste un manager. Son leadership est donc déterminant.

Auteur

  • Sabine Germain