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L’enquête

Ce qu’elles ont fait : Construire de bons usages

L’enquête | publié le : 08.11.2016 | V. L.

Suivi du volume des courriels, sensibilisation et responsabilisation des salariés aux bonnes pratiques d’utilisation des messageries professionnelles… Certaines entreprises ont anticipé le droit à la déconnexion et se sont lancées dans une régulation des usages adaptée à leur contexte. Exemples.

Areva, un suivi temporel des e-mails

Areva avait conclu un accord sur la qualité de vie au travail en 2012, intégrant différents items, dont celui du droit à la déconnexion. L’entreprise y affirme que les nouvelles technologies de l’information et de la communication ne doivent pas devenir le mode habituel de management. De plus, le texte prévoit le respect du temps de vie privée du salarié et restreint l’envoi de courriels en dehors des heures habituelles de travail. Concrètement, sauf cas exceptionnel, si un salarié reçoit un e-mail en dehors de ses heures de travail, il est considéré l’avoir reçu le lendemain matin ou bien le lundi à 8 heures s’il est envoyé le week-end. Un salarié n’a pas à y répondre.

« Nous avons diffusé des outils de communication, accessibles sur notre Intranet. Il s’agit d’autocollants avec le message « Le soir, le week-end, je me déconnecte », détaille Philippe Thurat, directeur de la stratégie sociale et diversité New Areva. Nous avons aussi réalisé des présentations afin de sensibiliser le management à ce sujet. Parallèlement, nous avons mis en place un suivi temporel des e-mails, en calculant le pourcentage des messages envoyés hors temps de travail, avant 7 h 30 et après 20 heures, ainsi que les jours non ouvrés. » Résultats ? Au deuxième semestre 2012, 22 % à 23 % des courriels étaient envoyés hors temps de travail, mais en 2015, ce pourcentage a diminué à 11 % et depuis le début de l’année 2016, il oscille entre 11 % et 13 %. « Mais dans ces 13 %, il faut compter le cas des échanges réalisés par les équipes internationales. Pour le moment, nous ne disposons pas d’un maillage plus fin qu’Areva France. Il serait intéressant de recueillir des données à l’échelle d’une business unit ou d’un établissement. Peut-être reverrons-nous ce sujet à l’occasion d’une renégociation de l’accord QVT, certainement l’année prochaine. » V. L.

L’Oréal, pas de mesures globales, du pragmatisme

Sur la mise en œuvre du droit à la déconnexion, L’Oréal milite pour un équilibre entre le maintien de la flexibilité qu’offrent les outils, la préservation de la liberté de chacun de les utiliser et la limitation des excès quand il y en a. Le groupe de cosmétique se refuse ainsi à adopter des mesures globales. « Mesurons d’abord pour voir s’il existe une problématique de surcharge numérique, de débordement du travail sur la vie privée, suggère Emmanuelle Lièvremont, directrice santé et qualité de vie au travail au sein de la direction des relations sociales de L’Oréal France. Et là où localement il y a des dérives, regardons ce qu’il est possible de faire. »

Mesure de l’activité

Ainsi, depuis trois ans, L’Oréal dispose d’un logiciel qui mesure de façon anonyme l’activité des messageries. « Pendant trois ou quatre mois, nous mesurons tous les jours le volume des e-mails émis et reçus de provenance interne et externe, et nous recueillons leur heure d’arrivée, de départ, 24 heures sur 24, week-end inclus, précise la directrice. Notre démarche est factuelle, et vise à déterminer quels sont les usages pour aider les salariés à les corriger sur le fond, si nécessaire. Par exemple, il peut arriver que des services soient engorgés car ils sont en copie de nombreux e-mails. Il faut alors construire de nouvelles pratiques. » Le premier vendredi du mois est également une journée sans e-mails dans une des entités du groupe. Une initiative qui n’est pas forcément transposable ailleurs. V. L.

La poste, un temps de déconnexion de référence

Avant même la loi, La Poste a intégré le droit à la déconnexion dans un accord majoritaire sur l’égalité professionnelle signé en juin 2015, dans un chapitre consacré à l’équilibre entre temps professionnel et vie privée. Seul un postier sur deux possède une adresse e-mail à ce jour, soit tout de même 100 000 personnes. « Nous avons fixé des règles : chacun a le droit de ne pas répondre aux e-mails en dehors de ses heures de travail et il doit aussi s’abstenir de solliciter son équipe ou ses collègues, énonce Florence Wiener, directrice de la stratégie sociale et de la qualité de vie au travail du groupe La Poste. Ces principes s’appliquent sauf cas d’urgence exceptionnelle définis : la santé d’un collaborateur, l’intégrité des biens et des personnes, la continuité de service. L’envoi d’un dossier de travail ne rentre pas dans ce cadre. » Par ailleurs, comme l’entreprise fonctionne 24 heures sur 24, elle a fait le choix de ne pas bloquer les serveurs. « Nous préférons faire appel à la responsabilité des postiers, souligne la responsable. Un temps de déconnexion de référence est défini entre 20 heures et 7 h 30, du lundi au vendredi, ainsi que le samedi et dimanche, et les jours fériés. Les personnels en horaires atypiques définissent leurs propres plages de déconnexion. »

Recommandations

Toutefois, il peut arriver qu’un postier envoie un message à un collègue n’ayant pas les mêmes horaires, c’est pourquoi des usages sont recommandés. Le premier : intégrer dans la signature de l’e-mail un message du type « si vous recevez cet e-mail en dehors de vos heures de travail, vous n’avez pas à y répondre immédiatement sauf urgence exceptionnelle ». Le second : différer l’envoi de son message si l’on sait que le récepteur ne travaille pas. Et enfin, un troisième usage mis en place en novembre : si un postier rédige un e-mail pendant son temps de déconnexion, un pop-up s’affiche lui rappelant le principe du droit à la déconnexion et propose de différer l’envoi, ou de confirmer si cela est nécessaire. La Poste envisage également de sensibiliser au bon usage de la messagerie. V. L.

Société générale, accompagner la distribution de tablettes

Dans le groupe Société générale, le sujet de la déconnexion s’est posé lorsque la banque a décidé, en 2014, de distribuer à 60 000 collaborateurs – quel que soit leur métier et leur niveau hiérarchique – une tablette leur permettant de se connecter à distance à tout moment. Parallèlement, des modalités de travail facilitant la mobilité se sont développées : le télétravail concerne aujourd’hui 4 500 personnes ; et les 5 000 salariés en cours de transfert à Val-de-Fontenay (94) depuis septembre – les derniers transferts sont prévus fin décembre – travailleront en flex office. Une charte d’utilisation, que le salarié doit approuver, a accompagné la diffusion de la tablette, mentionnant clairement : « En dehors de mon temps de travail habituel, je ne suis en aucun cas tenu de prendre connaissance des messages qui me sont adressés ou d’y répondre. » Le document précise aussi que si, pendant cette période, le salarié répond à son initiative aux e-mails, le temps passé ne sera pas considéré comme du temps de travail.

L’affirmation du droit à la déconnexion avait été incluse dans l’accord sur les conditions de travail de mars 2015. Et le troisième accord sur le télétravail – d’une durée indéterminée –, signé le 19 octobre à l’unanimité, indique dans son préambule que les parties souhaitent « renforcer le principe du droit à la déconnexion de chaque salarié en en précisant notamment les modalités. » Le texte reprend les éléments mentionnés dans la charte d’utilisation des tablettes.

« Nous comptons sur la responsabilisation des managers, souligne André-Guy Turoche, responsable réglementation et négociations sociales du groupe Société générale. Et nous n’avons constaté aucun débordement ces trois dernières années. Nous n’avons reçu aucune remontée des organisations syndicales. Mais pour les RH, cela demeure toujours un sujet de vigilance. » V. L.

Auteur

  • V. L.