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L’enquête

Allemagne : Une plus grande autonomie pour les salariés

L’enquête | publié le : 08.11.2016 | Marion Leo

Dans un premier temps, les grandes entreprises allemandes ont mis en place des dispositifs différents pour accorder aux salariés un droit à la déconnexion. Mais, aujourd’hui, leurs modèles se ressemblent. Ils octroient tous une grande part de responsabilité aux collaborateurs.

Comment protéger les salariés contre les méfaits avérés d’une disponibilité permanente rendue possible par l’usage généralisé des smartphones et des tablettes sans pour autant les empêcher de profiter de la flexibilité offerte par ces appareils en termes de lieux et de temps de travail ? Plusieurs grandes entreprises allemandes ont tenté de résoudre cette difficile équation en signant des accords d’entreprise novateurs avec leur comité d’entreprise.

Fin 2013, BMW a négocié un accord d’entreprise sur le temps de « travail mobile », effectué hors entreprise, qui introduit un droit à la déconnexion. « Nous voulions renforcer la motivation des collaborateurs et améliorer leurs résultats en leur permettant de travailler là où ils voulaient et quand ils voulaient », explique Jochen Frey, porte-parole de l’entreprise. « Mais pour éviter que cette flexibilité ne débouche sur un travail sans fin, nous avons instauré un droit à la déconnexion. Les gens ont besoin de se reposer pour rester performants. »

Concrètement, le salarié se met d’accord avec son supérieur sur des périodes de travail mobile. En dehors de ces plages horaires, il ne doit pas être joignable. « Ce n’est pas un système rigide », précise Jochen Frey. « Si quelqu’un veut consulter ses e-mails en dehors des périodes fixées, nous ne pouvons pas l’en empêcher. Nous ne coupons pas les serveurs. » Selon lui, la mise en œuvre de l’accord s’est faite sans grandes difficultés mais elle a nécessité du temps et un grand effort de formation, notamment des cadres. Car le travail mobile exige une nouvelle culture du management qui ne privilégie plus le temps passé en entreprise mais les résultats. « Les responsables doivent également avoir confiance dans le fait que leurs collaborateurs vont effectuer leur travail. »

Formations

Lors des formations, on leur apprend aussi à être des modèles, à ne pas envoyer d’e-mails le soir ou le week-end afin que les salariés ne soient plus incités à regarder leurs courriels durant leur temps libre. Les salariés eux aussi ont suivi des formations d’ordre technique pour apprendre à utiliser le système, mais aussi pour respecter les normes de santé et d’ergonomie à domicile. Aujourd’hui, BMW tire un bilan positif. Environ 60 % des salariés pouvant travailler en dehors de l’entreprise, soit la moitié des 84 000 salariés en Allemagne, ont recours au dispositif. Selon Jochen Frey, ils sont davantage satisfaits et parviennent à mieux concilier vie professionnelle et vie privée.

Daimler a opté pour un dispositif plus radical. Depuis 2014, les 100 000 salariés du constructeur automobile peuvent utiliser un programme – Mail on holiday – qui efface tout simplement les e-mails reçus durant les vacances après en avoir informé l’auteur. Ce dernier est invité à recontacter la personne à son retour et à prendre contact, en cas d’urgence, avec un suppléant. « Il s’agit d’une offre de l’entreprise dont l’usage est volontaire », souligne Silke Ernst, porte-parole du CE central de Daimler, qui précise qu’elle ne fait pas l’objet d’un accord d’entreprise. « Nous ignorons combien de personnes ont recours à ce programme, car il n’y a pas de données sur son utilisation », poursuit la représentante des salariés. Le CE central soutient pleinement le dispositif mais au final chacun doit prendre sa propre décision, ce qui n’est pas toujours facile. Car selon elle, certains salariés ont peur de rater des informations clés ou n’ont pas de suppléant ou encore redoutent de froisser un client.

En parallèle, la direction et le CE central viennent de signer un tout nouvel accord d’entreprise sur le travail mobile qui entrera en vigueur le 1er décembre prochain. La particularité de cet accord tient dans l’implication des salariés, étroitement associés à son élaboration. Début 2015, l’entreprise a questionné ses 82 000 collaborateurs dans un grand sondage en ligne. Elle a reçu 33 500 réponses et un message très clair : 80 % des effectifs se sont prononcés en faveur du travail mobile. Les réponses ont été ensuite analysées par les salariés eux-mêmes lors d’ateliers organisés sur chaque site Outre-Rhin. Comme chez BMW, l’accord confère à tous les salariés un droit au travail mobile (dans la mesure où cela est compatible avec leur activité) et un droit à la déconnexion. Chaque salarié s’accorde avec son supérieur sur la durée, le moment et la fréquence du travail mobile. En dehors de ces périodes, il ne doit pas être joignable. Mais il peut également fixer avec son supérieur des plages horaires où il reste disponible dans le cadre de grands projets. Le salarié doit veiller lui-même à respecter les limites imposées par la loi sur le temps de travail. Selon Silke Ernst, cet accord octroie aux salariés une grande autonomie, conformément aux souhaits qu’ils avaient exprimés dans le sondage.

Volkswagen a choisi une autre voie. Depuis 2011, les serveurs n’envoient plus d’e-mails professionnels aux salariés non cadres entre 18 h 15 et 7 heures. Mais l’entreprise s’est dotée elle aussi cet été d’un accord sur le temps de travail mobile, qui ressemble fort à celui de BMW, d’Audi, de Bosch ou encore de Daimler.

Auteur

  • Marion Leo