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Sur le terrain

Temps de travail : Michelin facilite la flexibilité par accord de site

Sur le terrain | publié le : 18.10.2016 | Laurent Poillot

L’usine de pneus poids lourds Michelin de La Roche-sur-Yon applique depuis le 3 octobre l’accord de « réactivité » validé par 71 % des salariés. Direction, syndicats et collaborateurs ont échafaudé un programme de 80 actions à mettre en place jusqu’en 2020.

L’accord de compétitivité que Michelin avait conclu pour son site de Roanne en mai 2015 (lire Entreprise & Carrières n° 1242 du 26 mai 2015), connaît une nouvelle déclinaison à La Roche-sur-Yon. Dès le 3 octobre, l’usine vendéenne de 730 salariés va mettre en œuvre les mesures de « réactivité » adoptées dans son accord d’établissement du 2 février 2016, signé par SUD et la CFE-CGC.

L’usine pourra fonctionner 7 jours sur 7 au lieu de 5,5 jours hebdomadaires, du lundi au samedi jusqu’à 13 heures. Elle passe d’une organisation du travail en 3 x 8 à 4 x 8, avec possibilité de travailler jusqu’à 16 dimanches par an. La capacité de production annuelle de pneus poids lourds passera à 1,2 million de pièces, contre 800 000 jusqu’ici.

L’activité du pneu poids lourd est caractérisée par des pics de saisonnalité : activité basse d’octobre à décembre, et haute de juin à septembre. La direction a demandé à « désactiver » des jours dans les moments creux, durant lesquels les salariés ne viennent pas travailler, et de programmer des dimanches « activés » quand le carnet de commandes le nécessite. Au-delà d’une programmation établie une fois par an et soumise au comité d’entreprise, il sera possible de mobiliser deux équipes supplémentaires le dimanche – ou, au contraire, de freiner la production – avec un délai de prévenance de trois semaines. Ce délai sera de trois mois si le site doit activer une troisième équipe supplémentaire le dimanche.

Des contreparties salariales

Plusieurs contreparties sont offertes : une diminution concomitante de 17 jours de travail par an et un salaire sensiblement supérieur pour les ouvriers qui travaillaient 215 jours par an en 3 x 8, un plan d’embauches visant 100 créations nettes d’emploi jusqu’en 2019. Le tout accompagné d’un plan d’investissement de 60 millions d’euros pour moderniser l’outil de production et réaménager les lieux de vie d’ici à 2020. Ces dispositions figurent dans un pacte intitulé Skipper 360° qui prévoit, globalement, près de 80 actions.

« Nous avons adopté la même méthode qu’à Roanne, mais avec quelques ajustements », commente le directeur du site, Miguel Gimenez de Cordoba, qui a conduit les négociations. Il a choisi d’impliquer tout le personnel dans les consultations lancées dès la fin 2015 autour de neuf thèmes d’amélioration (gestion des seniors, gestion des carrières, santé-sécurité, organisation du travail, intégration du personnel, qualité managériale, formation, QVT et communication). Les groupes de travail ont associé près de 100 salariés et représentants du personnel, sans distinction entre syndicats signataires (SUD et CFE-CGC) et non signataires (FO, CGT) des mesures de flexibilité.

Propositions validées

« Les propositions devaient toutes être validées par les organisations syndicales, insiste Miguel Gimenez Cordoba. Nous continuons de nous réunir une fois par mois pour suivre la mise en place des actions. » Par exemple : l’identification de nouveaux postes et des aménagements d’horaires à proposer aux seniors, la mise au point d’outils de communication sur le covoiturage ou l’activité physique, etc.

À la fin du printemps 2015 et à l’automne 2016, le directeur de l’usine a organisé deux voyages d’études pour les syndicats et les managers, afin qu’ils s’inspirent du modèle de cogestion du site allemand d’Hombourg, près de la frontière, et de la culture de compromis du site d’Aranda de Duero, en Espagne. Ces deux sites ont recours à des mesures de flexibilité.

S’agissant de l’accord de réactivité, près de 90 % des salariés avaient répondu à la consultation demandée par les syndicats. Le taux d’adhésion s’est élevé à 71 % (63 % à la production), moins qu’à Roanne (95 %).

Jean-Michel Gilles, secrétaire général CGT de Michelin, parle quant à lui d’un chantage à l’emploi : « L’accord de flexibilité a été discuté entre les directions du site, de Michelin Europe et du siège social, assure-t-il. Leurs membres ont exercé un chantage à l’emploi au cours de leurs différentes visites d’usine. On nous disait, en substance, que, si nous ne trouvions pas d’accord de flexibilité, il n’y aurait plus d’investissement à la Roche-sur-Yon. » Pour lui, « la mise en place de la nouvelle organisation du travail ne va pas aider l’entreprise à attirer les candidats de la région ».

Auteur

  • Laurent Poillot