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N’est pas leader qui veut

La chronique | publié le : 18.10.2016 |

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N’est pas leader qui veut

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Philippe Détrie a créé en 2014 La Maison du Management, dont la raison sociale est de développefr un management responsable et entraînant pour l’ensemble des acteurs de la vie économique.

Bien sûr, tous les formateurs vous le diront,

si on ne naît pas leader, on peut le devenir ! Balivernes et billevesées. L’expérience montre très rarement qu’un manager est devenu un leader grâce à un apprentissage formel. Les deux ressorts du leadership me semblent l’inné et la situation. L’inné, parce que sont primordiales la confiance en soi et en sa vision, la détermination naturelle d’aller de l’avant, le courage, la ténacité. La situation, parce que c’est elle qui révèle les grands résistants, ceux qui disent non, ceux qui, à un moment bien précis où ils sentent qu’ils ne peuvent plus continuer à subir, s’engagent corps et âme au point d’incarner une autre voie qui semblait impraticable. La citation de Marck Twain est célèbre : « Ils ne savaient pas que c’était impossible, alors ils l’ont fait. »

Les grands leaders sont morts

Qu’entend-on aujourd’hui par leader ? On évoque des figures charismatiques, des meneurs, des chefs de file comme Moïse, Churchill, Gandhi, Mandela… Ils sont exemplaires par la puissance créative de leur mise en mouvement et par leur contribution au bien commun.

Ces leaders sont finalement des produits de l’histoire, une fois leur réussite sociale ratifiée. Comme pour la sanctification, le postulant doit être mort pour être sûr qu’il ne faillira pas à sa future légende, à part quelques autoproclamés comme Fidel Castro. Car aujourd’hui, pour valoriser les figures emblématiques du management telles que Bill Gates, Steve Jobs, Mark Zuckerberg, Elon Musk (vivement des femmes !), on parle d’entrepreneurs. Ou pour les pas encore célèbres, de startuppers. Le mot leader disparaît, éculé à force d’être ressassé, et commence à connaître le sort des mots chef ou patron. Même le leader d’opinion est déjà “rancardisé” par l’influenceur.

Restons les pieds sur terre

Les pauvres managers que nous sommes, qui voulons à notre niveau faire évoluer notre petit monde, sommes loin d’être des visionnaires exceptionnels, qui attendraient une situation de crise pour se révéler gourous ou héros. Ça se saurait ! Les exhortations au leadership restent bien sûr pertinentes. Mais le manager est souvent présenté comme un modèle dépassé, et le leader l’idéal à poursuivre. Or un manager n’est pas que leader : c’est un de ses cinq rôles(1). Le leadership reste pour nous une des composantes du management. C’est la capacité à entraîner ses collaborateurs vers un objectif commun sans utiliser de sanction ni de promesse : l’art de les dynamiser, de spectateurs à acteurs, de mettre en mouvement.

L’évolution du rôle du manager

Ce qui change est l’effacement du leadership charismatique au profit d’une conduite des équipes proche et empathique. Un manager ne tire pas ses collaborateurs, comme si tirer sur une plante la faisait grandir. Il les pousse vers un projet collectif et vers leur épanouissement professionnel. Il les inspire plus qu’il ne les influence. Parler de leadership partagé ou participatif montre bien la fin des capitaines solitaires franchissant le pont d’Arcole ou de révolutionnaires ouvrant une nouvelle voie par leur seule présence. Le manager fait partie de l’équipe, il n’est ni devant ni au-dessus ni à côté, il est au centre. Il n’est rien sans ses équipiers qu’il accompagne, stimule et fédère en permanence.

Du héros au “capabiliseur”

Les mots pour désigner ce nouveau leadership cherchent leur chemin. On cite souvent le leadership-serviteur(2), le communityship ou le followership, l’enabler … Proposons le néologisme “capabiliseur”, proche de catalyseur, tout droit issu de capability, du Prix Nobel d’économie Armatya Sen : « Développer les capacités de chacun à convertir ses ressources en libertés réelles. » Le manager épanouit ainsi le potentiel professionnel de chacun en réalité stimulante et crée l’envie de le suivre. C’est d’ailleurs notre définition du management : « L’art d’animer une équipe pour atteindre les objectifs attendus et de permettre à chacun de progresser. » Le second volet devient essentiel.

Le leader réussit, le « capabiliseur » fait réussir. Vos collaborateurs préféreront certainement travailler avec le second !

(1) Les cinq rôles du manager : pilote, animateur, coach, contributeur, leader. Se reporter au référentiel en open source : www.lamaisondumanagement.com/notre-referentiel

(2) Robert K. Greenleaf, The Power of Servant Leadership.