logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

L’enquête

Droit du travail : Negociations : Ce que change la loi travail

L’enquête | publié le : 11.10.2016 | E. F.

Image

Droit du travail : Negociations : Ce que change la loi travail

Crédit photo E. F.

La loi Travail du 8 août 2016 réforme tous les moments de la négociation d’entreprise. Plusieurs dispositions, techniques de prime abord, vont modifier en profondeur les pratiques des DRH et des syndicats. Explications.

Les entreprises ne négocieront plus exactement après la loi du 8 août 2016 comme elles le faisaient jusqu’ici. Sur les 244 pages que compte le texte, une trentaine (articles 15 à 23) concernent principalement la négociation d’entreprise. Elles en forment le nouveau droit commun, qui s’applique à toutes les négociations d’entreprise, y compris celles relatives à la durée du travail et aux congés. Huit dispositions changent la donne pour les DRH et les syndicats : les accords de méthode pour définir le calendrier des négociations ; la primauté de l’accord à durée déterminée ; la publicité des accords collectifs ; les nouvelles règles de révision, de dénonciation et de mise en cause des accords ; la fin des avantages individuels acquis ; la généralisation progressive de l’accord majoritaire (lire p. 21 à 25). Le statut des accords de groupe sera abordé dans un article ultérieur.

« Ces dispositions techniques ont moins défrayé la chronique que celles sur le licenciement économique ou sur la primauté de l’accord d’entreprise en matière de temps de travail, analyse Stéphane Béal, patron du département droit social du cabinet d’avocats Fidal, par ailleurs président de la commission juridique de l’ANDRH. Mais elles vont changer beaucoup de choses pour les praticiens. » La plus connue est sans doute la généralisation des accords majoritaires. C’est la contrepartie de la primauté de l’accord d’entreprise sur les questions de temps de travail. Mais, pour obtenir les signatures de syndicats pesant plus de 50 % des suffrages, les DRH devront chercher des alliances qui ne vont pas forcément de soi. Jean-Paul Charlez, président de l’ANDRH, prédit « une période de transition compliquée ». D’autant que ces nouvelles règles de validité ne s’appliqueront pas tout de suite à tous les accords. Selon le sujet traité, les partenaires sociaux obéiront aux anciennes règles (30 % et absence de droit d’opposition) ou aux nouvelles. Ce qui pose la question de savoir comment valider un accord qui traite, par exemple, à la fois de temps de travail et d’un autre sujet.

Moins connu, l’article de la loi Travail relatif à la durée des accords est tout aussi important. Par défaut, un accord est désormais à durée déterminée et il cesse de produire ses effets à son terme. Ces principes vont mettre fin à « une certaine insécurité juridique », estime Séverine Martel, avocate associée du Cabinet Reed Smith. « Le législateur a voulu redynamiser la négociation collective », note, pour sa part, Thibault Meiers, avocat chez Dechert. Pour Sylvain Niel, avocat associé chez Fidal et président du Cercle des DRH, cette disposition crée une « précarisation de la négociation collective ». Les DRH vont devoir davantage négocier avec des syndicats qui ne pourront plus se prévaloir d’avantages à vie.

Fin des avantages individuels acquis

Autre disposition importante de la loi du 8 août 2016, pourtant peu commentée par ses opposants : la fin des avantages individuels acquis. Jusqu’ici, au terme de la période de survie (quinze mois) d’un accord dénoncé ou mis en cause, les salariés continuaient de bénéficier de leur rémunération, du même taux horaire de salaire, de leur prime d’ancienneté, des jours supplémentaires de congé, notamment. Ces avantages, dont la définition avait donné lieu à une importante jurisprudence, sont désormais remplacés par la rémunération perçue au cours des douze derniers mois. Sylvain Niel estime que cette réforme devrait partiellement assécher le contentieux tout en restant protectrice pour le salarié.

La loi Travail crée également deux autres nouveautés de moindre importance. Un accord de méthode pourra décider de la périodicité des NAO et les accords seront rendus publics à compter de septembre 2017, mais les signataires conserveront la possibilité de n’en publier qu’une partie et de les anonymiser.

Adaptations du droit

Les autres dispositions sont davantage des adaptations du droit que des réformes. Ainsi, les règles de révision des accords sont modifiées pour tenir compte de la réforme de la représentativité syndicale de 2008. La possibilité de renégocier un accord avant même qu’il soit mis en cause ou dénoncé légalise la pratique des entreprises soucieuses d’anticiper l’évolution du statut social de leurs salariés en période de changement. Elle devrait notamment faciliter les cessions d’entreprise.

Dans l’esprit du législateur, ces différentes dispositions doivent aider les entreprises à s’adapter aux fluctuations de la vie économique. C’est aussi l’objet du volet de la loi sur la négociation collective dans les PME (lire Entreprise & Carrières n° 1301) et, surtout, de la partie relative au temps de travail, pour l’organisation duquel l’accord d’entreprise prime sur les autres niveaux. Cette primauté doit être élargie à l’ensemble des sujets dans les années à venir.

Le législateur fait le pari que les entreprises vont se saisir des nouveaux espaces de liberté que leur ouvre la négociation pour réformer d’abord leur organisation du temps de travail, puis les autres domaines actuellement régulés par le Code du travail. Pari risqué, selon Sylvain Niel : « Ce qui est important pour la réussite d’une loi, c’est d’enclencher une démarche réussie. Or le législateur a commencé par donner la primauté à l’accord d’entreprise sur le temps de travail, sujet sur lequel les entreprises n’oseront sans doute pas revenir. La loi ne démarre pas au bon endroit. »

Auteur

  • E. F.