logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Sur le terrain

Retour sur… L’utilisation du FCPE de reprise à La Redoute

Sur le terrain | publié le : 27.09.2016 | Nicolas Lagrange

EN 2015, après un plan social douloureux, plus de la moitié des salariés de La Redoute sont devenus actionnaires via un fonds commun de placement d’entreprise (FCPE) de reprise, financièrement intéressant, qui a placé dirigeants et cadres supérieurs aux commandes de la société.

En juin 2014, lorsque le groupe Kering cède La Redoute et Relais Colis pour un euro symbolique à deux de ses dirigeants, Nathalie Balla et Éric Courteille, ces derniers s’engagent à mettre sur pied une opération d’actionnariat salarié, afin d’associer le personnel – 1 700 salariés aujourd’hui – à la reprise et au projet de transformation.

Le contexte est délicat : fondée en 1837, La Redoute est en quasi-faillite. Un PSE comportant 1 178 suppressions de postes est mis en œuvre, principalement via des départs volontaires et des préretraites d’entreprise, possibles jusqu’à fin 2017. Côté business, la vieille dame du Nord se recentre sur l’e-commerce dans la mode, l’ameublement et la décoration.

Ouverture du capital

En mars 2015, les deux dirigeants ouvrent aux salariés le capital de la holding New R (regroupant La Redoute et Relais Colis). Instrument choisi : un FCPE de reprise, adossé au PEE existant, formalisé par un accord avec deux organisations syndicales sur quatre (CFDT et CFE-CGC). Un dispositif prévu par la loi du 30 décembre 2006 pour favoriser la transmission de l’entreprise aux salariés, mais jamais utilisé jusque-là dans l’Hexagone. À l’issue de l’opération, la holding sera détenue à 84 % par les deux dirigeants et une quarantaine de cadres supérieurs, et à 16 % par les autres salariés, français et étrangers.

Un investissement sécurisé

Pour réduire les risques de pertes, environ un tiers du fonds est investi en actions et le reste en produits monétaires. Les salariés intéressés ne bénéficient pas d’une décote, mais d’un abondement de 100 % sur les 200 premiers euros, « des modalités conçues pour impliquer le maximum de salariés dans la transformation de l’entreprise, quels que soient leurs revenus, tout en sécurisant leur investissement initial, explique Pascal Lafon, DRH de La Redoute. Nous avons mené une trentaine de réunions avec 20 à 40 participants à chaque fois pour expliquer le mécanisme choisi et répondre aux questions. »

Résultat de l’opération : des montants de souscription demandés par les salariés cinq fois plus élevés que l’enveloppe globale disponible, et un taux de souscription de 58 % parmi le personnel, pour un investissement moyen de 184 euros. Une réussite réelle, dans une période sociale délicate et en dépit des contraintes du FCPE de reprise.

« La durée de blocage de huit ans et la limitation des déblocages anticipés ont rebuté de nombreux salariés, analyse Louis Marcy, délégué syndical central (DSC) CFE-CGC, le premier syndicat. Mais une majorité d’entre eux ont quand même investi, ce qui démontre leur confiance dans l’avenir de La Redoute. » Satisfait, le DRH formule néanmoins un regret : « Le FCPE de reprise ne permet pas, contrairement à un FCPE classique, d’intégrer ultérieurement de nouveaux entrants. »

Les salariés actionnaires, eux, peuvent se frotter les mains. Car, plus d’un an après l’opération, à l’issue de la valorisation effectuée en mai dernier par un expert extérieur après la clôture des comptes, le prix de la part a été multiplié par 37. Ce qui porte le capital moyen détenu par les salariés de 355 euros à plus de 13 000 euros ! Un résultat ponctuel à caractère exceptionnel, dixit la direction, qui est lié à un chiffre d’affaires supérieur aux attentes et à une trésorerie très positive, consécutive à la recapitalisation de 315 millions d’euros opérée par Kering au moment de la cession.

Transparence

La nouvelle répartition du capital a-t-elle eu un impact sur le mode de gouvernance au sein de La Redoute ? « Il y a incontestablement une meilleure compréhension du plan de transformation, répond Pascal Lafon. Les équipes sont plus réactives pour accompagner la mutation du business model. Parallèlement, nous jouons la transparence. Un séminaire réunit les 80 principaux managers pour une information détaillée tous les deux mois, des réunions de coordination d’équipes ont lieu mensuellement, nous éditons des brochures sur l’avancement du plan de transformation, nous avons revu l’intranet, relancé un baromètre social… »

Le représentant de la CFE-CGC confirme recevoir « des informations plus fréquentes, notamment sur les aspects industriels et commerciaux, sur les partenariats… » Mais, pour son homologue Nora Miloudi, DSC FO (2e syndicat), « il manque des explications essentielles sur certains dossiers clés, tels que les dysfonctionnements des nouveaux outils logistiques. Et les ouvriers, qui n’ont pas accès à un ordinateur, sont sous-informés et ont le sentiment d’être tenus à l’écart de la transformation ».

Les spécificités du FCPE de reprise

Le FCPE de reprise est créé au sein d’un PEE pour permettre le rachat de l’entreprise par au moins 15 salariés. Un accord avec les organisations syndicales indique l’identité des salariés participant à la reprise, le contrôle final de l’entreprise (qui doit être exclusif, et non pas progressif) et le terme de l’opération. Ce sont les porteurs de parts du FCPE de reprise qui exercent directement les droits de vote et non pas le conseil de surveillance.

Les sommes investies par les salariés actionnaires sont bloquées au minimum cinq ans. Contrairement à un FCPE classique, le déblocage par anticipation n’est possible qu’en cas d’invalidité, de retraite ou de décès. Donc pas dans les cas de mariage, de Pacs, de troisième enfant, de séparation, de rupture du contrat de travail, de surendettement ni d’acquisition de la résidence principale (ou de travaux).

Auteur

  • Nicolas Lagrange