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L’enquête

International : Au Québec, la santé passe par les entreprises

L’enquête | publié le : 27.09.2016 | Ludovic Hirtzmann

En créant en 2008 une certification Entreprise en santé, les Québécois ont placé la santé et la qualité de vie au cœur de leurs entreprises. Si les travailleurs sont plus heureux dans leurs environnements professionnels, ils le sont aussi dans leur vie personnelle. Les sociétés, elles, y gagnent en productivité et réduisent leur absentéisme.

Des travailleurs en santé, ce sont des entreprises en santé. Partant de ce postulat et sous l’impulsion du Groupe entreprises en santé (GES), le Québec a adopté en 2008 une norme Entreprise en santé (ES) certifiée par le Bureau de normalisation du Québec (BNQ), l’équivalent de l’Afnor. L’idée de cette norme est née en 2004. À l’époque, le président de ce qui n’était pas encore le GES, Roger Bertrand, économiste, ancien ministre et l’un des meilleurs spécialistes québécois des questions de santé, a entrepris une démarche « auprès de nombreux leaders du milieu de l’entreprise au Québec sur les enjeux socio-économiques reliés à la “non-santé” (…) », explique-t-il. La mission ? « Effectuer auprès des entreprises la promotion de la prévention et de l’éducation en santé, tant pour leur rentabilité que pour contribuer à une économie plus concurrentielle et à une société en meilleure santé », précise l’économiste. Dès les années 1980, celui-ci avait remarqué que les coûts liés à la santé pesaient de plus en plus sur le budget de l’État. Comment les diminuer ? En améliorant la santé des travailleurs.

Au pays du dollar-roi, la démarche ES est cependant loin d’être désintéressée. « La logique est simple : retour de 1,64 dollar à 4 dollars par dollar investi. Elle est rentable à tous égards – pour le personnel, l’entreprise, l’économie et la société », note Roger Bertrand. Stefano Bertolli, le vice-président de l’entreprise de fabrication de produits alimentaires Lassonde (2 100 employés), précise les avantages de la démarche pour sa société : « Amélioration de la productivité, réduction de l’absentéisme et des coûts d’assurance collective grâce à la réduction du tabagisme et à de meilleures habitudes alimentaires », avant d’ajouter : « Les programmes mis en place renforcent le sentiment d’appartenance des employés envers l’entreprise. »

Même avis chez Valacta, une firme de production laitière (288 employés). « Le résultat le plus probant est la diminution des coûts de la non-santé (accidents du travail, invalidité de courte et de longue durées, frais médicaux) de 24,7 % en deux ans », souligne la DRH de Valacta, Marie-Claude Frigon. Depuis l’implantation en 2011 de la norme ES, le cabinet de service conseil en ressources humaines Morneau Shepell (4 115 employés) n’a que de bons mots pour cette dernière. La norme se traduit au quotidien par une souplesse de l’horaire de travail « permettant de concilier vie professionnelle et personnelle », confie Josée St-Pierre, conseillère principale marketing de Morneau Shepell, ce qui a permis une augmentation du résultat de la société depuis trois ans. De plus, pour ses employés, la firme de conseil propose des ateliers de méditation, du massage sur chaise, des dîners-causeries sur la nutrition, la gestion du temps, des parcours de marche mensuels de 30 minutes et même des conférences sur l’humour.

Parcours simple de certification

Selon Roger Bertrand, dont le GES accompagne les sociétés dans leurs démarches de normalisation en santé, l’itinéraire de certification n’a rien de bien compliqué : il faut « d’abord s’assurer d’un fort appui de la direction de l’organisation et impliquer les employés dans la démarche. Ensuite, identifier les forces et les faiblesses de l’organisation dans le domaine de la santé, cibler les priorités, mettre les actions en place, puis évaluer les résultats en vue d’un prochain cycle de mobilisation pour la santé en entreprise ». Sans oublier « de prendre en compte les problématiques des employés qui travaillent à domicile », ajoute Josée St-Pierre.

Pour s’assurer de la réussite du processus ES, Lassonde effectue des sondages d’appréciation pour chaque programme créé. D’autres structures, comme Morneau Shepell ou Valacta, ont constitué un comité santé chargé du suivi de la norme ES dans l’entreprise. Malgré ses succès, la démarche montre toutefois des limites. La certification est longue, dix-huit mois pour Valacta, selon sa DRH. Seules 75 entreprises, représentant 40 000 employés, soit moins de 1 % de la population active, ont adhéré à la norme. Mais c’est trois fois plus qu’en 2012.

La norme ES a donc apparemment de beaux jours devant elle. Car, au Québec, le système de santé, public et gratuit, est désastreux si on le compare à celui de la France. La prévention est absente. Près de la moitié des Montréalais n’ont pas accès à un médecin généraliste et doivent aller aux urgences bondées des hôpitaux pour se faire soigner. Résultat, selon un récent sondage de l’institut québécois SOM, un travailleur sur deux serait prêt à changer d’entreprise pour améliorer sa santé et sa qualité de vie.

Auteur

  • Ludovic Hirtzmann