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Les DRH appliqueront la loi travail avec pragmatisme

La semaine | publié le : 13.09.2016 | Emmanuel Franck

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Les DRH appliqueront la loi travail avec pragmatisme

Crédit photo Emmanuel Franck

L’ANDRH effectuait la semaine dernière sa rentrée sociale, marquée principalement par l’adoption de la loi Travail au cours de l’été, sur laquelle l’association publie un sondage réalisé auprès de ses adhérents. Elle demande aux pouvoirs publics de faire diligence sur les décrets d’application et enjoint les branches à négocier rapidement leur ordre public. L’ANDRH fait aussi part de ses inquiétudes sur le prélèvement à la source.

Le 8 septembre, l’ANDRH a publié un sondage* sur la loi Travail réalisé cet été auprès de ses adhérents. Les praticiens du droit du travail s’y expriment pour la première fois sur le texte définitif (lire également notre sondage Défis RH 2016 dans Entreprise & Carrières n° 1289 du 17 mai 2016). « La loi Travail est complexe, traitant de nombreux sujets. Les DRH vont s’attacher à la mettre en place avec pragmatisme », déclare Jean-Paul Charlez, président de l’ANDRH et DGRH d’Etam. « Souhaitons que les décrets à venir ne compliquent pas la loi au point de la rendre inapplicable », ajoute de son côté Benoît Serre, vice-président, par ailleurs DG adjoint en charge des RH groupe à la Macif. Les pouvoirs publics devront en effet prendre encore plus de cent décrets.

Temps de travail

En attendant, l’article 8 traitant du temps de travail n’est pas applicable. Pour 66 % des DRH, la production des décrets relatifs à cet article est une priorité. Leur relative impatience est à la hauteur des bénéfices qu’ils attendent de la primauté de l’accord d’entreprise en matière de temps de travail. Notamment, la liberté nouvelle de négocier le taux de majoration des heures supplémentaires permettra, selon Jean-Paul Charlez, « de mettre en compétition les heures supplémentaires avec les autres outils servant à répondre à une hausse de la charge de travail ». À l’heure actuelle, les CDD et l’intérim sont, d’après lui, davantage compétitifs que les heures supplémentaires majorées à 25 % ; le “bon” taux étant aux alentours de 12 % ou de 15 %.

Revers de cette liberté, les DRH pointent les risques de disparité d’attractivité entre les entreprises d’une même branche, les déséquilibres prévisibles entre les grandes entreprises et des PME n’ayant pas les ressources pour négocier, et les « risques d’abus » dans les entreprises n’ayant pas de fonction RH. En conséquence, ils plaident pour un « socle conventionnel minimal » et appellent les branches à ouvrir des négociations pour définir leur ordre public conventionnel, autrement dit, les thèmes sur lesquels les accords d’entreprise ne pourront être moins favorables que les accords de branche. Jean-Paul Charlez annonce d’ailleurs qu’il va démarrer « tout de suite » une négociation sur le sujet dans sa branche (succursalistes de l’habillement).

Accords majoritaires

Les DRH sont également très nombreux (74 %) à attendre le décret de l’article 21 sur la validation des accords d’entreprise. Et pourtant, ils savent bien (58 %) qu’à court terme, la règle majoritaire ne va pas faciliter la signature, puisque « les alliances syndicales ne vont pas de soi ». « Cela peut être compliqué, il faudra passer par une période de transition », admet Jean-Paul Charlez.

Les référendums de validation – pour les accords signés par des syndicats pesant entre 30 % et 49 % des suffrages – laissent les DRH très dubitatifs. Manifestement, ils rechercheront des accords majoritaires. Pour eux, la consultation doit être « considérée comme une exception en cas de blocage », répondent-ils dans le sondage ; « les salariés risquent de l’utiliser comme canal d’expression d’un mécontentement » sans rapport avec son objet, et elle devrait pouvoir être mise en place également à l’initiative de l’employeur. In fine, ils demandent que le décret précise « rapidement » les modalités de la consultation.

Licenciements économiques, forfaits-jours

Les DRH sont circonspects sur la sécurisation des licenciements économiques (voir le graphe), alors qu’elle était précisément l’enjeu de l’article 67. Ils regrettent (63 %) que la loi n’ait pas retenu le périmètre national. Ils remarquent qu’un groupe peut être composé d’entités avec des situations économiques très hétérogènes et que les marges d’interprétations laissées au juge sont très importantes. Au final, 85 % estiment que cette disposition ne va pas favoriser l’emploi.

Sur les forfaits-jours, les DRH approuvent très massivement (93 %) les différentes dispositions de la loi visant à ce que la non-conformité d’un accord décidée par le juge ne fasse pas « tomber » automatiquement, pour des questions de forme, la légalité des conventions individuelles. Mais, d’un autre côté, ils anticipent que la loi va déplacer les contentieux sur les modalités concrètes de suivi de la charge et sur le droit à la déconnexion. Aussi, seuls 37 % pensent que ces dispositions vont diminuer les risques de contentieux.

Des inquiétudes sur le prélèvement à la source

Le prélèvement de l’impôt à la source, qui entrera en vigueur au 1er janvier 2018, inquiète l’ANDRH. Étant donné qu’il sera prélevé sur le salaire, « cela produira un effet sur le salaire net, ce qui va poser des difficultés au moment des NAO », prédit Benoît Serre, vice-président de l’ANDRH. Les syndicats ne se priveront sans doute pas d’utiliser l’argument de la baisse du net pour demander une augmentation de l’enveloppe.

Il craint également que le service paie ne se transforme en bureau des réclamations. Notamment lorsque l’administration fiscale aura calculé, en 2019, les sommes restant dues au titre des revenus de l’année précédente. « S’il faut que l’entreprise prélève davantage, ce sera à elle de l’annoncer au salarié », craint-il. Et les salariés dont la situation fiscale change en cours d’année ne seront-ils pas tentés d’obtenir des modifications immédiates de leur taux de prélèvement auprès de leur employeur ? Enfin, se remémorant les difficultés de mise en place de la déclaration sociale nominative (DSN), le vice-président craint que, de nouveau, les services informatiques de l’État ne soient pas prêts à temps.

* Enquête réalisée auprès de 448 adhérents de l’ANDRH entre le 21 juillet et le 26 août 2016.

Auteur

  • Emmanuel Franck