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Chronique

Du côté de la recherche

Chronique | publié le : 13.09.2016 | Denis Monneuse

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Du côté de la recherche

Crédit photo Denis Monneuse

À quoi bon s’excuser ?

Je fais partie du petit groupe de Gaulois qui tentent de résister à l’envahisseur. Cette fois, l’envahisseur n’est pas Jules César, mais cette injonction insupportable pourtant tellement répandue : « Excuse-moi ! ». Celui qui est en tort, au lieu de demander tout simplement pardon à sa victime, lui ordonne, comme le signale l’usage de l’impératif, de l’excuser. Le transgresseur se croit poli alors que la politesse, elle, exige de dire plutôt : « Je te prie de m’excuser. »

De toute façon, présenter ses excuses ne sert presque à rien dans le monde professionnel, du moins, si j’en crois une étude parue cet été dans la revue Human Relations sous la plume de Xue Zheng, Marius van Dijke, Joost Leunissen, Laura Giurge et David De Cremer. Il ne fallait apparemment pas moins de six chercheurs internationaux pour aboutir à ce résultat contre-intuitif.

Pourtant, on pourrait penser que présenter ses excuses à un collègue permette d’éviter l’escalade d’un conflit, quand on sait qu’il suffit parfois d’une broutille pour que des relations interpersonnelles dégénèrent. Des études précédentes avaient montré que la présentation d’excuses avait un effet positif mais limité pour obtenir le pardon quand l’affront commis était intentionnel et quand les relations entre la victime et le coupable étaient distantes.

Nos six chercheurs, quant à eux, se sont intéressés aux cas où il existe une relation de pouvoir entre le transgresseur et le transgressé. Plus précisément, ils ont fait l’hypothèse que, si la victime se sentait dominée par le transgresseur (parce que ce dernier a une influence sur sa rémunération, par exemple), alors elle aurait tendance à percevoir comme du cynisme les excuses reçues. Jugeant les remords exprimés absolument insincères, la victime hésite donc à deux fois avant de pardonner au coupable un mauvais geste.

Trois études ont alors été menées pour tenter de confirmer leur hypothèse. La première consistait en un questionnaire au cours duquel 247 participants étaient amenés à se remémorer un mauvais geste subi au travail et à indiquer dans quelle mesure ils l’avaient pardonné. Dans la deuxième, 156 salariés américains devaient se remémorer un mauvais geste subi de la part d’un collègue de position hiérarchique supérieure ou inférieure. Enfin, la troisième étude était une expérience en laboratoire au cours de laquelle 127 étudiants en licence participaient à un jeu fondé sur la confiance, au cours duquel leur coéquipier les trompait.

Ces trois études ont débouché sur des résultats similaires : le fait de présenter ses excuses facilite le pardon d’autrui quand le transgresseur est dominé (socialement parlant) par la victime. En revanche, quand c’est la victime qui est dominée, le fait que son collègue dominant présente ses excuses est inutile, voire contre-productif, car cet acte de contrition est interprété comme non sincère ; il est donc mal perçu.

Bref, à moins d’avoir construit une relation de confiance avec ses collaborateurs au préalable, un manager n’a pas intérêt à leur présenter ses excuses en cas d’impair. L’idéal étant bien entendu de ne pas en commettre !

Auteur

  • Denis Monneuse