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“Travailler plus”, une tendance qui s’installe dans les collectivités territoriales

Zoom | publié le : 06.09.2016 | Solange de Fréminville

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“Travailler plus”, une tendance qui s’installe dans les collectivités territoriales

Crédit photo Solange de Fréminville

Pour s’aligner sur la durée légale de 1 607 heures par an, les collectivités territoriales augmentent leur temps de travail, parfois en négociant des compensations avec les représentants syndicaux. Un enjeu souvent conflictuel, qui suscite un débat en faveur d’une nouvelle organisation du travail.

Depuis le 1er juillet, Nîmes Métropole a augmenté son temps de travail d’une heure par semaine pour appliquer la durée légale annuelle de 1 607 heures (lire l’article p. 7). Une situation qui n’a rien d’exceptionnel. Plusieurs départements, des communes et des intercommunalités se sont engagés dans la même voie, à la suite de mises en garde de la part des chambres régionales des comptes.

Selon le rapport Laurent sur le temps de travail dans la Fonction publique, présenté en mai 2016(1), il serait quasi impossible de connaître le nombre de collectivités concernées, car les unes ont voté des délibérations officielles, quand d’autres se sont contentées de notes de service.

Passage aux 35 heures et recrutements

Comment en est-on arrivé là ? « Au début des années 1980, le gouvernement a incité les collectivités à passer aux 35 heures et à recruter », expose Johan Theuret, président de l’association des DRH des grandes collectivités. Lors de la mise en application des lois Aubry au début des années 2000, des collectivités ont maintenu ou renforcé des régimes dérogatoires au terme de négociations avec les représentants syndicaux. Par ailleurs, nombre d’élus ont royalement octroyé au personnel administratif des jours de congé intitulés “les jours du maire”, “la semaine du président” – des largesses dont l’historique n’est pas connu. Si ce système a duré, c’est que « le temps de travail plus réduit a compensé la faiblesse des rémunérations des agents », estime Johan Theuret. Dans la fonction publique territoriale, la catégorie C est la plus nombreuse (77 % des agents) et la moins bien rémunérée.

Aujourd’hui, la tendance est à l’augmentation du temps de travail par souci de sortir de l’illégalité, mais aussi sous la pression des fortes restrictions budgétaires liées à la baisse des dotations de l’État. On pourrait multiplier les exemples : le département de l’Isère, celui de l’Aude, en 2014, et encore récemment l’agglomération de Béziers se sont alignés sur la durée légale. Les élus mettent en avant les économies réalisées en supprimant des jours de congés. Au 1er janvier 2016, le conseil départemental des Alpes-Maritimes, qui emploie 4 400 personnes, a imposé la disparition des 3 “jours du président” et réduit de moitié les jours de RTT, passés de 22 à 11. « Le gain représente 150 équivalents temps plein », estime Christophe Noël du Payrat, directeur général des services.

Des Changements imposés

Le département du Nord s’est engagé dans la même voie. Au 1er janvier 2017, 9 600 agents devraient avoir 9,5 jours de congés en moins de manière à travailler 1 607 heures au lieu de 1 525 heures. Une délibération prise en avril dernier supprime en effet les 5 “jours du président” (ou “semaine Schumann”) et les 4,5 jours de congés liés à des fêtes locales ou religieuses. « Nous économiserons 350 équivalents temps plein et une quinzaine de millions d’euros », affirme Jean-Luc Detavernier, vice-président du conseil départemental, délégué aux ressources humaines.

Néanmoins, ces arguments font débat : « Le plus souvent, l’augmentation du temps de travail représente quelques minutes de plus par semaine, indique Johan Theuret. Cela ne conduit pas à une économie considérable. » Contrairement aux départements des Alpes-Maritimes et du Nord, qui ont imposé ce changement, Nîmes Métropole a opté pour des négociations et, surtout, ce qui est rare, pour une contrepartie financière (lire l’article p. 7). Selon le rapport Laurent, certaines collectivités ouvrent la possibilité de récupération de jours de RTT, ou bien offrent des « jours supplémentaires de formation ». D’autres proposent des mesures sociales, à l’image de Béziers Méditerranée, qui a signé un accord avec les syndicats le 7 juillet dernier pour augmenter le temps de travail de 59 heures par agent et par an. Les 520 agents de l’agglomération bénéficieront notamment, à partir du 1er janvier 2017, d’une participation de l’employeur à une mutuelle de santé, d’une contribution renforcée à la garantie prévoyance, et de l’adhésion de l’agglomération au comité d’œuvres sociales (COS) de l’Hérault(2).

Mais relativement peu de collectivités proposent des compensations. Dès lors, l’augmentation du temps de travail est le plus souvent contestée par les syndicats, comme en témoignent les tracts, manifestations et grèves dans plusieurs collectivités. Ils demandent bien souvent à élargir la négociation. « Il y a un abcès de fixation sur les 1 607 heures, déplore Claire Le Calonnec, secrétaire générale de la fédération Interco CFDT. Mais il y a d’autres problèmes, notamment les bas niveaux de rémunération dans les collectivités territoriales. Il faudrait également prendre en compte la pénibilité de certains métiers, par exemple dans les écoles maternelles et auprès des personnes âgées, en ouvrant plus largement le droit des agents à une deuxième carrière. »

L’idée de profiter de ces négociations pour une mise à plat plus globale fait son chemin : « Il faut coupler temps de travail et organisation du travail », plaide Johan Theuret. Les DRH des collectivités pointent deux priorités : l’absentéisme et les dépassements fréquents du temps de travail, pas seulement chez les cadres. Parmi les pistes de progrès évoquées : favoriser la flexibilité, notamment par l’annualisation, et trouver des compensations à l’accroissement des charges de travail, afin de prendre en compte la durée effective, et pas seulement théorique, du travail des agents.

Nîmes Métropole : une compensation financière à l’augmentation du temps de travail

Depuis le 1er juillet, les 450 agents de Nîmes Métropole travaillent 36 heures par semaine au lieu de 35 auparavant. Une augmentation du temps de travail exigée il y a un an par la communauté d’agglomération, la durée légale annuelle de 1 607 heures n’étant pas respectée. En 2015, la chambre régionale des comptes du Languedoc-Roussillon signalait en effet dans son rapport que les agents bénéficiaient de 9,5 jours de plus que les congés légaux, soit 3 “jours du président”, 4,5 jours de ponts exceptionnels et 2 jours de fractionnement. La durée annuelle du travail tombait à 1 515,5 heures certaines années en fonction des dates des jours fériés.

Nîmes Métropole a opté pour une large concertation et un système de compensation. Les agents ont été consultés en janvier 2016 sur les modalités d’augmentation du temps de travail préalablement négociées avec leurs représentants syndicaux. Résultat : ils ont choisi de conserver leurs congés et d’augmenter d’une heure leur présence hebdomadaire. « La très grande majorité sont des cadres de catégorie A ou B. Ils travaillaient déjà nettement plus de 35 heures par semaine sans être rémunérés en conséquence », relève Jean-Luc Pena, secrétaire général de la FA-FPT à Nîmes Métropole.

L’accord, signé le 23 juin, est assorti d’une compensation financière. Le montant de salaire correspondant au temps de travail supplémentaire a été évalué à 43 euros brut par agent et par mois. Il a été convenu de reverser ce même montant à chacun, plutôt que de le moduler en fonction des rémunérations.

« Le retour à la légalité est nécessaire, mais il faut que cet effort soit compensé, avance Laurent Cotteret, directeur général des services de Nîmes Métropole. L’esprit n’est pas de gagner de l’argent sur le dos des agents, mais de travailler plus pour gagner plus. Nous préférons des agents motivés au travail et qui sont sources de propositions, pour faire des économies. »

(1) Le 26 mai 2016, Philippe Laurent, président du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, a remis son rapport sur le temps de travail dans la Fonction publique à Annick Girardin, ministre de la Fonction publique.

(2) Jusque-là, chaque agent versait une cotisation annuelle au Groupement des œuvres sociales biterrois.

Auteur

  • Solange de Fréminville