logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Les clés

Gestion d’équipe : Faire face à une équipe hostile

Les clés | publié le : 06.09.2016 | Marie-Madeleine Sève

Image

Gestion d’équipe : Faire face à une équipe hostile

Crédit photo Marie-Madeleine Sève

Changement imposé, règles chahutées, décision abrupte, mots vifs ou déplacés… Le ressentiment gagne les collaborateurs. À la tête d’une nouvelle équipe ou déjà en poste, le manager malhabile ou simple relais hiérarchique peut en sortir la tête haute, à condition de faire preuve de courage, de réactivité et de fermeté. Sans rechercher la bonne entente à tout prix. Explications.

« Je suis désolé. Je n’ai pas pris le temps d’expliquer les nouvelles procédures. C’est une erreur de ma part et on va en parler. Comment les mettre en place ? Quelles sont vos difficultés ? » C’est par ces mots exprimés avec sincérité que Pierre, patron d’une PME du bâtiment, a réussi à retourner la salle, alors que la grogne montait dans l’équipe d’un chantier de centre commercial.

Les 20 maçons rechignaient à appliquer les nouvelles consignes de sécurité exigées par simple circulaire. Et les critiques acerbes du client, constatant ce manquement sur place, ont été la goutte de trop. Mais Pierre a su confronter le collectif. En adoptant un profil bas, il a montré son humanité et remotivé ses troupes, prêtes à coconstruire avec lui un plan d’action.

Tout manager, au cours de sa carrière, a rencontré ou rencontrera de l’hostilité dans les rangs. Soit parce qu’il hérite d’une situation dégradée, soit parce qu’il commet une “boulette”, soit parce qu’il pilote un changement imposé par la direction et que, placé en première ligne, il essuie les plâtres. « L’hostilité est une réaction normale dans toute communauté humaine, en particulier lors de bouleversements ou de situations difficiles, souligne Jean-Louis Muller, expert en management auprès de Cegos. Une belle opportunité de développer ses capacités managériales. »

Prendre du recul

Inutile donc de se tourmenter, il faut plutôt s’interroger sur l’origine de l’animosité de ses collaborateurs et prendre du recul : c’est la fonction qui est visée et non pas soi-même ; le chef cristallise les peurs. Y a-t-il des signes avant-coureurs (lire l’avis du coach) ? Sont-ils probants ? L’encadrant peut faire un sondage autour de lui. « Il se trouve toujours une personne plus bienveillante que les autres qui l’avertira sur une maladresse ou confirmera ses doutes sur un climat délétère dont elle révélera les causes », assure Valérie Rocoplan, coach de dirigeants et fondatrice de Talentis.

Ensuite, il s’agit de prendre les devants pour crever l’abcès, car les salariés fâchés attribuent vite des mauvais points au n + 1 et les accumulent. Du coup, tout ce qu’il fait est surinterprété défavorablement. Les coachs conseillent de s’adresser à l’équipe avec finesse puis de laisser venir les commentaires et les désaccords en restant sur un mode réceptif. « J’ai senti que… J’ai entendu que… J’ai l’impression que… il y a des incompréhensions entre nous… Que peut-on faire pour bien travailler ensemble ? » Et mieux vaut mettre les pieds dans le plat si nul ne réagit : « On m’a dit que je ne me rendais guère disponible… J’ai peut-être été trop intransigeant sur le projet Z… » Le manager peut préférer tenir ce type de propos en voyant ses collaborateurs un à un, pour éviter d’aller au casse-pipe. Auquel cas il a intérêt à les prévenir, sinon ceux-ci vont penser qu’il cherche à « diviser pour mieux régner », prédit l’expert Jean-Louis Muller. Il peut aussi affronter l’équipe au cours d’une réunion de service, il optera alors pour un mode collectif de remontée des griefs via des post-it, ce qui écartera tout débordement et l’aidera à amorcer le dialogue. « Toutefois, il doit respecter le rebelle, insiste la coach Valérie Rocoplan, car ce profil est souvent le porte-parole du ras-le-bol général et il a de bonnes raisons à exposer. » L’idée, ensuite, consiste à mobiliser les énergies sur le futur, des sujets utiles.

Stratégie des alliés

Autre moyen, plus subtil : la stratégie des alliés, terme issu de la sociodynamique initiée par Jean-Christian Fauvet et Michel Crozier. Le manager va considérer son équipe comme un tout, avec quatre positions principales tenues par ses membres face au changement : les alliés, qui pèsent, par expérience, pour 15 % du groupe et qui sont partants ; les indécis (35 %) qui ne sont ni pour, ni contre ; les déchirés (35 %) qui sont tout à la fois et pour et contre ; les opposants (15 %). « Le manager a intérêt à s’appuyer sur les alliés, qui lui sont acquis, pour faire basculer le groupe dans son sens, résume la coach Latifa Gallo, auteure des 50 règles d’or de la gestion de conflits (Larousse, mars 2016). Il leur consacrera les deux tiers de son temps managérial pour les challenger, les associer au projet. L’astuce consiste à les mettre en binôme avec les déchirés – partagés entre le oui et le non – afin que, par leur influence, leur force de persuasion, les alliés les fassent pencher du côté positif de l’action. En revanche, le n + 1 n’a pas intérêt à s’épuiser à convaincre les opposants – même s’il les écoutera et en incitera un ou deux à se mouiller –, ni à s’escrimer avec les indécis, qu’il tiendra informés sur les avancées. » Reste le cas du chef de bande, qui embarque ses collègues dans la contestation. Dès lors, il n’y a qu’une solution, voir le récalcitrant à part et lui poser des questions orientées vers le progrès « Qu’est-ce qui ferait que ça aille mieux ? » ; « Que penses-tu que je doive faire ? ». De fil en aiguille, il s’impliquera. Et les tensions s’apaiseront.

Les conseils du coach

Jean-Louis Muller

Expert en management auprès de Cegos

–1– Repérer les signaux faibles… et forts

L’hostilité peut couver sans se déclarer. Elle se décèle dans les comportements et le langage non verbal. Exemple classique, les conversations qui stoppent net à votre passage à la machine à café ou les salariés qui filent à votre approche. D’autres vont plus loin : ils vous ignorent dans les couloirs, arrivent systématiquement en retard aux réunions, où ils restent les bras croisés, se taisant à vos suggestions. Autre alerte : ils disent « ouais… », avec la voix mais « non » avec un mouvement de tête. Certains même boudent les entretiens annuels, ou refusent de coopérer au-delà de leur stricte mission.

–2– Atténuer l’effet groupe

Lancer une discussion d’équipe sur le malaise global, c’est prendre un gros risque : celui des effets d’exagération, de surenchère, d’entraînement entre les participants. Le mieux est d’utiliser des post-it pour canaliser les ardeurs et les émotions. Proposez à chacun – ou à des sous-groupes de 3 ou 4 – de notifier sur ces autocollants ce qui se passe bien, moins bien et mal dans le service, et de les afficher au mur. Le tout, en votre absence. Une fois de retour, à la lecture des remarques anonymes, vous pourrez enclencher un débat constructif sur des éléments concrets et objectifs.

–3– Distinguer ce qui dépend de l’équipe et ce qui n’en dépend pas

L’équipe peut trouver des solutions à ce qui dysfonctionne et la hérisse, pourvu qu’elle ait, et vous aussi, prise sur le sujet et une marge de manœuvre. Car si le mécontentement se fixe sur les niveaux de salaire, l’arrivée d’une nouvelle machine, les conditions de travail, ce sera difficile de sortir du potentiel conflit. Annoncez alors : « Sur ces points-là, nous sommes dans une zone de dépendance. Cependant, j’en prends bonne note pour le signaler en haut lieu. » Et faites-le.

Auteur

  • Marie-Madeleine Sève